LA RECHERCHE-PROJET : UNE MÉTHODE POUR LA RECHERCHE EN DESIGN Texte de la commu
LA RECHERCHE-PROJET : UNE MÉTHODE POUR LA RECHERCHE EN DESIGN Texte de la communication présentée au premier Symposium de recherche sur le design tenu à la HGK de Bâle sous les auspices du Swiss Design Network les 13-14 mai 2004 et publiée en allemand dans Michel, R. (dir.), Erstes Designforschungssymposium, Zurich, SwissDesignNetwork, 2005, pp.40-51. par Alain Findeli Professeur titulaire École de design industriel Université de Montréal LA RECHERCHE-PROJET : UNE MÉTHODE POUR LA RECHERCHE EN DESIGN La recherche en design : questions, obstacles, perspectives L’étude qui suit a un double objectif, épistémologique et méthodologique. Elle vise à repérer et à énoncer, sous la forme d’une problématique circonstanciée, les conditions dans lesquelles la recherche en design est possible et souhaitable, d’une part, puis à présenter une proposition qui rende cette recherche praticable avec la rigueur, la fécondité et la pertinence nécessaires, d’autre part. En d’autres termes, on s’efforcera de démontrer qu’il est légitime de considérer le design , non seulement comme une pratique professionnelle, mais également comme une discipline scientifique (objectif épistémologique), et que la méthode de recherche-projet constitue une méthode à privilégier pour la rechercher en design (objectif méthodologique). Le design à l’Université de Montréal L’étude se base sur les conclusions auxquelles nous sommes parvenus à l’École de design industriel et à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, à la suite d’une série de projets de recherche fondamentale issus d’une réflexion sur la pédagogie du design au niveau de l’enseignement professionnel et sur la formation de chercheurs au niveau de la maîtrise (M.Sc.A. en Aménagement option "Design & Complexité") et du doctorat (Ph.D. en Aménagement) 1. Les questions auxquelles s’adressent cette étude résultent en grande partie du fait que l’enseignement du design en contexte universitaire (ce qui est le cas surtout dans les pays anglo-saxons) soulève des difficultés et ouvre des perspectives qui sont moins présentes dans les autres cas de figure (écoles d’art ou d’arts appliqués, écoles indépendantes, écoles d’architecture, instituts technologiques, écoles d’ingénieurs) parce que la mission principale des universités est de conduire des projets 2 de recherche au sein des écoles doctorales et des laboratoires scientifiques qu’elle héberge ou auxquelles elle est associée, et ceci vaut quelles que soient les disciplines concernées. Elles s’appliquent ensuite, à travers la littérature scientifique (publications, revues) et les sociétés savantes (séminaires, colloques), à rendre publiques les conclusions de ces recherches et à les soumettre ainsi à la critique des pairs. Cette tradition remonte au XIXème siècle, elle est donc assez récente; il n’en demeure pas moins qu’elle a été adoptée et est pratiquée universellement, ce qui fait de l’institution universitaire la garante de la qualité scientifique de la recherche et des connaissances ainsi produites. C’est dans ces conditions que s’est mis en place l’un des piliers de l’épistémologie du XIXème siècle, la distinction radicale entre sciences fondamentales et sciences appliquées, entre théorie et pratique, entre science et technologie, entre connaissance et action. Cette répartition des savoirs et les prérogatives qui l’accompagnent règnent toujours encore aujourd’hui. On y trouve la source principale des difficultés qui nous occupent ici, celles du statut de la recherche en design. À cet égard, remarquons que si, pour les sciences comme la physique ou la biologie, la recherche fondamentale et la formation des théoriciens, d’une part, la recherche appliquée et la formation des praticiens, d’autre part, sont réparties dans deux types d’institution différents (universités dans un cas, écoles d’ingénieurs dans l’autre), il s’agit pour les écoles de design universitaires d’assurer les deux types de tâche en un même lieu et avec le même corps enseignant. On comprend que cela ne va pas sans quelques difficultés, non seulement d’ordre pratique (recrutement des professeurs, compétences, etc.) mais encore d’ordre théorique (y a-t-il un corpus théorique du design? si oui quel est-il, sinon comment justifier la place du design à l’Université?). Par contre, on entrevoit aussi toutes les perspectives qu’un tel état de choses autorise. Ces quelques considérations préliminaires expliqueront peut-être que cette étude et les conclusions auxquelles elle aboutit ne sembleront s’adresser qu’aux représentants des écoles de design qui se trouvent dans la même situation que la nôtre et que le point de vue d’où elles procèdent est étranger à bon nombre d’autres écoles non universitaires. On 3 pourrait en outre rétorquer que le privilège de la recherche scientifique n’appartient pas en propre à l’Université et qu’il y a bien d’autres lieux où s’effectue de la recherche