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Thierry Lefebvre Cécile Raynal Paracelse. Entre magie, alchimie et médecine : une vie de combat au temps de la Renaissance In: Revue d'histoire de la pharmacie, 84e année, N. 311, 1996. pp. 407-410. Citer ce document / Cite this document : Lefebvre Thierry, Raynal Cécile. Paracelse. Entre magie, alchimie et médecine : une vie de combat au temps de la Renaissance. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 84e année, N. 311, 1996. pp. 407-410. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_1996_num_84_311_4833 LA GAZETE 407 Paracelse. Entre magie, alchimie et médecine : une vie de combat au temps de la Renaissance. Le Musée historique de Lausanne a accueilli du 1 5 mars au 9 juin 1996 une passionnante exposition consacrée à l'uvre de Paracelse. Celle- ci reprenait en totalité la grande exposition dite du « Projektge- meinschaft Paracelsus 500 » présentée à Einsiedeln en 1993-1994, dans le cadre des célébrations du 500e anniversaire de la naissance du grand homme. On connaît les grandes lignes de la vie du célèbre médecin. Théophraste Bombast Von Hohenheim naquit en 1493 à Egg-sur-Sihl. Il fit ses études de médecine de 1509 à 1515, puis parcourut l'Europe notamment en tant que médecin militaire. En 1527, il est nommé médec in de la ville de Bâle et dispense des cours à l'Université. Refusant d'enseigner en latin et critiquant l'état des pharmacies, il se voit retirer son diplôme et doit fuir vers Colmar en 1528. Entre 1529 et 1530, il publie des écrits sur la syphilis (où il conteste l'utilisation du gaïac) et le pseudonyme de Paracelse apparaît. De 1530 à 1537, il rédigera de nombreux ouvrages parmi lesquels le Paragranum, l'Opus Paramirum (ouvrage de médecine alchimique), le Traité des maladies invisibles, la Grosse Wundarznei (traité sur la chirurgie), le Philosophia Sagax, l'Astro- nomia Magna et trois livres sur la syphilis (dont la publication sera interdite). Il meurt à Salzbourg en 1541. À l'époque de Paracelse, la mort est partout : la mortalité infantile est élevée, l'espérance de vie faible, et les épidémies (peste, lèpre et syphilis) nombreuses et dévastatrices. Croyances et superstitions font partie de la vie quotidienne. Il règne alors l'idée d'un monde dominé par le surnaturel. La maladie serait ainsi le fait de Dieu ou des forces occultes. Les contemporains recourent aux symboles chrétiens amulett es et talismans pour prévenir et soigner les maladies. La pensée analogique prétend que « tout est en relation avec tout : il existe un lien entre l'homme et chacune des sept planètes, à chacune sont attribués une couleur, une plante et certains organes ». Le raisonne ment des médecins repose sur « la théorie des quatre humeurs » : la maladie serait due à un déséquilibre entre le sang, la pituite, la bile jaune et la bile noire. Le diagnostic repose essentiellement sur l'examen des urines et la thérapeutique vise à éliminer les humeurs excédentaires : purges (à l'aide de clystères et de boissons laxatives), bains de sueur, vomissements provoqués, ventouses, mèches, et enfin saignée (préventive ou curative). La « théorie des signatures » guide les choix de la Pharmaco pée : c'est ainsi que le millepertuis (dont la feuille est parsemée de trous) est utilisé pour soigner les plaies internes ou externes. Les médicaments (pilules, suppositoires, sirops, emplâtres, huiles, etc.) consistent alors en des mélanges de substances préparés extempora- nément par les apothicaires à partir de plantes distillées. Les chirurgiens 408 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE pratiquent fréquemment trépanations et amputations car les malades tardent à se faire soigner: on considère alors la suppuration comme bénéfique, aussi garde-t-on flèches et autres projectiles dans les plaies jusqu'à ce que le pus s'écoule. C'est dans ce contexte que va s'épanouir le génie de Paracelse : « Comme alchimiste, astrologue et cabbaliste, il a un pied dans le passé médiéval » écrivent les rédacteurs de la plaquette qui accompagne l'expo sition. « Comme médecin, chirurgien psychopathologue et chimiste, il ouvre la voie à la médecine moderne ». Dans son Paragranum, Paracelse définit les quatre piliers de sa médec ine : l'astronomie, la vertu, la philosophie et l'alchimie. L'ouvrage est rédigé au moment de la grande querelle quant à l'emploi du gaïac dans le traitement de la syphilis. Sa publication sera interdite. L'astronomie est l'aspect qui rattache le plus Paracelse au contexte médiéval. Il ne l'utilise pas pour prédire l'avenir. Il pense néanmoins que les astres ont une fonction prophétique (quant à letat de santé des individus) parce que « chaque chose soumise à l'action du temps est soumise à celle du ciel » : c est-à-dire que « le ciel extérieur devient