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______________________________________________________________________ Le trafic de faux médicaments en Afrique de l’Ouest : filières d’approvisionnement et réseaux de distribution (Nigeria, Bénin, Togo, Ghana) ______________________________________________________________________ Camille Niaufre Mai 2014 . N No ot te e d de e l l’ ’I If fr ri i Programme Afrique subsaharienne L’Ifri est, en France, le principal centre indépendant de recherche, d’information et de débat sur les grandes questions internationales. Créé en 1979 par Thierry de Montbrial, l’Ifri est une association reconnue d’utilité publique (loi de 1901). Il n’est soumis à aucune tutelle administrative, définit librement ses activités et publie régulièrement ses travaux. L’Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une démarche interdisciplinaire, décideurs politiques et experts à l’échelle internationale. Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l’Ifri s’impose comme un des rares think tanks français à se positionner au cœur même du débat européen. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur. ISBN : 978-2-36567-273-3 © Ifri – 2014 – Tous droits réservés Site Internet : Ifri.org Ifri-Bruxelles Rue Marie-Thérèse, 21 1000 – Bruxelles – BELGIQUE Tél. : +32 (0)2 238 51 10 Fax : +32 (0)2 238 51 15 Email : info.bruxelles@ifri.org Ifri 27, rue de la Procession 75740 Paris Cedex 15 – FRANCE Tél. : +33 (0)1 40 61 60 00 Fax : +33 (0)1 40 61 60 60 Email : accueil@ifri.org INTRODUCTION ................................................................................... 2 PRODUIRE ET ACHEMINER : UN ROLE PARTAGE .................................... 7 Chine et Inde : les principaux fournisseurs .......................................... 7 Exporter les faux : internationalisation de l’activité ............................ 9 LE TRAFIC EN TERRES AFRICAINES .................................................... 13 Les grands ports : accéder aux côtes africaines ............................... 13 Transits régionaux : exploiter les divergences des systèmes ......... 15 Une production africaine embryonnaire.............................................. 16 À LA VENTE : MARCHES INFORMELS… MAIS AUSSI FORMELS ............... 18 Marchés informels : répondre à une demande des populations ...... 18 Pénétration des points de vente officiels ............................................ 19 Systèmes légaux .............................................................................. 19 Infiltration des faux à tous les niveaux .............................................. 20 LES TRAFIQUANTS AFRICAINS DE FAUX MEDICAMENTS : DES RESEAUX MAFIEUX ?........................................................................................ 22 CONCLUSION : LUTTER CONTRE LES FAUX MEDICAMENTS EN AFRIQUE 24 ANNEXE I : IMPACTS SANITAIRES DES MEDICAMENTS CONTREFAITS .... 28 ANNEXE 2 : LES DIFFICULTES D’ACCES A LA SANTE EN AFRIQUE EN CARTES ........................................................................................................ 29 ANNEXE 3 : ORGANISMES IMPLIQUES DANS LA LUTTE CONTRE LES FAUX MEDICAMENTS EN AFRIQUE ET CITES DANS L’ETUDE ........................... 31 Organisations internationales .............................................................. 31 Organismes africains ............................................................................ 31 1 © Ifri Introduction Le 13 décembre 2013, sur une initiative d’Interpol1, la toute première Conférence africaine sur la criminalité pharmaceutique s’est tenue à Addis-Abeba, en Éthiopie. Sa déclaration finale affirme la volonté des 20 pays représentés de renforcer la lutte à l’égard de la contrefaçon de produits médicaux2. Cette mobilisation à l’échelle du continent est importante ; le fléau des médicaments contrefaits ou falsifiés, qui représentent selon l’Organisation mondiale de la Santé pas moins de 10 % des médicaments en circulation dans le monde3, touche particulièrement l’Afrique. Selon une étude récente compilant des résultats de 21 pays subsahariens, plus d’un tiers des médicaments collectés et analysés ne satisfaisait pas aux tests chimiques de qualité ou de conformité de l’emballage4. Les médicaments antipaludéens seraient les plus touchés. On estime à 1 million le nombre de décès annuels dans le monde dus directement ou indirectement à l’absorption de médicaments contrefaits5. La lutte contre les faux médicaments (voir définition dans l’Encadré 1) apparaît essentielle pour améliorer et protéger la santé publique dans les pays africains et préserver les progrès faits dans la lutte contre les grandes pandémies (voir annexe I). Elle est rendue difficile par la dimension internationale de ce commerce illégal. Le trafic de contrefaçons médicamenteuses est un commerce mondialisé, l’Organisation mondiale des douanes recensait en 2011 106 pays producteurs et 146 pays destinataires6. La production des 1 Pour une liste non exhaustive d’organismes impliqués dans la lutte contre les faux médicaments, consultez l’annexe 3. 2 Interpol, La déclaration d’Addis-Abeba à l’appui de la lutte contre les faux médicaments dans toute l’Afrique, Communiqué de presse, 16 décembre 2013, disponible sur : <www.interpol.int/fr/Centre-des-m%C3%A9dias/Nouvelles- et-communiqu%C3%A9s-de-presse/2013/N20131216>. 3 Cette part pourrait être revue à la hausse, les saisies étant en constante croissance. Celles de l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) ont ainsi augmenté de 300 % entre 2007 et 2009, chiffres poussées par de très importantes saisies sur la période. Voir E. Przyswa, « Contrefaçons de médicaments et organisations criminelles », Rapport d’étude, IRACM, septembre 2013. 