13 ASPECTS DE LA RECHERCHE EN ANGLAIS DE SPÉCIALITÉ EN FRANCE1 Monique MÉMET Éc

13 ASPECTS DE LA RECHERCHE EN ANGLAIS DE SPÉCIALITÉ EN FRANCE1 Monique MÉMET École Normale Supérieure de Cachan INTRODUCTION En 1983 lors du 4e Symposium européen sur les Langues de spécialité, John M. Swales présentait une rétrospective de l’anglais de spécialité dans sa conférence plénière intitulée « ESP comes of Age ? 21 years after “some Measurable Characteristics of Modern Scientific Prose” » (Perrin 1985). Dix ans plus tard, Michel Perrin évoquait, dans une conférence au congrès de l’APLIUT, la genèse et la croissance des langues de spécialité ; il en soulignait la « réalité bien vivante et polymorphe » et le « terrain puissamment labouré » (Perrin 1994 : 18). Plus d’une décennie après, la récolte est abondante. Une définition claire du domaine a été établie par un de ses chercheurs (Petit 2002), des thèses sont régulièrement soutenues et des travaux novateurs renouvellent les approches. La recherche en anglais de spécialité s’appuie sur un secteur en constant développement : le nombre des étudiants dans le secteur LANSAD a depuis longtemps dépassé celui des étudiants anglicistes2. Le nombre des postes de 1 Cet article est issu d’une conférence en introduction aux Journées d’étude sur les Langues de spécialité en septembre 2005 à l’ENS Cachan et l’université Paris Diderot. Les données ont été actualisées. 2 Pour information, il y avait 82 837 étudiants inscrits en anglais LLCE et LEA sur les 138 343 étudiants inscrits en langues à l’université en France en 2000-2001, ces Cahier du CIEL 2007-2008 14 maître de conférences en anglais dévolus au secteur LANSAD s’élève de 20 à 30 % par an et celui des PRAG à environ 60 %3. Cet article a pour objectif de dresser un bref historique du développement de la recherche en anglais de spécialité à partir des thèses soutenues en France depuis 1971. La première partie fournit quelques définitions des langues de spécialité et souligne les différences entre ce qu’évoquent les expressions « anglais de spécialité » et « English for Specific Purposes ». Les premières grandes étapes du développement de la recherche en France, liée à son enseignement, sont abordées dans la deuxième partie, notamment l’analyse des besoins des apprenants et la constitution de glossaires de domaines spécialisés. Les divers axes d’étude et les fondements théoriques qui ont étayé les travaux des chercheurs français des années ultérieures sont exposés dans une troisième partie. Ceux-ci s’appuient essentiellement sur la linguistique énonciative ; ils partent d’une analyse systémique, d’une analyse du discours ou du genre. Depuis les débuts de la recherche dans la discipline, certains travaux relèvent de la socio-linguistique ou sont très proches d’une recherche en civilisation. L’article se clôt sur la présentation de nouvelles approches qui mettent en lumière non seulement les produits (les textes), mais les pratiques des communautés et groupes sociaux professionnels anglophones. 1 DÉFINITIONS ET MÉTHODOLOGIE 1.1 Définitions Une des toutes premières définitions publiées en France est celle de Robert Galisson et Daniel Coste dans leur Dictionnaire de didactique des langues à l’entrée « spécialité, langues de spécialité » : Langues de spécialité (ou langues spécialisées) : expression générique pour désigner les langues utilisées dans des situations de communication (orales ou écrites) qui impliquent la transmission d’une information relevant d’un champ d’expérience particulier. (1976 : 511) Les auteurs indiquent des sous-divisions : « langues scientifiques, langues techniques, langues professionnelles ou de métiers ». Quelques années plus tard, en 1982, dans un numéro des Langues modernes consacré aux langues derniers représentant 9,7 % des étudiants inscrits à l’université (Source : Note d’information 01-37, ISSN 1286-9392). 3 Statistiques depuis 2005, par l’auteur. M. MEMET – Aspects de la recherche en anglais de spécialité en France 15 de spécialité, Bernd Spillner utilise l’expression dans une acception limitée à un champ d’étude : Par « langue de spécialité » nous entendons l'ensemble des éléments linguistiques qui peuvent se manifester, dans une situation donnée, lors de la communication entre des spécialistes d'une discipline scientifique ou technique sur un sujet de leur discipline. (1982 : 19) Plus de vingt ans plus tard en 2002, Michel Petit donne une acception métonymique de l’expression, plus complète et, à notre connaissance, la plus récente : l’anglais de spécialité est la branche de l’anglistique qui traite de la langue, du discours et de la culture des communautés professionnelles et groupes sociaux spécialisés anglophones et de l’enseignement de cet objet. (2002 : 2-3) L’anglais de spécialité est désormais cette 4e branche de l’anglistique dont Michel Perrin, un des premiers, a dessiné les contours – les autres branches étant historiquement la littérature