Bactéries résistantes aux antibiotiques : sauvés par les phages ? L’antibiorési

Bactéries résistantes aux antibiotiques : sauvés par les phages ? L’antibiorésistance est, selon l’OMS, le problème de santé le plus impérieux : certaines infections pourraient redevenir mortelles (la pneumonie, la salmonellose, la tuberculose…). En cause : une utilisation immodérée des antibiotiques dans le monde médical et l’agroalimentaire. Pour y remédier, les phages pourraient bien être la solution. Explications de Marie- Cécile Rey, docteur en microbiologie moléculaire. Annie Casamayou (pour Santé Corps Esprit) : La médecine se trouve actuellement complètement démunie face aux bactéries résistantes aux antibiotiques. C’est une menace grave pour la santé publique. Aujourd’hui, quelle est la situation ? Marie-Céline Ray : Plusieurs études donnent des chiffres sur l’impact de la résistance aux antibiotiques. À l’automne dernier, l’une d’elles a estimé que le nombre de morts dus à l’antibiorésistance, en Europe, s’élevait à 33 000. En France, l’institut de veille sanitaire a publié le chiffre de 12 500 décès en 2012, d’autres parlent plutôt de 4 000 à 5 000 décès. Si les chiffres varient d’une source à une autre, c’est que cela dépend de la méthodo­ logie utilisée dans les études. Mais il est certain que ces bactéries qui ne réagissent plus aux antibiotiques sont responsables de milliers de décès chaque année et les perspectives, dans les années à venir, sont plutôt pessimistes. Le taux de mortalité ne fait que croître, le nombre de germes qui deviennent résistants est en augmentation, et certaines bac­ téries sont multirésistantes, c’est-à-dire qu’elles résistent à plusieurs antibiotiques. Et sans antibiotiques pour guérir, c’est l’impasse Bactéries résistantes aux antibiotiques : sauvés par les phages ?........ 1 Retrouvez la souplesse de vos 20 ans (pour cela vitalisez votre Qi)....................4 Cette pratique réduit le risque de décès prématuré de 45 %. ........... 7 L’arbre le plus résistant du monde peut aussi sauver vos oreilles. ......... 7 « Vapoter » : une habitude très à la mode (et très nocive). ........ 7 Ce traitement en 4 temps pourrait bien venir à bout de votre arthrose (même installée). ...................8 Effet nocebo : comment les croyances parasitent votre guérison. ......................17 Pour vous soigner, vous préférez un stupéfiant ou une épice ? (les deux sont aussi efficaces)....... 20 Ne laissez pas les mycoses vous faire du pied cet été !................................ 21 Des carottes et du thé vert pour repousser le déclin cognitif........... 26 Ces deux aliments nuisent‑ils gravement à votre santé ?. ....................27 Agenda.......................................... 32 SOMMAIRE n°37 - juillet 2019 Marie-Céline Ray est docteur en microbiologie moléculaire, agrégée de sciences de la vie et de la terre. Elle est aussi jour­ naliste spécialiste des questions de santé et d’environnement et elle est l’auteure de Infections, le traitement de la dernière chance, aux éditions Thierry Souccar. 2 Bactéries résistantes aux antibiotiques : sauvés par les phages ? thérapeutique : des patients peuvent très bien mourir d’une infection qui aurait commencé de façon très banale. L’antibiorésistance est particulière­ ment préoccupante dans le cas des maladies nosocomiales. En France, désormais, on sait qu’une personne sur vingt entrant à l’hôpital déve­ loppe une maladie nosocomiale qui pourrait être causée par un germe qui résiste aux antibiotiques. A.C. : Comment les bactéries deviennent-elles résistantes ? M.-C. Ray : La principale raison, c’est le mauvais usage des antibio­ tiques. On a tous entendu cette phrase : « Les antibiotiques, c’est pas automa­ tique ». Pourtant, la consommation en France ne baisse pas en médecine de ville. Plus on utilise un antibiotique, plus les bactéries apprennent à se défendre contre lui et plus il y a de probabilités qu’elles mutent en déve­ loppant des résistances. Cela dit, il n’y a pas que la consommation humaine : dans les élevages, les antibiotiques sont aussi utilisés intensivement pour soigner les animaux malades. Donc, quand les animaux consom­ ment beaucoup d’antibiotiques, leurs bactéries peuvent évoluer et devenir résistantes. Ensuite, lorsque l’on consomme une viande mal cuite qui contient ces bactéries résistantes, il y a une transmission de l’informa­ tion à nos propres bactéries et le risque d’antibiorésistance augmente. Il y a aussi l’action de l’environnement car on a démontré récemment que certaines molécules favorisent la tolé­ rance des bactéries aux antibiotiques. C’est le cas par exemple du triclosan, un antimicrobien présent dans de très nombreux produits de consommation courante comme les cosmétiques ou les dentifrices. A.C. : Il est donc urgent de trou­ ver des solutions. L'utilisation de bactériophages est-elle une piste encourageante ? M.