(3) Le résultat : l’homme naît sans cesse de Dieu selon chaque bonne action par
(3) Le résultat : l’homme naît sans cesse de Dieu selon chaque bonne action par laquelle Dieu l’engendre 20 ibid., XX, § 243 : PG. 14, 649 AB. 30La révélation que constitue l’Esprit Saint, entièrement subordonnée à la révélation du Père dans le Fils, dont elle n’est qu’un « aspect », atteint l’homme par le biais de sa liberté, suscitant une activité qui est un fruit de l’Esprit tout en restant parfaitement libre. C’est à la faveur de cette activité qui est à la fois « de Dieu » et « de l’homme » que le contenu de la révélation de Dieu devient peu à peu un don acclimaté dans l’homme. Celui-ci, en consentant au mouvement qu’éveille en lui l’Esprit Saint, met en pratique ce qui lui vient de la révélation et se trouve peu à peu transformé à l’image de ce qu’il pratique. En effet l’homme n’est pas, de lui-même, connaturel à Dieu, comme le prétendaient certains gnostiques. Selon la terminologie employée par les Pères grecs, sa « divinisation » se produit par l’accession à la foi et la réception du baptême qui opère en lui une nouvelle naissance (παλιγγενεσία : Tt 3,5). Mais l’inauguration de la vie filiale que constitue le baptême doit se prolonger dans toute une existence filiale, au cours de laquelle la qualité de fils va connaître une actualisation et une « croissance » progressives liées à la pratique des bonnes actions. « Plus on aura entendu de paroles de Dieu et plus on sera fils de Dieu », explique Origène, qui précise aussitôt : « ... pourvu toutefois que ces paroles tombent sur quelqu’un qui a reçu l’Esprit d’adoption »20. En effet, dit encore Origène, on devient le fils de celui dont on pratique les œuvres : 21 ) Homélies sur Jérémie, IX, 4 : PG. 13, 356 C - 357 A ; traduction de P. NEMESHEGYI dans La Paterni (...) Tous ceux qui commettent le péché sont nés du diable (1 Jn 3,8) ; nous sommes donc pour ainsi dire autant de fois nés du diable que nous avons péché. Misérable, celui qui naît toujours du diable, mais bienheureux celui qui naît toujours de Dieu. Car je dis : le juste ne naît pas seulement une fois de Dieu. Il naît sans cesse. Il naît selon chaque bonne action, par laquelle Dieu l’engendre. Si je te persuadais que notre Sauveur lui-même n’a pas été engendré par le Père pour être ensuite détaché de lui après sa nativité, mais que le Père l’engendre sans cesse, alors je pourrais aussi t’amener à croire la même chose du juste. Voyons donc, qui est notre Sauveur ? Il est « la splendeur de la Gloire ». Or la splendeur de la Gloire n’est pas quelque chose qui fut engendré une fois et ne l’est plus maintenant. Au contraire, tant que subsiste la lumière resplendissante, la Splendeur de la Gloire divine continue à être engendrée... Donc le Sauveur est sans cesse engendré... il naît sans cesse du Père. De la même manière toi aussi, si tu possèdes l’Esprit d’adoption, Dieu t’engendre sans cesse dans le Fils. Il t’engendre d'œuvre en œuvre, de pensée en pensée. C’est là la nativité que tu reçois et par elle tu deviens un fils de Dieu sans cesse engendré dans le Christ Jésus21. 22 Cf. H. RAHNER, Die Gottesgeburt... (ZNTh. 59, 1935, p. 418), cité dans NEMES-HEGYI, La Paternité de (...) 31Origène développe ici un thème qui sera repris par certains Pères de l’Eglise et qu’on retrouve jusque chez Maître Eckhart22 : le juste est sans cesse engendré par le Père, selon chaque bonne action, selon chaque bonne pensée. Cette « naissance continuelle » est reliée d’une part à la naissance éternelle du Verbe, devenu homme dans le Christ Jésus, et suppose d’autre part le don de l’Esprit Saint (si tu possèdes l’Esprit d’adoption...). 32L’allusion à l’Esprit Saint a, dans ce passage, une grande importance. Sans elle on ne peut comprendre comment, dans chaque bonne action, se réalise une naissance de l’homme à partir du Père. L’allusion cependant a besoin d’être éclairée par la pensée d’Origène sur l’Esprit Saint exprimée ailleurs, par exemple dans son commentaire du Notre Père (Traité sur la prière 22) : « quand vous priez, dites : notre Père... » (Lc 11,2). Origène commence par examiner le sens du mot dire Père, et passe aussitôt de ce mot au verset de saint Paul que nous avons cité plusieurs fois : « Personne ne peut dire Jésus est Seigneur que par l’Esprit Saint » (1 Co 