en design, sous d’autres formes peut-être aussi valides que celles reconnues par l’institution universitaire. Ces objections sont légitimes et c’est pourquoi je me suis efforcé d’élargir mon étude afin d’en tenir compte dans le cadre d’une problématique générale susceptible d’accueillir toute la diversité du champ de la recherche en design. Mais avant d’examiner cette problématique, il me reste à préciser ce que j’entendrai ici par design. Le champ du design Qu’on se rassure, il ne s’agit pas de me lancer dans la dorénavant classique dissertation sur le design, son étymologie, sa définition, ainsi que dans les non moins inévitables lieux communs qui l’accompagnent : dessin/dessein, produit design/ design de produit, etc. Au cours d’une entrevue récente, on m’a invité à résumer la définition du design que nous avons adoptée à Montréal2. Voici ce que j’y déclarai: Le projet théorique que nous conduisons à Montréal nous a menés à adopter une définition de travail qui porte davantage sur le processus de design que sur les objets qui en résultent. Ainsi, dans le design graphique, le design alimentaire, le design de mode, le design urbain, le design de produit, le design artisanal, etc., ce qui nous importe (encore une fois, du point de vue théorique) c’est plus le design graphique, que le design graphique, le design de mode, que le design de mode, et ainsi de suite. Par contre, si notre regard était celui de l’économiste, de l’historienne, du ministre de la Culture, de la directrice de musée, du dirigeant d’entreprise, de l’ingénieur, notre définition ne serait plus la même. En d’autres termes et plus brièvement encore : si notre contexte est celui des professions du design et de la R&D dans les secteurs correspondants, alors il faut préciser «design?...de quoi?...quel design?». Par contre, du point d’ une d’une théorie générale du projet de design ou encore en recherche fondamentale, le mot "design" se suffit à lui- même. Et j’ajoutai, dans la même entrevue, en me situant par rapport à l’ouvrage décisif The Sciences of the Artificial de Herbert Simon 3 : À Montréal, nous avons restreint l’extrême généralité de la définition de Simon (qui s’applique à toutes les professions) tout en nous écartant également de la posture épistémologique qui la caractérise, pour considérer en priorité les actes de design prenant pour objet les produits et services de notre 4 environnement construit, de notre cadre de vie privé et public quotidien, de notre culture matérielle. « Maintenir ou améliorer l’habitabilité du monde », voilà le projet que nous assignerions volontiers au design ainsi compris. Ces actes nous intéressent dans la mesure où ils constituent des projets, c’est-à-dire des actions intentionnelles, méthodiques et rationelles, et ceci, quelles que soient les rationalités et les finalités qui y sont à l’œuvre, pourvu qu’elles soient susceptibles d’une description et d’une justification, donc d’un discours. Je n’ai, pour le moment, rien à ajouter à cette mise au point; aussi convient-il de la considérer comme définition de travail pour la suite de l’étude. Les types de recherche en design Malgré les interprétations parfois divergentes auxquelles elle a donné et continue à donner lieu, la typologie proposée par Christopher Frayling à la suite de Herbert Read demeure, à mon sens, un point de départ très commode pour s’interroger sur la nature et la singularité de la recherche en design, sur ses exigences et sur ses limites4. Aussi vais-je la rappeler très brièvement ici. J’en proposerai par la suite, en l’adaptant, une interprétation et une lecture qui m’aideront à situer adéquatement le type de recherche que nous privilégions à Montréal, et à justifier la méthode de recherche-projet que nous préconisons. Dans le domaine des arts et du design, Frayling distingue trois types de recherche possibles : research for art and design, , research into art and design, research through art and design. Appliquées au seul design, ces catégories s’énonceraient, en français, ainsi : la recherche pour le design, la recherche sur le design, la recherche par le design. Remarquons bien que Frayling parle au nom des écoles d’art et de design, c’est-à-dire d’une conception du design comme discipline artistique particulière, conception elle aussi héritée du XIXème siècle et largement partagée par de nombreuses écoles de design non universitaires. Ce n’est pas notre cas, il convient de le rappeler; nous promouvons au contraire une conception du design qui s’en distingue, une pratique moins attachée à son héritage historique, une discipline mieux ancrée dans les réalités du monde du XXIème siècle, bref une re-définition de la profession tournée vers l’avenir. C’est pourquoi, tout 5 en empruntant à Frayling son principe de découpage typologique des diverses activités de recherche en design, nous l’interprétons uploads/Science et Technologie/ findeli-2005-recherche-projet.pdf
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