la lettre n04 / été 2002 de l’Académie des sciences Editorial La société se méf

la lettre n04 / été 2002 de l’Académie des sciences Editorial La société se méfie des scientifiques. L ’émergence des notions d’éthique et de précaution s’est traduite à juste titre par de nouvelles contraintes réglementaires et législatives. Le bénéfice tiré de la science est cependant évident. Face à cette situation où les sciences connais- sent une expansion et une fécondité jamais atteintes et où une sorte de défiance (sinon de rejet) s’est installée de la part de ceux là mêmes qui en béné- ficient, que fait l’Académie des sciences? Elle a, en premier lieu, entrepris une réforme qui l’amènera en cinq ans à augmenter de cent le nombre de ses membres et à un rajeunissement très sensible ainsi qu’à accroître l’expertise, lui conférant un rôle privilégié dans l’ap- préciation et la conduite des relations de plus en plus complexes entre la science et la société. La décennie sera cruciale. On perçoit à travers de nombreux rapports, en France comme à l’étranger, une désaffection des jeunes envers les sciences, alors que notre pays va se trouver devant la néces- sité de recruter un grand nombre de cadres scientifiques: enseignants, cher- cheurs, ingénieurs et techniciens non seulement pour des besoins liés à l’in- novation technologique mais surtout à cause des départs à la retraite qui à eux seuls devraient représenter 80 % des recrutements pendant cette période. Cette bataille de l’intelligence et la chasse aux compétences sont déjà à l’œuvre. Notre pays est dans certains secteurs, comme celui de la recherche biomédicale, victime d’une “ fuite de cerveaux ” préoccupante vers les pays anglosaxons où la place de la recherche est mieux appréciée par la société. Comme les Académies de tous les pays occidentaux 1, l’Académie des sciences, poursuit une série de communications, d’actions, de réflexions, de conseils à diverses instances gouvernementales. Ainsi, les études menées dans le cadre des rapports sur la Science et la Tech- nologie, commandées par le gouverne- ment, traitent des questions les plus actuelles. Les concepts et techniques en mutation font naître des collaborations entre des disciplines jusque-là séparées dans des domaines où sont attendues des avancées spectaculaires. Je citerai en exemple le rapport en cours de préparation sur les nanosciences et nanotechnologies et sur les mathéma- tiques dans leurs interactions avec les autres disciplines scientifiques. Un effort particulier de l’Académie des sciences porte sur l’éducation. L ’opéra- tion “ La main à la pâte ” initiée par Georges Charpak et conduite avec un dévouement et un talent qu’il faut souli- gner, par nos confrères Pierre Léna et Yves Quéré, constitue la fierté de l’Aca- démie des sciences. Son objectif est celui de l’ensemble de notre Compagnie: faire de l’enseignement des sciences par l’ob- servation et l’expérimentation actives des enfants, une méthode d’éveil intel- lectuel et un modèle de raisonnement dès l’école primaire? Cette méthode pédagogique a déjà produit des résul- tats intéressants contrastant avec le bilan plutôt négatif de l’enseignement traditionnel des sciences à l’école. Avec le Conseil National des Programmes, l’Académie souhaite que son application se généralise en France. L ’ Académie des sciences n’est pas isolée. Avec l’Académie nationale de médecine, et à la demande du ministre de l’Éducation nationale, elle a produit récemment deux livrets destinés parti- culièrement aux enseignants du premier degré et aux étudiants des IUFM (Insti- tuts Universitaires de Formation des Maîtres): l’un traite de la santé en France, l’autre de l’environnement. Faciles à lire, basés sur une information précise, ils apportent une juste évalua- tion de la situation dans ces deux domaines-clés des relations entre science et société. Ils fournissent de surcroît des recommandations simples et pertinentes et représentent un modèle de l’apport qu’on peut attendre de l’Académie, corps social dont l’autorité en la matière est reconnue par tous. Enfin, je signalerai une autre action, en collaboration avec d’autres Académies, françaises et européennes: les Col- loques. Ceux-ci sont ouverts à un large public et rassemblent à l’Institut de France les meilleurs spécialistes mondiaux sur des problèmes scienti- fiques d’actualité qui préoccupent nos concitoyens. Ainsi, le dossier du présent numéro de “la Lettre de l’Académie” est consacré à l’un de ces colloques dont le thème était “Cellules souches et thérapie cellulaire ”  par Nicole Le Douarin Secrétaire perpétuelle de l’Aca- démie des sciences, professeur honoraire au Collège de France. Sommaire Éditorial L’Académie des sciences au service de la société Nicole Le Douarin page 2 Dossier Cellules souches et thérapie cellulaire Nicole Le Douarin page 3 Entretien avec Ian Wilmut Lucy Kukstas page 9 Les applications médicales des