Émile DURKHEIM (1913) “ Le problème religieux et la dualité de la nature humain

Émile DURKHEIM (1913) “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Émile Durkheim (1913), “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” 2 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de : Émile Durkheim (1913) “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” Une édition électronique réalisée à partir d'un texte d’Émile Durkheim (1913), « Le problème religieux et la dualité de la nature humaine. » Extrait du Bulletin de la Société française de philosophie, 1913, 13, pp. 63 à 100. Exposé suivi d’un débat. Reproduit in Émile Durkheim, Textes. 2. Religion, morale, anomie, pp. 23 à 59. Paris: Éditions de Minuit, 1975, 508 pp. Collection: Le sens commun. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 3 octobre 2002 à Chicoutimi, Québec. Émile Durkheim (1913), “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” 3 Table des matières Section I Section II Discussion Émile Durkheim (1913), “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” 4 « Le problème religieux et la dualité de la nature humaine » Émile Durkheim (1913) Extrait du Bulletin de la Société française de philosophie, 1913, 13. Exposé suivi d'un débat. Texte reproduit in Émile Durkheim. Textes. 2. Religion, morale, anomie (pp. 23 à 59). Paris: Les Éditions de Minuit, 1975, 508 pages. Collection: Le sens commun. Retour à la table des matières Deux idées principales dominent l'ouvrage récemment paru sur Les formes élémentaires de la vie religieuse. I. - On a souvent vu dans la religion une sorte de spéculation sur un objet déterminé : on a cru qu'elle consiste essentiellement en un système d'idées, exprimant plus ou adéquatement un système de choses. Mais ce caractère de Émile Durkheim (1913), “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” 5 la religion n'est ni le seul ni le plus important. Avant tout, la vie religieuse suppose la mise en oeuvre de forces sui generis, qui élèvent l'individu au- dessus de lui-même, qui le transportent dans un autre milieu que celui où s'écoule son existence profane et qui le font vivre d'une vie très différente, plus haute et plus intense. Le croyant n'est pas seulement un homme qui voit, qui sait des choses que l'incroyant ignore : c'est un homme qui peut davanta- ge. Les fidèles peuvent se représenter inexactement le pouvoir qu'ils s'attri- buent, le sens dans lequel il s'exerce. Mais ce pouvoir, en lui-même, n'est pas illusoire. C'est lui qui a permis à l'humanité de vivre. Le problème religieux consiste donc à rechercher d'où viennent ces forces et de quoi elles sont faites. De toutes nécessités, elles ne peuvent émaner que d'une source d'énergie supérieure à celles dont dispose l'individu comme tel. Si l'on pose comme une règle de méthode que tous les phénomènes qui se pro- duisent dans la nature sont naturels et dépendent de causes naturelles, comme les religions sont du nombre, c'est dans la nature qu'on devra chercher la sour- ce ou les sources de la vie religieuse. Or les seules forces morales supérieures à celles de l'individu humain que l'on rencontre dans le monde observable sont celles qui résultent du groupement des forces individuelles, de leur synthèse dans et par la société : ce sont les forces collectives. En fait, on a montré, à propos d'une religion déterminée, que les forces collectives peuvent rendre compte des effets caractéristiques qui, de tout temps, ont été attribués aux forces religieuses. Cette démonstration n'a été faite, il est vrai, qu'à l'occasion d'une religion particulière, mais où l'on retrou- ve, sous forme élémentaire, tout ce qu'il y a d'essentiel dans les croyances et les pratiques religieuses en général. II. - Cette conception de la religion permet de rendre compte d'un fait qui a dominé de tout temps la spéculation philosophique en même temps que la pensée religieuse : c'est la dualité de l'homme. C'est un fait d'expérience qu'il existe en nous comme deux êtres qui ne se rejoignent jamais complètement, qui très souvent même s'opposent l'un à l'autre et se contredisent mutuellement : dans l'ordre de la connaissance, ce sont les sens et la pensée sensible, d'une part, et, de