LA REVUE POUR L’HISTOIRE DU CNRS / N° 22 / AUTOMNE 2008 / 39 D’UN THÈME À L’AUT
LA REVUE POUR L’HISTOIRE DU CNRS / N° 22 / AUTOMNE 2008 / 39 D’UN THÈME À L’AUTRE Le partage des savoirs scientifiques Étienne Guyon et Bernard Maitte Les conditions de la création Avant la naissance des CCST Les actions de popularisation d’une science en mouvement, en particulier celles tournées vers les jeunes, sont bien antérieures aux créations des premiers CCST qui se sont inspirés de ces exem- ples. Les animations menées par le Palais de la Découverte illustrent cette démarche. Le Palais entretenait des relations continues avec le monde de la recherche ainsi que l’avait souhaité Jean Perrin à sa création en 1937 qui fut synchrone avec celle de ce qui allait devenir très vite le CNRS. Dans les années 1960, le Palais créait des exposi- tions et en assurait leur itinérance. Les échanges d’expositions se faisaient alors dans l’esprit d’un « troc », bien différent d’une démarche plus cou- rante aujourd’hui de vente ou location, et ils conduisaient à la constitution d’un réseau entre animateurs culturels scientifiques. Par ailleurs, les clubs Jean Perrin d’animation pour des jeunes se créent en 1962 à l’intérieur du Palais (chimie, physique, électronique, science du vivant et de la Terre) avant de conduire à des stages de vacances en particulier d’astronomie. D’autres associations se mettent alors en place, telles que l’ANSTJ qui de- viendra Planète Sciences en 1982 (avec l’aide du CNES à partir des projets de lancements de micro fusées et de ballons) et les clubs santé avec l’IN- SERM. Des clubs d’amateurs prospèrent aussi au- tour des Muséums (National ou de province), ainsi que du musée du CNAM. L’association nationale des clubs scientifiques créée en 1962, qui organi- sera des temps de rencontre avec les exposciences permet de fédérer les activités diverses de ces clubs 1. Le démarrage à Grenoble En 1966, à l’occasion de la préfiguration d’une Maison de la culture à Grenoble, un groupe de scientifiques défend l’idée d’y intégrer une ani- mation scientifique, au même titre que les autres activités, musicales, théâtrales, cinématographi- ques... Son but est de « faire admettre que les Étienne Guyon est professeur émérite et travaille au Laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris. Bernard Maitte, professeur d’histoire des sciences et d’épistémologie, est membre de l'UMR « Savoirs, textes, langage ». LES CENTRES DE CULTURE SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE Cet article devait être écrit avec Michel Crozon. Le décès brutal de celui-ci nous prive d’un témoin, acteur majeur de ces actions. Physicien des hautes énergies actif et passionné, honnête homme dont la richesse intellectuelle n’avait d’égale que la modestie et l’humour malicieux, il fut un précurseur des actions de diffusion de la science vers un large public à partir d’initiatives visant à développer la citoyenneté au sujet des applications scientifiques. Michel Crozon fut directeur de l’information scientifique et technique au CNRS après 1992. Préalablement, il accompagna, comme Délégué à l’information scientifique et technique du ministère de la Recherche, sous Hubert Curien, la mise en place des CCSTI, permit aux clubs scientifiques de se développer et de se fédérer au sein du CIRASTI, participa activement aux actions tournées vers les jeunes, dont « Les Petits Débrouillards », dont il était encore le parrain à sa mort. L’action de Michel est représentative de tout ce mouvement au sein duquel la création des CCSTI prend sens et auquel nous voulons associer sa mémoire. Nous avons, dans cet article, choisi de mettre en perspective le développement des CCSTI au sein du foisonnement qui s’est produit en France de 1973 (première manifestation « Physique dans la rue ») à 1992 (première « Science en Fête »). 1. Pour un historique voir : http://www.planete-sciences.org/ national/quisommesnous- historique.html sciences sont un élément constitutif de la culture contemporaine ». Deux ans plus tard, à l’ouver- ture de cette Maison de la culture, un secteur « sciences » est mis en place, qui veut suivre le modèle de présentation du Palais de la Découverte (expositions, animations, conférences). Le succès rencontré (avec un public aussi important pour le secteur « sciences » que pour les autres activités), la volonté de mettre en itinérance les expositions, des difficultés aussi de relations avec ces autres ac- tivités, font qu’une volonté de créer un « Centre culturel scientifique » indépendant se manifeste en 1974. Un colloque se tient cette même année avec les animateurs de la fête dans la rue de Aix sur la place des sciences dans l’action culturelle, qui conclut que l’on ne peut en rester