EXPLICATIONS DE TEXTES Te x t e I « Les sciences supérieures découlent des prin

EXPLICATIONS DE TEXTES Te x t e I « Les sciences supérieures découlent des principes connus par eux-mêmes, telle la géométrie et autres sciences de ce genre possé- dant des principes connus par eux-mêmes, comme par exemple : « Si tu enlèves des quantités égales à des quantités égales, les quanti- tés restantes sont égales. » Les sciences inférieures, par contre, qui 5 sont subalternées 1 aux supérieures, ne découlent pas de principes connus par eux-mêmes, mais supposent des conclusions prouvées dans les sciences supérieures et les utilisent en guise de principes qui en vérité ne sont pas des principes connus par eux-mêmes mais sont prouvés dans les sciences supérieures au moyen de principes 10 connus par eux-mêmes; ainsi, l’optique, science de la ligne visuelle, est subalternée à la géométrie grâce à laquelle aussi elle suppose toutes les données prouvées au sujet de la ligne en tant que ligne et au moyen de ces données tenues comme des principes elle prouve des conclusions qui sont celles de la ligne en tant que visuelle. » 15 Saint THOMAS D’AQUIN, Scriptum super primum librum Sen- tentiarum (Commentaire du livre des Sentences de Pierre Lombard, 1254–1256), prol., a. 3, q1a, ad 2 B, p. 323–324. Te x t e II « Je te vois, Seigneur mon Dieu, en quelque ravissement de la pensée car, si le regard n’est pas satisfait de ce qu’il voit, ni l’oreille de ce qu’elle entend, encore moins l’est alors l’intelligence de ce qu’elle comprend. Ce n’est donc pas ce qu’elle comprend qui satis- fait l’intelligence : cela marque plutôt sa fin. Ce qu’elle ne comprend 5 pas du tout ne peut la satisfaire non plus, mais seulement ce qu’elle comprend ne pas pouvoir comprendre. L’intelligible qu’elle connaît 1. Dérivé de subalterne (de sub, sous, et alter, autre) : qui est dans une position inférieure et dépend de ce qui est supérieur, lui est subordonné. 1 ne la satisfait pas plus que l’intelligible qu’elle ne connaît pas du tout. Mais l’intelligible qu’elle connaît jusqu’à un certain point comme intelligible et dont elle sait qu’il ne peut jamais être pleinement in- 10 telligible, cela seul peut la satisfaire. De même, celui qui a une faim insatiable ne se satisfait pas de l’inconsistante nourriture qui est à sa portée, ni de la nourriture inaccessible, mais seulement d’une nourriture accessible qu’il pourra continuellement absorber sans jamais pleinement l’épuiser : quand bien même on l’absorbe, cette 15 nourriture ne diminue pas, car elle est infinie. » Nicolas de CUES, Le Tableau ou la vision de Dieu, Paris, 1986, trad. Agnès Minazzoli, p. 68. Te x t e III « Il va de soi que, s’il y a une science de la richesse, elle doit for- muler les règles qui permettent de l’acquérir et d’en disposer, mais là s’arrête son rôle. Il ne lui appartient même pas d’affirmer qu’elle est une science subordonnée; que sa fin n’est pas la fin ultime de toute chose; et que ses conclusions sont seulement hypothétiques, parce 5 que découlant de prémisses toujours susceptibles d’être renversées par un enseignement venu de plus haut. Pour autant que sa science s’avère valable, je ne reproche pas à l’économiste de tirer de sa ligne de pensée tout ce qu’il peut. Toutes ses recherches, naturellement, doivent tendre vers la fin qui lui est propre. Il doit néanmoins ne 10 jamais oublier que l’étude qu’il a entreprise n’est pas d’ordre im- médiatement pratique, mais plutôt abstrait. Son travail se ramène à déduire des conclusions rationnelles de prémisses indiscutables. Une fois posé qu’il faut rechercher la richesse, il se trouve que ceci ou cela soit le chemin à suivre pour y parvenir. Voilà la limite du 15 champ que le spécialiste de l’économie politique a le droit de cou- vrir. Ce n’est pas à lui de décider s’il faut s’enrichir à n’importe quelle condition, si la richesse conduit à la vertu ou si elle est le prix à payer pour être heureux. Ce serait là, dis-je, outrepasser les limites de sa science. La question de savoir s’il tranche ces questions bien ou mal 20 n’a pas à entrer en ligne de compte. Pour lui, il ne fait que travailler à l’intérieur d’une hypothèse. » John Henry NEWMAN, L’idée d’université, 1852. 