un indicateur du ciel intérieur ». Le médecin doit apprendre l'anatomie à partir des constellations et des plantes : « Vous voyez qu'il n'y a rien dans le corps humain qui ne soit aussi représenté à l'extérieur de lui ». Chez Paracelse, le passage de la médecine médiévale à la médecine moderne s'opère dans l'éthique (qu'il nomme « vertu ») : « Pour que le médecin soit complet et pour qu'il repose sur un fondement parfait, sachez qu'il doit en tout agir avec un ordre qui fait sa convenance... La convenance consiste à suivre dans ses actes l'ordre et la loi de [la] nature et non des hommes. Le médecin n'est point soumis à l'homme mais à Dieu seul par le moyen de la nature ». Le médecin est donc l'instrument de Dieu par l'intermédiaire de la nature et, pour être plus efficace (c'est là la nouveauté), il doit avoir l'esprit ouvert et une grande culture : « Le médecin doit aussi être un homme cultivé. Celui qui veut donc l'être doit avoir une expérience universelle : car la nature engendre le fondement des arts que tu possèdes, point celui de ton enseignement, mais celui de la manière dont tu comprends les arts médicaux. Comment peux-tu, en effet, porter un jugement sans puiser à une source différente ? » Paracelse estime donc qu'il faut « introduire la philosophie dans la médecine » et que « le philosophe est issu du médecin et non pas le médecin du philosophe ». La « philosophie » requiert une connaissance expérimentale de la nature. Paracelse critique 1 enseignement universi taire qui repose essentiellement sur la lecture des textes anciens. Selon lui, l'expérience doit primer sur la théorie. Il puisera donc son savoir à la source, auprès des barbiers, des sages-femmes, des « baigneurs » et des médecins de campagne ; il étudiera également le Codex de Schupfheim, l'un des plus anciens traités de médecine populaire. LA GAZETE 409 Signatures de la grenade et de diverses plantes selon G. B. della Porta (Phytognomica, Naples, 1588) D.R. Selon Paracelse, « la maladie est aussi invisible que le vent ». Les traitements doivent donc être spécifiques. Il imagine un procédé original de diagnostic à partir des urines des patients : elles sont distillées dans un récipient, les cristaux se déposent sur les parois, dans une zone à laquelle on affecte une partie du corps (le siège de la maladie par exemple). Il critique vivement les saignées et considère ces pratiques comme réductrices et inutiles. Il propose des méthodes curatives qui reposent sur le pouvoir de l'imagination et sur la foi. Il prône aussi l'utilisation de substances tantôt douces (homéopathie), tantôt violentes (allopathie). L'observation des règles de santé et les traitements médicamenteux doi vent prévaloir sur la chirurgie. Il s'oppose en particulier aux méthodes classiques de traitement des plaies : les corps étrangers doivent être immédiatement extirpés, les plaies lavées et pansées. Paracelse admet les grands principes de la théorie des signatures, mais il pense que les signes essentiels sont souvent masqués et que seule une lecture subtile permettra de les découvrir : « Ce que les yeux voient dans la plante, le minerai ou l'arbre n'est pas le remède. Ils ne perçoivent que les scories ; le remède est à l'intérieur, sous les scories ». Il attribue donc une vertu curative à la nature, mais préconise sa purification par 410 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE un processus alchimique. Il s'oppose ainsi à l'habitude qui consiste à réaliser un médicament à partir d'un mélange de substances (la thériaque par exemple contient quelque 70 composants). De son point de vue, une seule substance suffit, il faut simplement la purifier. Il nomme « arcane » le remède idéal obtenu par alchimie. Pour Paracelse, l'alchimie permet donc d'obtenir la quintescence d'une substance dans le but d'en faire un médicament plus précis et plus efficace. Il utilise à cette fin un matériel spécifique : balance, creuset et alambic. Certaines conceptions de Paracelse sont d'une étonnante modernité. C'est ainsi qu'il s'insurge contre les traitements alors préconisés dans le cadre de la syphilis : d une part les traitements mercuriels (non spécifi ques) qu'il juge trop toxiques ; et d'autre part les cures à base de gaïac (plus spécifiques) qui lui apparaissent trop onéreuses pour une efficacité réduite. De même, il sera l'un des premiers à s'interroger scientifiquement sur l'étiologie des maladies mentales. L'exposition du Musée historique de Lausanne, d'une remarquable précision didactique, permit de cerner les différentes facettes uploads/Sante/ article-pharm-0035-2349-1996-num-84-311-4833.pdf

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  • Publié le Jan 20, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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