introduite tout d’abord au concours de l’agrégation4, puis l’option linguistique, introduite en 1970, très peu de temps avant l’option civilisation. L'enseignement ne vise plus désormais ceux que l'on appelait, de façon péjorative, les « non-spécialistes », mais il vise les « spécialistes d'autres disciplines », selon le terme forgé par M. Perrin en 1993 et qui a donné l'acronyme LANSAD (langues pour spécialistes d'autres disciplines). Ainsi est mise en avant la nature de l'anglais de spécialité : c'est une discipline, c'est-à-dire une « branche de la connaissance, et [à ce titre elle] inclut la recherche » (Petit 2004 : 8). Les expressions utilisées en français et en anglais ne recouvrent pas une réalité identique. Il semble qu’en anglais ESP (English for Special Purposes, en britannique, et English for Specific Purposes dans les cercles américains) évoque maintenant plutôt l’enseignement dans les établissements de langues privés ou les formations en entreprise ; c’est l’expression English for Academic Purposes, EAP, qui est utilisée pour l’enseignement et la recherche en milieu universitaire. Si l’expression ESP a cours pour la recherche, cette dernière est souvent désignée par les champs spécifiques d’étude comme l’analyse de discours, la linguistique de corpus, la pragmatique, la socio- linguistique ou l’ethnographie. English for Specific Purposes évoque d’abord l’enseignement ou bien la revue éponyme de l’éditeur Elsevier, plus que la recherche dans une discipline. En revanche, le champ de l’expression « anglais de spécialité » semble plus étendu ; les délimitations des champs de 4 Agrégation de langues vivantes introduite en 1848. Cahier du CIEL 2007-2008 16 recherche respectifs sont certes parfois floues (au sens de la logique floue), mais cela tient plus à la jeunesse de la discipline5. 1.2 Méthodologie La réflexion proposée ici part à la fois de la recension de thèses publiées en France depuis 1971 (142, voir annexe) et des indications figurant dans l’annuaire de la SAES (2008), dans lequel 21 % des sociétaires (448 sur 2050)6 font figurer « anglais de spécialité » comme centre d’intérêt. Elle s’appuie aussi sur des travaux effectués dans le cadre du Master 2 recherche Anglais de spécialité, qui a fait suite au DEA de Langue anglaise des spécialités scientifiques et techniques, créé par M. Perrin en 1991, dirigé ensuite par Michel Petit et auquel l’auteur a participé de 1991 à 2005. Les travaux retenus relèvent majoritairement des études anglophones. Il est à noter que les premières thèses ont été soutenues en linguistique faute de l’existence d’un secteur anglais de spécialité en tant que tel ; de plus la multiplicité des approches en anglais de spécialité permet de considérer la langue sous divers angles. Il a été tenu compte pour la sélection des thèses de plusieurs éléments, dont une recherche sur l’anglais et sur un secteur d’activité, c’est-à-dire un secteur professionnel ou social spécifique ou bien une discipline7. La recherche en anglais de spécialité part également de filières d’enseignement comme les classes de BTS, les départements d’IUT ou les écoles d’ingénieurs. 2 LES PREMIÈRES ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE Le développement de la recherche en anglais de spécialité en France est étroitement lié au développement de l’enseignement (Mémet 2005). L’arrêté de 1968 créant les DEUG impose un enseignement de langues à tous les 5 Le terme allemand, Fachsprachen, recouvre le champ de la recherche et de l’enseignement ; les travaux de recherche dans cette langue sont nombreux (voir Humbley 2006). 6 L’écart entre le nombre de thèses et la donnée tirée l’annuaire provient du fait que des membres indiquant « anglais de spécialité » comme centre d’intérêt ne relèvent pas du corps des enseignants-chercheurs (ce sont des enseignants PRAG, certifiés, …), ou sont de jeunes chercheurs (ATER) ou bien ont fait leur travail de recherche à l’étranger. 7 Cependant certaines thèses portent sur plusieurs secteurs d’activité et sur plusieurs langues, notamment dans le cas des dictionnaires. M. MEMET – Aspects de la recherche en anglais de spécialité en France 17 étudiants non-linguistes dans les universités (Gallais-Hamonno 1975 : 121). Ainsi le nombre d’enseignants de langues augmente et certains se tournent vers la recherche dans un secteur lié à leur enseignement. Des enseignants qui avaient soutenu une thèse littéraire quittent leur chaire pour fonder des départements de langues dans des universités non littéraires, comme Jean Francisque Costa8 à Toulouse, Michel Perrin9 à Bordeaux ou Michèle Rivas10 à Paris 9 Dauphine, et ils entraînent dans leur sillage de jeunes chercheurs. De plus, les recherches menées dans le secteur de la pédagogie permettent le développement de plusieurs aspects liés à l’enseignement uploads/Science et Technologie/ aspects-de-la-recherche-en-anglais-de-specialite.pdf

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