Béatrice CASEAU Dossier de publications 4 Hagiographie, culte des saints, Histo

Béatrice CASEAU Dossier de publications 4 Hagiographie, culte des saints, Histoire du monachisme, Histoire de l’enfance et de la famille Hagiographie, culte des saints, monachisme, histoire de l'enfance et de la famille (1) culte des saints, monachisme, histoire de l'enfance et d Béatrice Caseau Syméon Stylite l'Ancien entre puanteur et parfum In: Revue des études byzantines, tome 63, 2005. pp. 71-96. Résumé REB 63, 2005, p. 71-96. Béatrice Caseau, Syméon Stylite l'Ancien entre puanteur et parfum. - La puanteur est le plus souvent associée avec le péché dans la littérature chrétienne antique, elle est la conséquence de certaines maladies qui sont perçues comme un châtiment divin. Cependant, quelques saints ont choisi d'éprouver par eux-mêmes la douleur et le rejet liés à la mauvaise odeur dégagée par les plaies infectées. Par cette expérience, ils apprennent à éprouver de la compassion pour l'humanité et la patience dans la souffrance. En cela, ils reprennent le modèle de Job. Les différentes Vies de Syméon stylite l'ancien montrent une variété dans la manière d'évoquer la puanteur du saint, liée plutôt au choix de l'hagiographe qu'à une différence culturelle entre monde latin, monde grec et monde syriaque. Abstract In late antique Christian literature, stench was usually connected with sin, it was the consequence of some illnesses that were perceived as a divine punishment. A few saints, however, chose of their own account to experience the pain and rejection linked to the stench of infected wounds. Through this experience, they acquired compassion for human misery and patience in suffering. Doing this, they followed Job's model. The different Lives of Symeon Stylite the Elder show great variety when it comes to narrate the saint's stench, which is not the result of cultural differences between Latin, Greek and Syriac worlds, but rather a matter of personal choice on the part of the hagiographer. Citer ce document / Cite this document : Caseau Béatrice. Syméon Stylite l'Ancien entre puanteur et parfum. In: Revue des études byzantines, tome 63, 2005. pp. 71- 96. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_2005_num_63_1_2306 Hagiographie, culte des saints, monachisme, histoire de l'enfance et de la famille (3) SYMEON STYLITE L'ANCIEN ENTRE PUANTEUR ET PARFUM Béatrice CASEAU Dans la littérature antique chrétienne, l'univers olfactif sert de repère qualitat if et de métaphore. Le bon et le mauvais, la vie parfaite et la mort sont aux deux extrêmes de ce repère olfactif qui va du parfum à la puanteur. Dieu, le vivant par excellence, est qualifié d'être parfumé. Il est ή τελεία εύωδία, le parfum par excel lence : « l'artisan et Père de cet univers, explique Athénagore, n'a pas besoin de sang ni de la fumée des sacrifices, ni du parfum des fleurs et des encens, puisqu'il est lui-même le parfum suprême. »' Le Christ est aussi naturellement associé à la bonne odeur, Χρίστου εύωδία, selon l'expression même de saint Paul dans la seconde épître aux Corinthiens (2Co. 2, 15-16). Ses disciples doivent répandre en tous lieux « le parfum de sa connaissance »2. Paul oppose ainsi ceux qui parlent du Christ en toute pureté et ceux qui frelatent sa parole, et il utilise une métaphore olfactive pour marquer l'opposition entre salut, odeur de vie et perdition, odeur de mort : « nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ pour ceux qui se sauvent et pour ceux qui se perdent ; pour les uns, une odeur de mort qui conduit à la mort ; pour les autres, une odeur de vie qui conduit à la vie. »3 En tant que fidèles disci ples, les chrétiens sont donc associés à la bonne odeur du Christ offerte à Dieu. La première littérature chrétienne reprend la thématique du sacrifice de bonne odeur agréé par Dieu, mais oscille entre métaphore et réalité. Dans les Actes des quelques martyrs qui s'offrent à Dieu comme sacrifice de bonne odeur, ce thème de Γ εύωδία, la bonne odeur parfumée, est repris pour signifier que leur offrande est agréable à Dieu. Dans le Martyre de Polycarpe, l'image devient littérale lors que les témoins, présents autour du bûcher en feu de Polycarpe, rapportent : « nous respirions un parfum aussi fort que celui de l'encens et de quelqu'autre aromate 1 . Athénagore, Supplique au sujet des Chrétiens, XIII, 2, éd. B. Pouderon, Supplique au sujet des Chrétiens et Sur la résurrection des morts, Paris 1992, p. 1 10 : Ό τούδε του παντός δημιουργός και πατήρ ου δεΐται αίματος ούδ'ε κνίσης ούδε της από των ανθών κα\ θυμιαμάτων εύωδίας, αυτός ων ή τελεία εύωδία. 2. 