Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (A

Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010 1 A PROPOS DE LA PSYCHOPEDAGOGIE Dominique Ottavi*, Catherine Dorison** * Université de Caen Basse-Normandie (CERSE) Esplanade de la Paix 14032 Caen ottavi.d@wanadoo.fr ** Université de Cergy-Pontoise (E.M.A) 33, boulevard du Port 95011 Cergy-Pontoise Cedex catherine.dorison@iufm.u-cergy.fr Mots-clés : psychopédagogie, philosophie, science, épistémologie, personne. Résumé. La décision de la création d’une maîtrise de sciences de l’éducation en 1967 s’inscrit dans le contexte des débats sur la nature et la structure de la recherche en éducation et sur la formation des enseignants. La « psychopédagogie » est alors invoquée comme un des éléments constitutifs des sciences de l’éducation. Mais ce terme est polysémique et doit être clarifié. Au- delà du mot, la notion comporte, si l’on examine l’œuvre d’un auteur qui l’a illustrée comme J. Leif, des enjeux philosophiques, éthiques et épistémologiques : quel est le savoir possible au sujet de l’éducation ? En quoi peut-il servir la formation des enseignants ? Dans ce cas, quelle finalité poursuit-on ? La psychopédagogie porte la marque des hésitations et conflits inhérents à ce domaine et hérite aussi d’un patrimoine d’idées bien enracinées dans le monde de l’enseignement ; son effacement ne dispense pas de repenser cet héritage. Cette revisite donne des outils pour penser la relation théorie et pratique dans le contexte contemporain. Au milieu des années soixante, la psychopédagogie occupe une place non négligeable dans l’archipel des savoirs sur l’éducation, comme en témoigne la place qui lui est faite dans le programme de la maîtrise de sciences de l’éducation créée en 1967 (Ministère de l’Education nationale. 1967). Mais quelques années plus tard elle aura disparu des “sciences de l’éducation” enseignées à l’université. Elle apparaît de ce fait comme une “bifurcation interrompue” des sciences de l’éducation. Les raisons de cette interruption sont-elles d’ordre épistémologique, liées aux “insuffisances” de la psychopédagogie, ou d’ordre institutionnel, liées aux finalités assignées à l’enseignement des sciences de l’éducation dans le partage entre l’université et le ministère de l’éducation nationale pour la formation des enseignants ? Pour répondre à cette question, il est d’abord utile, dans une première partie, de s’attacher au moment de la création de la maîtrise de sciences de l’éducation, pour décrire les attentes institutionnelles à l’égard de la recherche en éducation et les débats sur la place des sciences de l’éducation dans la formation des enseignants. La seconde partie examine les enjeux philosophiques, éthiques et épistémologiques dont est porteuse la notion de psychopédagogie pour l’analyse du lien théorie/pratique. 1. Le contexte de la création de la maîtrise de sciences de l'éducation en 1967 L’énoncé des épreuves des quatre certificats donne à voir l’ambition de la maîtrise de sciences de l’éducation d’enseigner des savoirs très divers. Cette diversité tient au fait que les débouchés de cette formation sont, à cette date, très peu précisés. Pour comprendre la place de la psychopédagogie parmi les matières mises au programme de la maîtrise de sciences de l’éducation, il convient de revenir sur les circonstances de la création de ce diplôme et plus particulièrement sur les débats au milieu des années soixante d’une part sur la nature et les finalités des recherches en sciences de l’éducation et d’autre part sur la formation des enseignants. Dans la réflexion menée au sein du ministère de l’éducation, dans les débats des colloques de Caen Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010 2 (1966) et d’Amiens (1968) comment les différents types de recherche en éducation sont-ils caractérisés ? Quel est le partage envisagé dans la structuration de la recherche entre le ministère et des instances indépendantes ? Quel est le partage envisagé entre le ministère et l'université sur l'organisation de la formation des enseignants et dans la définition de cette formation ? 1.1. La structuration de la recherche scientifique dans les années 1950-1960. La volonté de structurer la recherche en éducation telle qu’elle s’exprime au colloque de Caen en 1966 puis à celui d’Amiens en 1968 et les décisions au sein du ministère concernant cette structuration à la même période s’inscrivent dans le contexte plus large de la réorganisation de la recherche scientifique qui s’opère à partir de 1958. Les décisions concernant l’organisation de la recherche scientifique sont prises dès l’arrivée de De Gaulle au pouvoir. Elles sont prises rapidement car elles avaient été largement préparées auparavant, notamment sous le ministère Mendès France. Un moment clé dans la création d’un mouvement d’opinion en faveur de la structuration de la recherche scientifique