22 Mots-clés Design Science Discipline Recherche scientifique Quête créative Key

22 Mots-clés Design Science Discipline Recherche scientifique Quête créative Keywords Design Science Discipline Scientific research Creative quest Stéphane Vial Qu’est-ce que la recherche en design!? Introduction aux sciences du design Maître de conférences à l’Université de Nîmes, France Institut ACTE UMR 8218 (Université Paris 1 Sorbonne / CNRS), groupe PROJEKT stephane.vial@unimes.fr Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 107.171.212.73 - 07/09/2019 21:43 - © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 107.171.212.73 - 07/09/2019 21:43 - © Presses Universitaires de France 23 Sciences du Design — 01 — Mai 2015 Résumé En quel(s) sens le design peut-il être objet de science!? Qu’est-ce que la recherche en design considérée comme discipline scientifique!? Quels sont ses modèles!? Que faut-il entendre par «!sciences du design!»!? En vue de répondre à ces questions, cet article procède en quatre étapes. En premier, il étudie les efforts entrepris depuis une cinquantaine d’années en vue de faire de la recherche en design une science, ou du moins une discipline scienti- fique. En second, il retrace la formation du champ de la recherche interna- tionale en design et fait le point sur la situation francophone. En troisième, il présente et analyse deux modèles de recherche en design, le modèle de la quête créative et le modèle de la recherche scientifique, et prend position en faveur du second, en s’appuyant sur une étude de cas consacrée au design critique de Dunne et Raby. Enfin, il propose une définition du périmètre du savoir en design et présente le modèle des sciences du design. Abstract In what way can design be a domain of science!? What exactly is design research considered as a scientific discipline!? What models would frame the approach to design research!? What should we understand by the «!sciences of design!»!? The author answers these questions in four parts. Firstly, he studies the efforts made over the last fifty years to make design research a science, or at least a scientific discipline. Secondly, the de- velopment of international research in design and the situation today in French-speaking countries are summarized. Thirdly, two design research models, that of the creative quest and that of scientific research, are presented and analysed. The author comes out in favour of the latter, basing his conclu- sions on a case study devoted to critical design by Dunne and Raby. Lastly, he suggests a definition of the perimeter of knowledge in design and presents a model for the «!sciences of design!». «!La fécondation de la pratique par la théorie, qui est autre chose que l’application de la théorie à la pratique, est une attitude intellectuelle qui doit s’apprendre.!» Alain Findeli et Rabah Bousbaci (2005) La recherche en design est la tentative visant à faire du design une discipline scientifique. «!Une discipline scientifique porte sur les théories et les méthodes qui s’accumulent grâce à la recherche et la réflexion universitaires!» (Gemser et al., 2012, p. 4). Déjà dans les années 1920, le mouvement De Stijl (centré sur la structure et l’orthogonalité) et les idées de Le Corbusier sur l’architecture moderne (qui défend l’idéal rationaliste de la machine) font souffler un vent de rigueur scientifique dans la manière de faire du design (Cross, 2001, p. 49). Plus tard, en 1947, dans un texte publié aux États-Unis dans le Magazine of Art, Walter Gropius pose la question!: «!Existe-t-il une science du design (is there a science of design)!?!» (Findeli, 2003, p. 160). Mais c’est sous l’influence du New Bauhaus de Chicago et surtout de l’école de design d’Ulm (Hochschule für Gestaltung), qui accorde une place centrale aux sciences et aux méthodes, que la tentative pour faire du design une discipline scientifique prend réellement forme, à partir des années 1960, avec le mouvement des Design Methods. Initié en 1962 à Londres par le colloque du même nom, ce mouvement se développe rapidement, avec plusieurs dates-clés!: en 1964, la création du premier Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 107.171.212.73 - 07/09/2019 21:43 - © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 107.171.212.73 - 07/09/2019 21:43 - © Presses Universitaires de France 24 Sciences du Design — 01 — Mai 2015 département de Recherche en Design au Royal College of Art (qui acquiert le statut d’université en 1967)!; en 1966, la création de la Design Research Society (DRS) au Royaume-Uni!; en 1967, le début de la lettre d’information du Design Methods Group (DMG) à l’Université de Californie à Berkeley!; en 1969, la publication du livre de Herbet A. Simon, Les sciences de l’artificiel. Ce qui anime ce mouvement, c’est précisément l’idée de faire entrer le design dans le giron de la science. Qu’en est-il de cet effort aujourd’hui!? Comment l’idée d’une science du design s’est-elle développée au cours des cinquante dernières années!? Quels sont sur ce point les acquis de la communauté internationale de recherche en design, et quelle est la situation de la France et de la Francophonie!? En quel(s) sens le design peut-il être objet de science!? Ce qui implique de se demander plus largement!: qu’est-ce que la recherche en design considérée comme disci- pline scientifique!? Quels sont ses modèles!? Que faut-il entendre par «!sciences du design!»