-C. Ray : La phagothérapie apporte une solution qui intéresse de plus en plus les chercheurs. Il s’agit d’utiliser des virus qui sont les prédateurs naturels des bactéries. Partout où il y a des bactéries, on trouve également des phages, c’est ce qui permet de créer et de maintenir l’équilibre des écosystèmes. Chaque phage est spécifique d’une espèce bactérienne, il ne peut s’attaquer qu’à une espèce précise de bactéries. Le mécanisme qu’il utilise est redou­ table : il se fixe sur sa cible et lui injecte son ADN. Il détourne ainsi la machinerie cellulaire pour produire de nouveaux petits phages. Au bout du processus, la bactérie explose en libérant des dizaines de nouveaux phages et elle est complètement détruite. A.C. : Comment ces phages ont-ils été découverts ? M.-C. Ray : Cela remonte au début du XXe siècle. On considère que Félix d’Hérelle, un chercheur de l’Institut Pasteur au parcours atypique, est l’inventeur de la phagothérapie. En 1910, il se trouvait au Mexique et il faisait des recherches pour trouver un moyen de lutter contre les invasions de sauterelles qui ravageaient la région. Il a eu l’idée de rechercher s’il existait une maladie naturelle­ ment susceptible de les tuer. C’est comme ça qu’il a réussi à trouver une bactérie capable de s’attaquer aux sauterelles. C’est là qu’il se rend compte, pour la première fois, que certaines colonies de ces bac­ téries sont détruites par un agent mystérieux. Il cherche à identi­ fier cet agent ; il a l’intuition qu’il s’agit d’un virus mais, à l’époque, sans microscope électronique, il n’était pas possible de l’observer. Il poursuit ses expériences, parvient à isoler ces virus très spéciaux. Il comprend très vite la portée médicale de cette découverte mais il lui faut du temps pour convaincre le monde scientifique. Il traite un premier pa­ tient atteint de dysenterie en 1919. Dès le lendemain du traitement par les phages, le patient va mieux. Il mène comme ça plusieurs autres expériences de guérison, contre la dysenterie mais aussi contre la peste bubonique ou le choléra. Dans les an­ nées 1920-1930, les laboratoires se mettent à produire à grande échelle des préparations de phages. Mais très vite, les antibiotiques apparaissent et s’imposent dans le traitement des infections bactériennes. Les bac­ tériophages sont délaissés à partir de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, devant les phénomènes croissants de bactériorésistance, ils suscitent un regain d’intérêt auprès des scientifiques. A.C. : Où est en la recherche actuellement ? M.-C. Ray : Depuis des décen­ nies, de nombreuses recherches sont publiées en russe ou en polonais, parce que les pays d’Europe de l’est et de l’ancienne Union soviétique ont toujours développé et utilisé la phagothérapie. Le centre mondial de référence sur la phagothérapie a été créé en 1923 en Géorgie, c’est l’Institut Eliava de Tbilissi. Il porte le nom de son fondateur, George Eliava, qui avait été un disciple et un ami de Félix d’Hérelle. 3 Bactéries résistantes aux antibiotiques : sauvés par les phages ? Cependant, les recherches effectuées là-bas ne sont pas toutes traduites en anglais et, de plus, elles ne respectent pas toujours les normes scientifiques actuelles, c’est-à-dire en confrontant les résultats obtenus avec les phages à ceux d’un groupe contrôle (sans l’utilisation de phages). Malgré tout, on peut citer quand même une étude polonaise qui a obtenu 92 % de gué­ rison chez des personnes atteintes de septicémie bactérienne et chez qui les antibiotiques étaient inefficaces. Il y a aussi une étude russe avec des enfants atteints de dysenterie, une autre sur les infections pulmonaires liées au staphylocoque doré. On dispose donc de ces recherches mais elles ne sont pas reconnues ou restent inaccessibles. On a aussi des retours de patients soignés par les phages, mais ce qui manque, aujourd’hui, ce sont des essais cliniques standardisés pour valider la méthode. Plusieurs équipes de chercheurs s’y consacrent. Aux États-Unis, suite à la guérison grâce aux phages de Tom Patterson, un professeur de psychiatrie atteint d’une infection nosocomiale multi­ résistante, l’université de San Diego a créé en 2018 un centré dédié à la phagothérapie. En janvier dernier a eu lieu un congrès de phagothérapie à Washington. En Europe, les choses bougent aussi ; à l’université de Leicester, en Angleterre, les scien­ tifiques travaillent sur des phages qui pourraient lutter contre certaines bactéries responsables d’infections nosocomiales. En France, l’équipe de Laurent Debardieux, à l’institut Pasteur, se consacre aux maladies pulmonaires. Une équipe de cher­ cheurs suisses dirigée par Grégory Resch est en train de mettre en place un projet avec des patients atteints de mucoviscidose. Les résultats de Phagoburn, le pre­ mier essai européen sur de grands brûlés, viennent d’être publiés et il faut reconnaître uploads/Sante/ bacteries-resistantes-aux-antibiotiques 2 .pdf

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  • Publié le Mai 09, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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