à présenter des explications sur la science, mais qu’il faut « parler des applications et des implications ». En 1975, une Association de type loi de 1901 est créée, qui bénéficie de soutiens de la ville, du ministère de la Culture, de la DGRST. Avec le bénévolat de nombreux scientifiques, des expositions itinéran- tes sont produites, des « Camps scientifiques » or- ganisés. En 1979, la ville décide de mettre à dispo- sition des locaux, La Casemate, pour un Centre culturel scientifique et technique. Une équipe se met en place, des statuts sont votés. C’est le démar- rage du premier CCST. Son équipe contribuera fortement à l’encadrement de la première équipe de la Cité des sciences de la Villette après 1982. D’autres actions : la physique dans la rue et le GLACS Au mois de septembre 1973, à l’occasion d’un congrès international de physique des particules, Michel Crozon, avec un congressiste suisse, Mi- chel Sonderegger, décide de conduire une anima- tion de physique dans la rue qui présente des ex- périences de physique générale ainsi que de physique nucléaire, comme une grande chambre à étincelles qui visualise l’arrivée aléatoire de rayons cosmiques. Ils sont aidés par le directeur du relais culturel d’Aix, Charles Nugues, qui me- nait annuellement des actions de musique dans la rue. Cette animation connaîtra un grand succès. Un des auteurs de cet article (É. G.) était par ha- sard en vacances à Aix à cette date avec de nom- breux enfants qui se passionnent pour ces rencon- tres autour d’expériences... Deux ans plus tard, à l’occasion du congrès national de la société fran- çaise de physique à Dijon, on lui demande de met- tre en place une animation en parallèle avec le Congrès. Comment refuser ! L’animation, autour d’un thème général la Terre et ses énergies sera de nouveau un succès. Le pli était pris et de nom- breux congrès seront accompagnés de manifesta- tions dans la ville. Ainsi, à Poitiers en 1977, la ma- nifestation prend une ampleur particulière et associe une quarantaine d’associations, l’École des beaux arts, de nombreux universitaires. Une trentaine d’animations, trois journées Physique dans la rue, onze expositions itinérantes, 22 conférences-débats, une exposition sont réalisées. Après cette manifestation, un groupe informel se constitue. Il organise en 1978 des animations et des expositions itinérantes en milieu rural « éner- gies nouvelles », « les oiseaux de chez nous », en 1979 « la science et l’enfant », « la fête du so- leil », en 1980 « Pop santé ». Le groupe forme alors le projet de créer une Maison des sciences, 40 / LA REVUE POUR L’HISTOIRE DU CNRS / N° 22 / AUTOMNE 2008 D’UN THÈME À L’AUTRE Le partage des savoirs scientifiques Valise-exploration Énergie. D. R. D. R. lA PHYSIQUE SORT DANS LA RUE dont le but est d’instaurer un dialogue art/scien- ces et de mettre en relation les domaines des scien- ces, de l’industrie, de l’artisanat, des cultures tech- niques et artistiques. Il conduira à la réalisation de l’espace Mendès France, toujours bien vivant. Cette démarche reposait sur la juste prise de conscience par les chercheurs qu’il fallait infor- mer (et écouter !) le public, en particulier celui qui ne va pas dans les musées, et sur le bfesoin de se justifier sur la légitimité d’une recherche scien- tifique non finalisée (les manifestations impli- quaient presque exclusivement des chercheurs de sciences de base). On peut penser que ces actions vont inspirer les opérations de science en fête lan- cées en 1992. La manifestation d’Aix marque aussi le début d’un mouvement de réflexion et d’action qui a impliqué des scientifiques, des cu- rieux et des sociologues. Ce mouvement fut initié par le colloque de 1974 de Grenoble ; il fut alors suggéré de créer une structure permanente d’ac- compagnement d’actions culturelles en science, baptisée GLACS (Groupe de liaison pour une ac- tion culturelle scientifique). Elle eut pour premier président Michel Crozon. Il accompagnera cette association de façon continue avec clairvoyance et bon sens. La cheville ouvrière en était Marie Si- mone Detœuf, qui a profité du soutien logistique de l’IN2P3 où elle travaillait et qui a suivi de bout en bout ce groupe de liaison tant sur le plan de la logistique que sur le plan de l’animation, jusqu’à son décès le jour de Pâques 2007, quelques mois avant Michel. L’action sera marquée par un questionne- ment et une mise en cause constante, par les non scientifiques censés représenter un public inté- ressé mais uploads/Science et Technologie/ n22-guyonmaitteccstirelect-15mai08.pdf
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- Publié le Jul 28, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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