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Université Paris Ouest Nanterre La Défense Service d'enseignement À distance Bâtiment E - 3ème étage 200, Avenue de la République 92001 NANTERRE CEDEX COURS 2015-­‐2016 Matière : Philosophie générale (L1) Code Enseignement : 3LHU1741 L’EXPERIENCE Claire Etchegaray CM et TD Introduction 7 pages Avertissement : Cette œuvre est protégée par le Code de la propriété intellectuelle. Toute diffusion illégale peut donner lieu à des poursuites disciplinaires et judiciaires. NATURE DU PARTIEL L’étudiant aura le choix entre deux exercices : une dissertation en 2 heures ou des questions sur un texte. LE DEVOIR FACULTATIF Le devoir facultatif, à la maison est une dissertation dont le sujet est : L’expérience peut-elle constituer une preuve ? LE STAGE ET LE FORUM Un cours de deux heures sera proposé pour ceux qui peuvent se déplacer, durant le semestre, à Nanterre. Je pourrai alors répondre à toutes vos questions sur le polycopié et à vos interrogations méthodologiques. Mais d’ici là n’hésitez pas à poser vos questions sur le forum. INTRODUCTION TROIS SENS Réfléchissons au sens du terme « expérience » pour en tirer un problème philosophique1. Pour cela partons d’expressions usuelles. 1- Parfois, l’expérience renvoie au fait de vivre un événement, ou encore à une pratique personnelle qui a produit certaines habitudes : « c’est une expérience qui l’a changé », « dans la vie il faut faire ses propres expériences », « acquérir de l’expérience ». 1 Note méthodologique : ce qui suit, dans l’introduction, est un ensemble de remarques qui ne doivent pas être apprises par cœur pour elles-­‐mêmes. Il s’agit plutôt de vous montrer ce que doit être une introduction en philosophie : une réflexion générale sur le sens des termes du sujet afin de « le problématiser ». Sur ce qu’on entend plus généralement par problématisation, lire les rappels méthodologiques joints à ce polycopié ou le cours de méthodologie proposé en L1. Ainsi, la problématisation proposée n’est pas la seule possible mais elle vous donnera des indications utiles pour construire à votre tour une problématisation sur un sujet portant sur ce thème (notamment pour le devoir à la maison). 2- D’autres fois, le terme a une connotation plus scientifique : il s’agit alors d’une expérimentation. Ces deux premiers sens s’opposent à plusieurs égards, et c’est ce que nous détaillerons ci-dessous. Et pourtant il faudra voir s’il n’y a là qu’une homonymie et si le fait même d’employer le même mot ne doit pas suggérer un noyau de sens, commun à toutes ces expressions. On voit d’emblée que l’un des enjeux concerne le type de savoir que peut procurer l’expérience. Par conséquent aussi il faudra s’interroger sur la fiabilité de l’expérience. 3- Remarquons enfin que le terme peut être employé dans un dernier sens, moins fréquent que les premiers dans le discours courant peut-être, mais usuel dans le propos philosophique, celui de l’ensemble des faits sensibles, perçus ou observables. Nous y reviendrons plus loin. L’EXPERIENCE ORDINAIRE ET L’EXPERIMENTATION L’expérience ordinaire semble spontanée, donnée avec la vie sensible. L’expérimentation scientifique paraît au contraire provoquée : certains facteurs en sont contrôlés. L’une est passive et semble même n’être instructive que parce qu’elle est vécue en première personne ; l’autre est active et semble pouvoir être universellement instructive parce que les observations doivent pouvoir être faites par tout témoin, tout observateur et rapportées en des descriptions suffisamment précises pour qu’elles apportent des connaissances ou soient éclairantes pour toute la communauté scientifique. C’est bien le fait que la première sorte d’expérience soit éprouvée en première personne qui fait son bénéfice : c’est le verbe avoir qui en français connote ce savoir propre ; on dit alors qu’il faut avoir eu l’expérience de tel ou tel événement pour comprendre ce que c’est (la guerre, la mort d’un être cher, le handicap, mais aussi une amitié solide, se sentir différent dans un pays étranger, tenir tête à son chef, l’amour, etc.). On notera qu’à la rigueur un mot est toujours trop général pour exprimer ce type d’expérience, parce que celui qui avance ce point à propos de l’amour, par exemple, ira facilement jusqu’à dire que ceux qui n’ont pas eu l’expérience de cet amour-ci, dans telles ou telles circonstances… ne peuvent pas le comprendre. Il ne parlera pas de l’amour en général mais d’un amour tel que celui qu’il vit et tel que, par définition, aucun autre amour, toujours singulier, ne saurait reproduire. En somme, l’expérience est ici singulière*, relative autant à des circonstances qu’à une façon de les vivre ou de s’y rapporter, et elle ne vaut que par là. En pratique la question est souvent alors de savoir comment celui qui ne l’a pas eu pourrait bien la