4 G. M. L. Nayyar, J. G. Breman, P. N. Newton, J. Herrington, « Poor-quality antimalarial drugs in southeast Asia and sub-Saharan Africa », The Lancet Infection Disease***, vol. 12, juin 2012, p. 488-96. 5 Voir R. Bate, R. Nugent, « The Deadly World of Fake Drugs », Foreign Policy, n° 168, septembre-octobre 2008, p. 57-65. 6 Chiffres cités par C. Zimmerman dans l’émission de radio « Le débat africain », A. Foka, RFI, 6 février 2012. 2 © Ifri C. Niaufre / Le trafic de faux médicaments… ingrédients fallacieux, la fabrication des médicaments et de leurs emballages, l’exportation et les transits se produisent dans une multitude de pays, tout au long d’une chaîne de production et de distribution d’autant plus complexe à étudier qu’elle est souterraine. Notre analyse se concentre sur quatre pays « consom- mateurs » de médicaments falsifiés en Afrique de l’Ouest : le Nigeria, le Bénin, le Togo et le Ghana. Leur position côtière en fait des portes d’entrée et des lieux de distribution privilégiés. À titre d’exemple, le 21 août 2013, près de deux tonnes de faux médicaments sont confisqués dans le quartier de Fifadji à Cotonou, au Bénin7. Deux mois plus tôt à Lagos, Nigeria, ce sont 150 000 doses contrefaites de Postinor 2, un contraceptif d’urgence, qui sont découvertes à l’aéroport8. Dans ce même pays, les destructions massives de saisies de faux médicaments sont courantes (par exemple pour 3 milliards de Nairas [environ 14 millions d’euros] dans l’État de Kano, au nord- ouest, en 20129). Au Ghana, une étude datant de 2008 a montré que 80 % des échantillons de tablettes antipaludiques achetées dans des pharmacies de Kumasi, la deuxième ville du pays, étaient de mauvaise qualité10. Les divergences entre nos quatre pays d’étude rendent l’approche comparative particulièrement intéressante, notamment en termes de systèmes de santé, d’approvisionnement médicamenteux et de fermeté des efforts nationaux de lutte contre ces contrefaçons. En partant de ces quatre pays ouest-africains, nous avons tenté de remonter pas à pas les filières et de comprendre comment s’organisent les réseaux de production et de distribution. Quelles sont leurs techniques pour éviter les contrôles étatiques et saisies fron- alières jusqu’aux marchés locaux ? Comment, dans de nombreux cas, pénètrent-ils les filières officielles de distribution, permettant à leurs produits d’être présents à la fois sur les marchés formels et informels ? Notre article couvrira dans ses trois premières sections les conditions de production, d’export et de transit des faux médicaments 7 Actualités de l’IRACM, Bénin : saisie de faux médicaments sur un marché à Cotonou, www.iracm.com, publié le 3 septembre 2013, consulté le 28 octobre 2013, disponible sur : <www.iracm.com/2013/09/benin-saisie-de-faux-medicaments- sur-un-marche-a-Cotonou/>. 8 Actualités de l’IRACM, 150 000 doses de Postinor 2 falsifiées découvertes au Nigeria, www.iracm.com, publié le 10 septembre 2013, consulté le 28 octobre 2013, disponible sur : <www.iracm.com/2013/09/150-000-doses-de-postinor-2- falsifiees-decouvertes-au-nigeria/>. 9 Actualités de l’IRACM, Nigeria : saisie massive et destruction de faux médicaments, www.iracm.com, publiés le 2 octobre 2013, consulté le 28 octobre 2013, disponible sur : <www.iracm.com/2013/09/150-000-doses-de-postinor-2- falsifiees-decouvertes-au-nigeria/>. 10 UNICRI, 2012. 3 © Ifri C. Niaufre / Le trafic de faux médicaments… et leur entrée et distribution en Afrique sur les marchés formels et informels. Une dernière section se penchera sur la question du type de criminalité : peut-on parler de réseaux mafieux dans le cas du trafic de faux médicaments en Afrique ? Nous conclurons enfin par un court portrait des efforts faits pour lutter contre ce fléau, à l’échelle nationale comme régionale. Encadré 1 : Définir les faux médicaments Le terme de « faux médicament », bien qu’accrocheur et largement utilisé dans les médias, n’est ni précis, ni reconnu internationalement. De fait, la seule définition légale sur la scène internationale est celle, proposée par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1992, des médicaments contrefaits : « Les contrefaçons sont des médicaments délibérément et frauduleusement étiquetés pour tromper sur leur identité et/ou sur leur origine. L’utilisation de ces médicaments peut entraîner des échecs thérapeutiques, voire la mort11 ». Cette définition n’inclut donc pas les malfaçons, c’est-à-dire des médicaments dont la mauvaise qualité est due à une erreur involontaire dans le processus de fabrication, emballage, stockage ou transport. Les contrefaçons constituent en fait une autre sous-catégorie de « médicaments sous-standard », de qualité inférieure. La perte de qualité par rapport aux « véritables » médicaments y 11 « Médicaments faux/faussement étiquetés/falsifiés/contrefaits », Aide-mémoire de l’Organisation Mondiale de la Santé, n°275, mai 2012. Au niveau de l’Afrique de l’Ouest, l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) reprend la définition de l’OMS pratiquement mot pour mot, voir : <www.uemoa.int/Documents/Actes/Annexe_Dec_08_2010_CM_UEM OA.pdf>. En complément de cette définition, on uploads/Sante/ le-trafic-de-faux-medicaments-en-afrique-de-l-x27-ouest-filieres-d-x27-approvisionnement-et-reseaux-de-distribution-nigeria-benin-togo-ghana-par-camille-niaufre.pdf
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- Publié le Jui 29, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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