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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 2004 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 8 août 2021 18:06 Laval théologique et philosophique La pratique comme lieu de la théologie pratique Jean-Guy Nadeau La théologie pratique Volume 60, numéro 2, juin 2004 URI : https://id.erudit.org/iderudit/010342ar DOI : https://doi.org/10.7202/010342ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Faculté de philosophie, Université Laval ISSN 0023-9054 (imprimé) 1703-8804 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Nadeau, J.-G. (2004). La pratique comme lieu de la théologie pratique. Laval théologique et philosophique, 60(2), 205–224. https://doi.org/10.7202/010342ar Résumé de l'article Au sein d’une théologie considérée comme fondamentalement pratique, la théologie pratique comme sous-discipline se distingue par un intérêt particulier — empirique, herméneutique, critique et stratégique — pour les pratiques dont elle fait souvent son objet propre. Après avoir signalé quelques impacts de ce centrement sur la pratique, l’article présente quelques définitions de la pratique et quelques éléments d’histoire du concept. Il expose ensuite quelques traits des pratiques, en particulier avec Paul Ricoeur et Jürgen Habermas, conjuguant des perspectives sémantique, pragmatique et communicationnelle. Il vise particulièrement à faire ressortir la richesse et la complexité de la pratique dont l’étude est trop souvent prise comme allant de soi et qui surprennent toujours celui qui s’y adonne. Laval théologique et philosophique, 60, 2 (juin 2004) : 205-224 205 LA PRATIQUE COMME LIEU DE LA THÉOLOGIE PRATIQUE Jean-Guy Nadeau Faculté de théologie et de sciences des religions Université de Montréal RÉSUMÉ : Au sein d’une théologie considérée comme fondamentalement pratique, la théologie pratique comme sous-discipline se distingue par un intérêt particulier — empirique, hermé- neutique, critique et stratégique — pour les pratiques dont elle fait souvent son objet propre. Après avoir signalé quelques impacts de ce centrement sur la pratique, l’article présente quel- ques définitions de la pratique et quelques éléments d’histoire du concept. Il expose ensuite quelques traits des pratiques, en particulier avec Paul Ricœur et Jürgen Habermas, conju- guant des perspectives sémantique, pragmatique et communicationnelle. Il vise particulière- ment à faire ressortir la richesse et la complexité de la pratique dont l’étude est trop souvent prise comme allant de soi et qui surprennent toujours celui qui s’y adonne. ABSTRACT : At the heart of a theology which is fundamentally considered to be practical, practical theology, as a sub-discipline, distinguishes itself by its particular empirical, hermeneutic, criti- cal, and strategic interest in the practices with which it is concerned. After pointing out some of the impacts of this central concern with practice, the present article presents some defini- tions of practice as well as some historical background of the concept. It then examines some of the characteristics of practice, particularly in relation to Paul Ricœur and Jürgen Haber- mas, while discussing semantic, pragmatic, and communicational perspectives. In particular, this article aims at highlighting the richness and complexity of practice. ______________________ Au commencement était l’action ! GOETHE, Faust n considère généralement aujourd’hui que toute théologie est (ou doit être) pra- tique1. Il arrive alors que s’en trouve réinterrogée la place de la théologie prati- que en théologie : « Puisque toute théologie est pratique, quel besoin avons-nous d’une théologie pratique ? » Pourtant, on ne saurait identifier la théologie en tant que disci- pline pratique (scientia practica) avec la théologie pratique comme sous-discipline. En effet, lorsqu’on parle du caractère pratique de la théologie, on renvoie habi- tuellement à l’attention qu’elle porte aux enjeux du salut pour l’expérience humaine. Or, dans ce large champ, la théologie pratique se spécifie par un intérêt particulier — empirique, herméneutique, critique et stratégique — pour les pratiques dont elle fait 1. Voir Jean-Guy NADEAU, « “Dieu” dans la théologie pratique : ressource ou tabou ? », Théologiques, 6, 2 (automne 1998), p. 73-98. O JEAN-GUY NADEAU 206 souvent son objet propre, et non seulement par une attention théologique à l’expé- rience, aux situations et à leurs contextes. Ainsi, Claude Geffré y voyait « une théolo- gie qui non seulement part de la pratique comme lieu théologique, mais est prête à se laisser mettre en question par la pratique2. » Et Camil Ménard précisait, dans l’axe de la praxéologie pastorale3 et des réflexions de Clodovis Boff4 : « Son parcours méthodologique [va] de la praxis