12,3). La recherche se fixe alors sur l’expression paulinienne dire sous l’action de l’Esprit Saint (en pneumati). — Le verbe « dire » pris en son sens obvie fait difficulté. En effet l’Apôtre déclare d’une part que personne ne peut dire « Jésus est Seigneur » s’il n’est pas sous l’emprise de l’Esprit Saint, et d’autre part beaucoup « disent » la formule de foi sans avoir l’Esprit : les hérétiques, Caïphe, et même les démons. En réalité, les possédés et les démons qui prononcent cette formule ne la disent que les lèvres. Or ce n’est pas là la véritable façon de « dire », celle qui exige, pour son accomplissement, l’intervention de l’Esprit. Seuls ceux qui sont nés de Dieu et traduisent dans leur conduite le contenu des paroles à dire, disent en plénitude, c’est-à-dire dans l’Esprit Saint, « Notre Père qui es dans les cieux » : 23 PG. 11, 484 B ; traduction partiellement reprise de A. AMMAN : Le Pater expliqué par les Pères. Edi (...) Ceux qui, nés de Dieu ne commettent pas de pèche et portent en eux le germe divin, ceux-là se détournent du péché et par leur conduite proclament : « Notre Père, qui es dans les cieux »... Ceux-là, en raison de leur conduite, ne disent pas à moitié « Notre Père ». De tout leur coeur, qui est la source des bonnes œuvres, « ils croient pour parvenir à la justice » ; et c’est en plein accord qu’ils « confessent avec la bouche pour parvenir au salut » (Rm 10,10). Toutes leurs actions, leurs paroles et leurs pensées, recevant du Logos Fils Unique sa propre forme, imitent dès lors l’Image du Dieu invisible, et deviennent « selon l’image du créateur », qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes » (Mt 5,4.5), en sorte qu’il y a en eux l’image du Céleste, qui est lui-même l’Image de Dieu. Les saints étant une image de l’Image et l’Image étant le Fils, les saints reçoivent l’empreinte de la filiation, devenant ainsi conformes non seulement au corps glorieux du Christ, mais à celui qui est dans le corps (c’est-à-dire conformes au Logos)23. 24 Augustin, Sermons 34, 6 : Corpus Christianorum Latinorum 41, p. 426. 33« Dire sous l’action de l'Esprit Saint » ne signifie pas autre chose que mettre en pratique, traduire dans la vie ce que la bouche ne fait qu’énoncer. Ce thème est fréquent dans la pensée des Pères. Qu’il suffise de citer ici un exemple tiré de saint Augustin. Commentant dans un sermon (sermon 34,6) le Psaume 149,1, « Chantez au Seigneur un cantique nouveau », il commente le début du verset par sa fin : « Sa louange est dans l’assemblée des Saints » (Ps 149, 1 b), pour en conclure que le cantique nouveau visé par le psaume n’est autre que l’assemblée des saints : « la louange à chanter, c’est celui-là-même qui chante (Laus cantandi est ipse cantator). Vous voulez dire des louanges à Dieu ? Soyez vous-mêmes ce que vous dites. Vous serez sa louange si vous vivez bien »24. 25 cf. supra note 23 ; cf. 2 Co, 3, 18. 34Deux points sont à souligner dans le commentaire d’Origène sur le Notre Père, qui vient d’être cité. On notera tout d’abord que le comportement de l’homme qui veut dire quelque chose « dans l’Esprit Saint » doit correspondre à ce qui est confessé dans la parole. Ainsi, dire que Dieu est Seigneur, c’est poser des actes qui traduisent notre soumission à son égard ; dire qu’il est Père, c’est imiter la bonté de celui qui fait du bien même à ceux qui l’offensent. Il faut souligner d’autre part que ces actes bons, produits sous l’action de l’Esprit, réagissent sur l’être de celui qui les accomplit, et le « métamorphosent », lui imprimant la « forme » du Verbe qui est l’Image du Père : « toutes leurs actions, leurs paroles et leurs pensées, recevant du Logos sa propre forme (μεταμορφουμἐνα κατ' αὐτό,sc. τόν Λόγον), imitent l’Image du Dieu invisible (c’est-à-dire le Christ) et deviennent « selon l’image du Créateur...». Il s’en suit que « les saints reçoivent l’empreinte de la filiation (ἀπομάττονται υίότητα), devenant ainsi conformés (μεταμορφούμε— νoι) au Christ »25. 26 On remarquera la préposition εἰς qui évoque une idée d’ouverture et de progrès toujours possible. 27 Bien d’autres aspects auraient dû uploads/Religion/ ne-pas-endurcir-le-coeur.pdf
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- Publié le Aoû 04, 2022
- Catégorie Religion
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