l'autre, l'entendement et la pensée conceptuelle ; dans l'ordre de l'action, les appétits égoïstes d'un côté, l'activité religieuse et morale de l'autre. Non seulement nous distinguons ces deux aspects de notre nature ; mais nous leur attribuons une valeur et une dignité inégales. C'est cette antithèse que les religions ont exprimée en dotant l'homme d'une double substance, le corps et l'âme, qui s'opposent comme le divin et le profane et qui, tout en étant étroitement associées, sont perpétuelle- ment en lutte l'une contre l'autre. De ce fait constant, comment les philosophies ont-elles rendu compte ? Émile Durkheim (1913), “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” 6 Les unes (empirisme dans la théorie de la connaissance, utilitarisme dans la théorie de l'action, matérialisme dans la théorie de l'être) l'expliquent en le réduisant à n'être qu'une apparence, c'est-à-dire, en somme, en le niant. Le concept ne serait qu'un autre aspect de la sensation ; il n'y aurait rien de plus dans l'un que dans l'autre. La vie morale ne serait qu'un développement de l'égoïsme. En d'autres termes, sous prétexte de rendre intelligible le fait dont on parle, on le fait évanouir. - Il ne serait pas impossible de montrer que l'idéalisme absolu aboutit à la, même conséquence, mais en sens inverse. C'est la sensation et le mal qui deviennent inexplicables. D'autres philosophies ou bien affirment cette dualité sans en donner la raison, ou bien se bornent à la réaliser ontologiquement. On dit alors qu'il existe, à la base même des choses, un principe de rationalité et de moralité, et un autre de mal et de confusion, l'esprit d'une part, la matière de l'autre, par exemple. C'est le mariage de ces deux principes qui donnerait naissance aux êtres mixtes et contradictoires que nous sommes. Mais on ne fait ainsi que poser le problème en termes réalistes, sans rien expliquer. De plus, on ne voit pas pourquoi ces deux principes opposes, qui se repoussent en un sens, s'unissent et se pénètrent. Pourquoi l'esprit, le divin déchoit-il de lui-même en s'incorporant à son contraire, au lieu de rester séparé et à l'état de pureté ? Une explication sociologique de la religion permet d'entrevoir une voie nouvelle dans laquelle il est possible de s'engager. On a vu, en effet, que les forces collectives ont le Pouvoir d'élever l'indi- vidu au-dessus de lui-même et de lui faire vivre une vie différente de celle qui est impliquée dans sa nature d'individu. Par cela seul qu'il est social, l'homme est donc double, et entre les deux êtres qui cohabitent en lui il y a une solution de continuité, celle-là même qui existe entre le social et l'individuel, entre la partie et le tout sui generis qui résulte de la synthèse de ces parties. De ce point de vue, la dualité de la nature humaine devient intelligible, sans qu'il soit nécessaire de la réduire à n'être qu'une apparence ; car il y a réellement deux sources de vie différentes et presque antagonistes auxquelles nous parti- cipons simultanément. D'un autre côté, il n'y a pas à se demander comment la partie supérieure de nous-même se trouve accolée à une partie inférieure et indigne d'elle ; car, si la première ne se ramène pas à la seconde, cependant elle suppose celle-ci ; si le social ne se ramène pas à l'individuel, la société n'est possible que par le concours des individus. L'être noble qui est en nous n'est pas tombé dans le monde sensible comme une sorte d'élément adventice, venu on ne sait d'où ; il sort de ce monde ; c'en est un produit, mais qui dépasse les éléments qui ont servi à le constituer. Il est, tout au moins, permis de reconnaître dans cette vue une hypothèse qui mérite d'être essayée, qui a déjà reçu un commencement de preuve, et aux applications de laquelle on ne saurait assigner de limites par avance. Émile Durkheim (1913), “ Le problème religieux et la dualité de la nature humaine ” 7 DISCUSSION Retour à la table des matières M. DURKHEIM. - Je ne puis songer à résumer ici le livre que j'ai ré- cemment uploads/Religion/ probleme-religieux.pdf

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  • Publié le Nov 04, 2022
  • Catégorie Religion
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