2Co. 2, 14, Nouveau Testament, Traduction œcuménique de la Bible, cinquième édition revue. Paris 1978, p. 375 : The Greek New Testament, fourth revised edition, éd. Β. Aland et alii, Stuttgart 1993. p. 614 : την όσμήν της γνώσεως αύτοΰ. 3. 2Co. 2, 15-16, Nouveau Testament, comme n. précédente, p. 375 ; The Greek New Testament. comme n. précédente, p. 615 : Χρίστου εύωδία έσμεν τω θεώ έν τοις σωζομένοις και έν τοΙς άπολλυ- μενοις. ο'ις μεν οσμή έκ θανάτου εις θάνατον ο'ις δε οσμή έκ ζωής εις ζωήν. Revue des Études Byzantines 63. 2005, p. 71-96. Hagiographie, culte des saints, monachisme, histoire de l'enfance et de la famille (4) 72 BÉATRICE CASEAU précieux. »4 Cette association de la sainteté chrétienne avec la bonne odeur prend donc un caractère polymorphe dans la littérature chrétienne ancienne. Les commenta ires chrétiens du Cantique des cantiques assimilent les bonnes odeurs parfumées citées dans le texte aux vertus5. Dans la littérature hagiographique antique et médiév ale, on passe de la perception visionnaire des effluves parfumées à l'évocation des corps embaumés par les volutes d'encens et les huiles aromatiques6. Nombreux sont ainsi les saints qui, au seuil de la mort, ont la chance d'entrevoir le Paradis où ils se rendent, ou d'en sentir par avance les extraordinaires et sublimes parfums. L'odeur de sainteté et l'incorruptibilité qui accompagnent les saints dans la tombe attestent pour les vivants que les saints ont rejoint le Paradis et que leurs corps participent aussi et bénéficient pleinement de la vie de ce jardin aux parfums vivi fiants7. Odeurs délicieuses, monde divin et sainteté sont donc profondément asso ciés dans la littérature hagiographique de la fin de l'Antiquité et du Moyen Âge. Évoquer la bonne odeur d'un saint est une manière convenue de chanter sa sainteté. Il en résulte qu'un saint puant est en quelque sorte contradictoire dans les ter mes. La puanteur d'un saint, quand elle est exposée et décrite par les hagiographes, requiert une explication. La puanteur et la sainteté sont en effet aux antipodes dans cette rhétorique chrétienne de l'odeur. L'odeur délétère des corps décomposés, la puanteur de la chair malade et gangrenée, sont autant de signes du pouvoir du Démon sur l'humanité déchue, dans une cosmogonie postulant que la mortalité et la maladie sont les effets de la Chute et de l'emprise démoniaque sur le monde8. Métaphoriquement, le péché lui-même est qualifié de gangrène puante de l'âme. Selon le psaume 37, les plaies infligées à l'âme par le péché pourrissent9. Il existe donc une puanteur spirituelle comme il existe un parfum propre aux vertus et à la sainteté. Alors que la sainteté d'une personne se révèle dans l'odeur de sainteté qui émane de son corps vivant ou mort, la puanteur peut devenir un révélateur du péché caché ou de la présence du Démon. De même qu'il existe une grammaire des parfums qui corrèle chacun avec une vertu dans l'exégèse du Cantique des canti ques, il existe dans certains récits miraculeux la notion que certains péchés et certains démons ont une odeur. La puanteur physique maladive est perçue comme un miroir de la gangrène qui ronge l'âme. L'idée est ancienne, elle explique pour- 4. Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, IV, 15, 37, éd. G. Bardy, Paris 1986, p. 188 : Και γαρ εύωδίας τοσαύτης άντελαβόμεθα ώς λιβανωτοΰ πνέοντος ή άλλου τινός των τιμίων αρωμά των ; Le Martyre de Polycarpe, 15, éd. H. Musurillo, The Acts of the Christian Martyrs, Oxford 1972, p. 14-15. 5. P. Meloni, // profumo dell'immortalità. L'interpretazione patristica di Cantico 1, 3, Rome 1975. 6. B. Caseau, ΕΥΩΔΙΑ. The Use and Meaning of Fragrances in the Ancient World and their Christianization (100-900 AD), Ann Arbor 1994 ; S. Ashbrook Harvey, The Fragrance of Sanctity: Incense and Spirituality in the Early Byzantine East, Dumbarton Oaks Public Lecture, mars 1992 ; S. Ashbrook Harvey, Scenting Salvation: Ancient Christianity and the Olfactory Imagination (à paraître). 7. P. Boglioni, La scène de la mort dans les premières hagiographies latines, Essais sur la mort : Travaux d'un séminaire de recherche sur la mort, Montréal 1985, p. 269-298. 8. J.-Cl. Larchet, Théologie de la maladie, Paris 1994. 9. Ps. 37, 6 : προσώζεσαν και έσάπησαν οι μώλωπες μου από προσώπου της αφροσύνης μου. Hagiographie, culte des saints, monachisme, histoire de l'enfance et de la famille (5) SYMÉON STYLITE L'ANCIEN ENTRE PUANTEUR ET PARFUM 73 quoi Job est accusé d'avoir mal agi envers Dieu quand sa maladie le transforme en être puant. La puanteur est aussi un châtiment dans la mesure où elle révèle ce uploads/Religion/ uiyhgf-5.pdf

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  • Publié le Mai 19, 2021
  • Catégorie Religion
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