initiale à la praxis transformée par la médiation indispensable d’une ou de plusieurs théories5 ». Se centrer sur la pratique ou sur l’action comporte des exigences et des avantages parmi lesquels je signalerai les suivants : 1. les modalités de l’action sont plus précises que celles appelées par le terme « expérience » ; 2. la pratique est plus manipulable que l’expérience, elle est plus susceptible d’analyse et surtout d’amélioration ; 3. se centrer sur les pratiques renvoie à une dynamique collective aussi bien que personnelle, alors que l’expérience renvoie spontanément à une dynamique individuelle ; 4. la pratique ne peut se penser qu’en rapport à un milieu ou un contexte, elle se tisse à même la dynamique des possibles d’un milieu particulier avec son histoire, ses traditions, ses symboliques et ses acteurs propres ; 5. la pratique est dynamique, elle est lieu de relations, de conflits, de jugements, de transformations tant au plan personnel que collectif ; 6. la pratique s’avère souvent critique des savoirs acquis, y compris des savoirs acquis par l’expérience ; l’étude d’une pratique particulière permet de saisir et de gérer à neuf l’écart entre les idéologies discursives et les idéologies opérantes6, une analyse qui appelle et provoque l’élaboration de nouveaux savoirs et de nouvelles capacités ; 7. la théologie pratique s’adresse souvent à des intervenants ou à des praticiens soucieux d’améliorer leur conscience et leur agir ; 2. Claude GEFFRÉ, Le christianisme au risque de l’interprétation, Paris, Cerf (coll. « Cogitatio Fidei », 120), 1983, p. 343. 3. Jean-Guy NADEAU, La praxéologie pastorale. Orientations et parcours, 2 t., Montréal, Fides (coll. « Ca- hiers d’études pastorales », 4 et 5), 1987 ; « Pour une science de l’action pastorale : le souci de la per- tinence pratique », dans A. VISSCHER, dir., Les études pastorales à l’Université/Pastoral Studies in the University Setting, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 1990, p. 136-158 ; « Faire théologie selon un modèle praxéologique », Théologiques, 1, 1 (1993), p. 79-100. 4. Clodovis BOFF, Théorie et pratique. La méthode des théologies de la libération, Paris, Cerf (coll. « Cogita- tio Fidei », 157), 1990. 5. Camil MÉNARD, « L’urgence d’une théologie pratique nord-américaine comme théorie critique de l’agir chrétien au service de la société », dans J.-C. PETIT et J.-C. BRETON, dir., Seuls ou avec les autres ? Le sa- lut chrétien à l’épreuve de la solidarité, Montréal, Fides (coll. « Héritage et projet », 48), 1992, p. 300. 6. Chris ARGYRIS et Donald SCHÖN parlent de « professed theories » et de « enacted theories » (Theory in practice : increasing professional effectiveness, San Francisco, Jossey-Bass, 1974). LA PRATIQUE COMME LIEU DE LA THÉOLOGIE PRATIQUE 207 8. penser la formation à partir de la pratique permet d’élaborer une démarche plus rigoureuse ou plus méthodique, que les sciences de l’action viennent appuyer en permettant de décomposer la complexité d’une pratique pour en mieux saisir les enjeux et les possibilités dont il sera question dans ce texte. Bien que la théologie pratique réfère massivement à la pratique, on y compte peu de réflexions sur le concept de pratique7. On en trouve en fait davantage sur les rap- ports entre théorie et pratique. Or, la saisie du concept de pratique nous paraît essen- tielle comme toile de fond des recherches et de la formation en théologie pratique. Cela nous paraît d’autant plus important que les pratiques ecclésiales, un des objets formels de la théologie pratique, sont d’abord des pratiques. Une telle affirmation paraît tenir de la tautologie, mais elle s’impose encore face au refus en certains mi- lieux d’analyser des pratiques qu’on dit relever d’une inspiration divine ou d’une mission octroyée d’en haut. Un chrétien ne saurait nier que l’Esprit est souvent partie prenante des pratiques ecclésiales, mais celles-ci n’en sont pas moins le fruit de l’activité humaine et en cela liées à la complexité et aux conditions de cette activité. On reconnaîtra aisément qu’une théologie pratique ne saurait se limiter à la prati- que des humains. Elle doit s’intéresser à l’agir divin. Par ailleurs, cet agir est déjà l’objet de la théologie systématique qui le thématise par exemple en termes de révéla- tion, de création et de salut. Devant ce fait, la théologie pratique s’intéressera plus spécifiquement à reconnaître l’agir divin à travers les pratiques des humains — comme le fait par exemple le Nouveau Testament tant à travers les Évangiles qu’on lit uploads/Religion/la-pratique-comme-lieu-de-la-theologie-pratique-jean-guy-nadeau.pdf
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- Publié le Oct 14, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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