2 Te x t e IV « La pureté dans la vie publique, c’est l’élimination poussée le plus loin possible de tout ce qui est force, c’est-à-dire de tout ce qui est collectif, de tout ce qui procède de la bête sociale, comme Platon l’appelait 1. La Bête sociale a seule la force. Elle l’exerce comme foule ou la dépose dans des hommes ou un homme. Mais la loi comme 5 telle n’a pas de force; elle n’est qu’un texte écrit, elle qui est l’unique rempart de la liberté. L’esprit civique conforme à l’idéal grec dont Socrate fut un martyr est parfaitement pur. Un homme, quel qu’il soit, considéré simplement comme un homme, est aussi tout à fait dépourvu de force. Si on lui obéit en cette qualité, l’obéissance est 10 parfaitement pure. Tel est le sens de la fidélité personnelle dans les rapports de subordination; elle laisse la fierté tout à fait intacte. Mais quand on exécute les ordres d’un homme en tant que dépositaire d’une puissance collective, que ce soit avec ou sans amour, on se dégrade [...] Louis XIV imposait à ses sujets une soumission qui ne 15 mérite pas le beau nom d’obéissance. » Simone WEIL, En quoi consiste l’inspiration occitanienne? in Œuvres, Paris, Gallimard, 1999, p. 678–679. Te x t e V « D’un manière générale, tous les problèmes concernant la li- berté d’expression s’éclaircissent si l’on pose que cette liberté est un besoin de l’intelligence, et que l’intelligence réside uniquement dans l’être humain considéré seul. Il n’y a pas d’exercice collectif de l’intelligence. Par suite nul groupement ne peut légitimement 5 prétendre à la liberté d’expression, parce que nul groupement n’en a le moins du monde besoin. Bien au contraire, la protection de la liberté de penser exige qu’il soit interdit par la loi à un groupement d’exprimer une opinion. Car lorsqu’un groupe se met à avoir des opinions, il tend inévitablement 10 à les imposer à ses membres. Tôt ou tard les individus se trouvent empêchés, avec un degré de rigueur plus ou moins grand, sur un nombre du problèmes plus ou moins considérables, d’exprimer des opinions opposées à celles du groupe, à moins d’en sortir. Mais la rupture avec un groupe dont on est membre entraîne toujours des 15 1. Cf. La république, livre VI, 492a–494e. Texte traduit par S. Weil dans Œuvres, p. 656–658. 3 souffrances, tout au moins une souffrance sentimentale. Et autant le risque, la possibilité de souffrance, sont des éléments sains et néces- saires de l’action, autant ce sont choses malsaines dans l’exercice de l’intelligence. Une crainte, même légère, provoque toujours soit du fléchissement, soit du raidissement, selon le degré de courage, et il 20 n’en faut pas plus pour fausser l’instrument de précision extrême- ment délicat et fragile que constitue l’intelligence. Même l’amitié à cet égard est un grand danger. L’intelligence est vaincue dès que l’expression des pensées est précédée, explicitement ou implicite- ment, du petit mot « nous ». Et quand la lumière de l’intelligence 25 s’obscurcit, au bout d’un temps assez court l’amour du bien s’égare. La solution pratique immédiate, c’est l’abolition des partis poli- tiques. La lutte des partis, telle qu’elle existait dans la IIIe République, est intolérable; le parti unique, qui en est d’ailleurs inévitablement l’aboutissement, est le degré extrême du mal; il ne reste d’autre 30 possibilité qu’une vie publique sans partis. » Simone WEIL, L’enracinement in Œuvres, Paris, Gallimard, 1999, p. 1043–1044. Te x t e VI « Comme s’il parlait à l’enfant, le vieillard tient au vieillard le plus doux langage, et la Femme le babil idoine à la femme ainsi qu’au malade un malade : frappé du malheur, on charme qui l’éprouve. Et c’est là tout le ressort de la politique : mentir plaisamment à son semblable afin d’y trouver l’étourdissement distractif et de se mentir 5 à soi-même. Le but est d’y nourrir une passion d’ignorance envers la Vérité tout en se réjouissant avec autrui d’un malheur commun dont l’en- tretien constitue le divertissement d’une race ennuyée et générale. L’implication politique, le «devoir civil»? Simile grandet simili 1 : cha- 10 cun se réjouit de ce qui lui est semblable, comme un moribond dont l’industrieuse hypocondrie prend soin de s’enquérir si les mêmes cas courent que lui, mais sans jamais songer à vraiment guérir. Simile grandet simili. Dès lors une chienne apparaît somptueuse à un chien, une vache à un boeuf, une truie à un porc, et un citoyen 15 à un citoyen : dans la vacuité du coeur laissé à sa vacuité naît le goût 1. Il s’agit très probablement d’une erreur typographique pour simile gaudet simili : le semblable se réjouit du semblable. 4 pour les associations naturelles entre laideurs. Les partis surgissent et s’agitent, le processus d’excrémentation propre au suffrage uploads/Science et Technologie/ sujets-text 1 .pdf

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