cellules souches et des cellules embryonnaires dans les différents pays. Aspects scientifiques et réglementaires Marianne Minkowsky page 10 Aspect médicaux et ethiques de l’utilisation des cellules souches Maurice Tubiana page 11 Questions d’actualité Les menaces biologiques Henri Korn page 14 Pluridisciplinarité et synergies: un nouvel élan pour la recherche française Alain Pompidou page 16 La vie de l’Académie Le Comité de la recherche spatiale Jean-Yves Chapron page 17 La main à la pâte et la Chine Yves Quéré page 18 Une Académie en Côte d’Ivoire Yves Quéré page 18 Le Comité pour les pays en voie de développement (COPED) Cellule de concertation inter-organismes (CDCI) François Gros page 18 La vie des séances Hommage à Jacques-Louis Lions Philippe Ciarlet page 19 Élections d’associés étrangers à l’Académie des sciences page 20 L ’Académie des sciences au service de la société 2 la lettre n04 / été 2002 de l’Académie des sciences 1 A cet égard, la National Academy des États-Unis et la Royal Society en Grande-Bretagne sont très actives. 3 Dossier osseuse. Au cours de l’organogenèse, la formation des tissus est assurée par des cellules embryonnaires dont le mode de fonctionnement est celui des cellules souches. Elles sont à l’origine des cellules présentes dans les organes de l’adulte et en assurent la pérennité. Qu’entend-on par cellules souches? Il s’agit de cellules indifférenciées douées de la capacité de s’autorenou- veler tout en produisant d’autres cellules qui s’engagent dans une ou plusieurs voies de différenciation. Les modalités de leur fonctionnement sont variables selon leur nature et le contexte dans lequel elles sont placées. Au cours de l’exposé qui suit les divers types de Par Nicole Le Douarin1 D es cellules souches, capables d’as- surer l’homéostasie cellulaire des tissus, existent chez l’adulte. Leur rôle est d’assurer le renouvellement des cellules au cours de la vie. Celles qui sont à l’origine des cellules sanguines sont connues depuis plusieurs décennies et une thérapie cellulaire est pratiquée couramment pour traiter certaines leucémies par les greffes de moelle cellules souches connus seront définis ainsi que le niveau où elles se situent dans le cycle de vie de l’individu. C’est en étudiant certains tissus adultes tels que le sang ou la peau que le concept de cellules souches a été avancé dès les années 1950-1960 pour rendre compte du renouvellement nécessaire des cellules qui les constituent. Des cellules souches qui fonctionnent lors de la mise en place des différents tissus sont aussi à l’œuvre chez l’embryon, au stade de l’organogenèse. 1 Secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences, professeur honoraire au Collège de France 2 Ce colloque s’est tenu à l’Institut de France du 14 au 16 mars 2001 3 Le colloque “Longévité et Vieillissement” s’est tenu à l’Institut de France et à l’Académie de médecine du 25 au 27 mars 2002 L es cellules souches, la thérapie cellulaire, l’espoir d’une nouvelle médecine régénérative basée sur le remplacement de cellules lésées par des cellules neuves provenant d’embryons, le clonage, voire le clonage dit thérapeutique: tout le monde en parle et les journaux font de leur mieux pour éclairer l’opinion. La révision de la loi de bioéthique de 1994 qui interdit en son état toute manipulation expérimentale sur l’embryon humain est en chantier et le travail à cet égard devra se poursuivre. Ces perspectives nouvelles offertes par la biologie suscitent à la fois l’espoir et la crainte et heurtent les consciences comme l’ont fait par le passé les technologies et découvertes qui ont changé notre regard sur le vivant. L ’Académie des sciences ne pouvait rester en marge d’un débat de société dans lequel les sciences biologiques et l’extraordinaire développement qu’elles connaissent jouent un rôle de premier plan. Comme elle l’avait fait en 2001 à propos d’un problème de santé publique pour lequel la science demeure le seul recours, les Encéphalopa- thies Spongiformes Transmissibles 2 et à propos d’une question qui touche à la fois santé et société, la longévité et le vieillissement 3, l’Académie des sciences a orga- nisé cette année (du 25 au 27 mars 2002) une réunion ouverte au plus large public intitulée “Cellules souches et thérapie cellulaire” en collaboration avec l’Aca- démie nationale de médecine et l’Academy of Medical Sciences de Grande-Bretagne. ellules souches et thérapie cellulaire C 4 Dossier Enfin, les “cellules souches embryon- naires” (cellules ES pour Embryonic Stem cells) dérivées d’embryons très précoces chez certains mammifères, sont une production artificielle des biotechnologies en ce qu’elles prolon- gent sous la forme de lignées perma- nentes et indéfiniment transplantables, un stade très éphémère du développe- ment embryonnaire. 1. L uploads/Science et Technologie/ lettre-4.pdf

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