comprendre. Différents arguments peuvent être avancés pour y répondre : on peut notamment en appeler à une thèse anthropologique (une thèse qui dirait, par exemple, qu’on a tous la même nature humaine, ou les mêmes capacités cognitives et psychologiques, donc qu’il suffit de « se mettre à la place d’autrui » pour éprouver ce qu’il éprouve). Mais les questions qui se posent à une réflexion philosophique sur l’expérience vont au-delà. D’abord il faut savoir si et comment ce qui est vécu dans cette expérience singulière peut nous instruire sur ce qui est vécu ailleurs – par autrui ou, d’ailleurs, par la personne même qui a eu l’expérience de x. Après tout, qu’est-ce qui nous assure qu’avoir eu l’expérience de tel amour nous servira en quoi que ce soit la prochaine fois (tirer des leçons, comprendre ou mieux vivre la prochaine expérience, etc.) ? Et il faut aussi se demander tout simplement comment reconnaître ce que l’on vit, comment savoir ce dont on fait l’expérience, comment repérer les circonstances propres à cette expérience… par exemple de quel droit parler « d’un amour tel que celui-ci »… après tout, était-ce vraiment de l’amour… comment le savoir si le concept même d’amour est toujours trop général pour s’appliquer à des expériences singulières ? A l’opposé, le bénéfice de la seconde espèce d’expérience (l’expérimentation) est lié à son caractère impersonnel, impartial et communicable : pensez par exemple à l’expérience des plans inclinés de Galilée (1604), à celle des tubes de Torricelli sur le vide, ou aux expériences de Réaumur (1752) et Spallanzani (1787) sur la digestion. Toutes ces expériences sont tenues pour sources d’avancées en histoire des sciences. Elles sont souvent encore prises pour modèle dans l’enseignement scientifique des élèves français. D’ailleurs, pour le partiel, il est bon de connaître les détails d’une expérience scientifique fameuse, susceptible d’être analysée par vos soins (vous trouverez des exemples dans les polys de ce cours). La sociologie et l’histoire des sciences ont montré qu’à partir du XVIe siècle, les institutions scientifiques (journaux savants, Académies des sciences, etc.) s’intéressent de moins en moins, en Europe, au prodiges et aux faits extraordinaires et de plus en plus aux faits qui mettent en évidence des lois ou des régularités naturelles2. Le rôle qui sera dévolu à l’expérimentation, censée désormais révéler ces lois universelles devra donc être analysé. 2 Un exemple parmi d’autres : Lorraine Daston et Katharine Park ont montré, notamment dans Wonders and the Order of Nature, que dans la première partie du XVIIIe siècle l’étude anatomique des monstres tire de plus en plus sa justification de la connaissance qu’elle peut fournir par contraste avec les fonctions de l’organisme normal plutôt que de l’étonnement ou la curiosité suscités par des cas singuliers glânés ici et là. Elles ont souligné l’intensification de l’intérêt anatomique pour les monstres d’un point de vue embryologique, à l’appui du préformationnsime ou inversement de l’épigénétisme. Mais pour souligner la différence entre les qualités scientifiques de l’expérimentation et les caractéristiques de l’expérience propre envisagée plus haut on peut également renvoyer aux critiques qui dans l’histoire des sciences ont réfuté la valeur instructive de certaines expériences. Dans les sociétés savantes de Paris et de Londres, à la période classique, on discutait âprement en effet des expériences menées partout dans le monde et on essayait de les reproduire par d’autres savants et dans d’autres lieux : des échecs répétés conduisaient à suspecter de fausseté les premiers rapports. Un exemple : les vertus odoriférantes, thérapeutiques et béatifiques de l’électricité. L’histoire des sciences est parfois instructive par ses errances. Prenons ces tentatives très pittoresques pour nous que furent les expériences sur les vertus de l’électricité dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Entre 1747 et 1749, plusieurs savants italiens et allemands défendent les vertus thérapeutiques de l’électricité statique. (Rappelons qu’alors, la pile électrique n’a pas encore été inventée par Volta, elle ne le sera qu’en 1799.) D’après eux, en touchant un tube de verre auparavant chargé en électricité par frottement, des gens auraient été guéris de leurs troubles intestinaux. En outre, Pivati à Venise prétend pouvoir faire passer les odeurs des substances odoriférantes contenues dans des verres, par friction (donc électricité statique) dans les corps non-électriques qui sont destinés à les recevoir : l’électricité permettrait donc de communiquer les odeurs et d’autres propriétés. Winkler, à Leipzig prétend avoir reproduit des expériences similaires. Lui et d’autres savants (Bose en uploads/Science et Technologie/chapitre-0 1 .pdf

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