!? 1. — Naissance d’une discipline scientifique 1.1. — L’idéal du design comme science Avec Bruce Archer (Royal College of Art), John Christopher Jones (The Open University), Christopher Alexander (Université de Californie à Berkeley), Horst Rittel est l’un des fondateurs du mouvement des Design Methods. Formé aux mathématiques et à la physique, d’abord professeur de méthodologie du design à l’école d’Ulm (HfG), Rittel a été pendant vingt ans professeur de «!science du design!» (science of design) à l’Université de Californie à Berkeley (Rith et Dubberly, 2006). Dès les années 1950, sous son influence, à l’école de design d’Ulm, dont il est l’un des recteurs, «!toutes les procédures de design et toutes les formes des produits étaient interrogées et devaient être justifiées ou, à défaut, être rejetées comme arbitraires et inférieures!» (Krippendorff, 2006, p. 310). C’est le début d’une vision du «!design comme science!» (design science), qui porte le rêve d’une science universelle de la concep- tion incluant l’architecture et l’ingénierie et reposant sur une méthode logique et systématique du processus de conception (Cross, 2001, p. 52). Dans le même esprit, Bruce Archer (qui a enseigné lui aussi à l’école de design d’Ulm) fonde en 1964 le premier département de recherche en design au Royal College of Art de Londres, tandis qu’en 1969 Herbert A. Simon (Carnegie Mellon University) publie son grand livre, Les sciences de l’artificiel. Dans cet ouvrage fondateur, Simon défend notam- ment l’idée que le design est une méthode scientifique de résolution de problèmes (problem solving) et plaide pour le développement d’une «!science de la conception!» ou «!science du design!» (science of design) dans les universités. Toutefois, deux tendances s’opposent!: d’un côté, il y a ceux qui, comme Archer, défendent une approche comportementaliste du processus de design, proche d’un certain machinisme inspiré de la cybernétique et de l’intelli- gence artificielle, et de l’autre, ceux qui ont une approche phénoménologique et existentielle, plus soucieuse de la complexité de la dimension humaine (Bayazit, 2004, p. 19). C’est ce qui conduit dans les années 1970 certains leaders du mouvement à prendre leurs distances, comme John Christopher Jones, qui doute de l’intérêt de cette «!tentative continuelle de fixer l’ensemble de la vie à l’intérieur d’un cadre logique!» (cité par Cross, 2001, p. 50). Contrairement Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 107.171.212.73 - 07/09/2019 21:43 - © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 107.171.212.73 - 07/09/2019 21:43 - © Presses Universitaires de France 25 Sciences du Design — 01 — Mai 2015 à la pratique scientifique, la pratique du design n’aurait pas besoin d’une méthode universelle favorisant la répétition puisque, dans la plupart des cas, elle ne cherche pas à être répétée ou copiée (Cross, 2001, p. 51). En 1973, dans un article qui fera date (Rittel et Webber, 1973), Rittel présente les problèmes de design comme des wicked problems, une expression intradui- sible qui veut dire quelque chose comme «!problèmes malicieux!» ou «!problèmes épineux!». Rittel entend par là une catégorie de problèmes d’ordre social (social planning problems), tels que les problèmes de planification urbaine ou de planifica- tion des politiques publiques, qui ne se prêtent pas à la logique analytique et linéaire de l’ingénierie et de la science, habituellement confrontées à des «!problèmes domestiqués!» (tame problems). Ces problèmes sociétaux, qui sont typiquement (mais pas seulement) ceux de l’architecte ou du designer, présentent des carac- téristiques très particulières (Ritchey, 2013)!: — ils sont fondamentalement uniques!; — ils ne peuvent pas faire l’objet d’une formulation définitive!; — ils peuvent être expliqués et résolus de nombreuses manières différentes!; — ils n’impliquent pas des solutions de type «!vrai ou faux!» mais de type «!meilleur ou pire!»!; — et ces solutions, qui ne peuvent pas être décrites de manière exhaustive, ont toujours une foule de conséquences qui modifient le problème et exigent de nouvelles solutions. C’est pourquoi Rittel insistera par la suite sur la nécessité uploads/Science et Technologie/ 2015-vial-sdd-a.pdf

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