a été le premier colloque de Caen organisé en 1956, à la suite duquel le mathématicien André Lichnerowicz crée l'association d'études pour l'expansion de la recherche scientifique (A.E.E.R.S). Dès son arrivée au pouvoir, De Gaulle suivant en cela les propositions du mouvement pour la recherche scientifique décide en 1958, la création Comité interministériel de la recherche scientifique et technique (CIRST). Pour la recherche scientifique, le modèle retenu est celui d’un comité interministériel, dont sont aussi membres des personnalités scientifiques, qui décide des orientations à privilégier et des crédits. La référence à ce modèle pèsera dans les débats sur l’organisation de la recherche en sciences humaines. En 1956 et au tout début de la V° République, il n’est pas question de la recherche en sciences humaines ni de la recherche en éducation. Ce n’est plus le cas en 1966. Le colloque de Caen de 1966 est consacré aux conditions du développement de la recherche scientifique dans les universités. Une commission se consacre à la question de la formation des maîtres et aborde à ce propos celle de la recherche en éducation. La recherche en éducation arrive donc assez “tardivement” dans les débats sur l’organisation de la recherche scientifique, mais son importance est soulignée. La formation des maîtres et la recherche en éducation seront également deux thèmes très importants du colloque organisé en mars 1968 à Amiens par l’A.E.E.R.S. 1.2. L’organisation de la recherche en éducation au ministère de l’éducation au moment du colloque de Caen(1966) Qui est chargé de la recherche en éducation au ministère de l’Education nationale en 1966 ? L’organigramme du ministère a été remanié de façon importante en 1964 avec la création de la fonction de Secrétaire général, assumée jusqu’en 1968 par Pierre Laurent. A partir de 1964, le secrétariat général chapeaute d’une part des services (service du budget et des affaires financières, service du plan scolaire et universitaire, service central des statistiques et de la conjoncture) et d’autre part des directions (direction des enseignements supérieurs; direction de la pédagogie, des enseignements scolaires et de l’orientation, direction des personnels techniques, etc.). Deux services distincts sont chargés de la recherche : l’un au sein de la direction générale de la pédagogie, l’autre au sein du service central des statistiques, le “service des études pédagogiques” et le “bureau des recherches sur les besoins en matière d’éducation”. La volonté d’une réorganisation de la recherche au sein du ministère conduit le secrétaire général à commander deux rapports internes. Le premier est rédigé par J. Labarraque, conseiller référendaire à la cours des comptes et remis au secrétaire général en juillet 1965. Le second, rédigé par Y. Legoux, sociologue au bureau des recherches, est remis en octobre 1966. Ils s’efforcent l’un et l’autre de faire un tableau des services chargés de la recherche en éducation non seulement au sein du ministère mais aussi à l’extérieur de celui-ci. Labarraque examinant les lieux de production de la recherche en éducation, pose le problème de l’existence universitaire des sciences de l’éducation : "Actuellement la pédagogie n'est pas une discipline indépendante reconnue dans les Facultés de Lettres et Sciences humaines. Elle n’existe que comme le sous-produit de la philosophie (sic) (psychologie génétique et différentielle) ou de la médecine (psychiatrie, médico-pédagogie). Cette situation n’est pas nécessaire et ne se retrouve pas dans les pays étrangers. Il semble qu’elle Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010 3 découle en France d’une situation de fait : des chaires de pédagogie ne peuvent être multipliées faute d’auditeurs, ces derniers ne peuvent se déclarer faute de débouché professionnel. Il en serait tout autrement si tous les maîtres, de tous les niveaux de toutes les disciplines devaient apprendre, outre la discipline à enseigner, la façon de l’enseigner. Une licence d’enseignement pourrait comporter un certificat de pédagogie et cette discipline pourrait ainsi prendre place dans les Facultés sur une base plus solide.” (Labarraque, J. 1965). Cependant, Labarraque ne se prononce pas clairement en faveur de la mise en place d’une licence car pour lui la pédagogie des enseignants doit être décidée par le ministère et l'université perdrait son indépendance si elle devait se soumettre dans son enseignement aux injonctions données par le ministère. Quant au rapport Legoux, il conduit une vaste enquête sur les organismes, les services, les laboratoires qui font de la recherche en éducation et constate tant la dispersion que les doublons. Il propose une typologie des recherches en éducation pour préciser qui doit uploads/Science et Technologie/ a-propos-de-la-psychopedagogie 1 .pdf

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