L’Enfant interdit verdrager_001-344.indd 1 04/02/13 08:39 Collection « Individu
L’Enfant interdit verdrager_001-344.indd 1 04/02/13 08:39 Collection « Individu et Société » Dirigée par François de Singly, la collection « Individu et société », née en 2002, procède avec méthode et dans les registres de l’étude savante comme de l’essai grand public à l’analyse de la « société d’individus » : selon une perspective inédite en sciences sociales et qui de titre en titre révèle sa perti- nence et sa richesse, elle revisite la conception et la place de l’individu et des institutions dans ce nouvel environnement. Patrick Cingolani, Le temps fractionné, 2012. Franck COCHOY, De la curiosité. L’art de la séduction marchande, 2011. Philippe CORCUFF, La Société de verre, 2002. Pascal DURET, Les Larmes de Marianne, 2004. Pascal DURET, Le Couple face au temps, 2007. Barney G. GLASER, Anselm L. STRAUSS, La Découverte de la théorie ancrée, 2010. Jacques Ion, S’engager dans une société d’individus, 2012. Jean-Claude KAUFMANN, L’Invention de soi, 2004. Jean-Claude KAUFMANN, Casseroles, amour et crises, 2005. Jean-Claude KAUFMANN, La Femme seule et le Prince Charmant, 2e éd., 2006. Jean-Claude KAUFMANN, Agacements. Les petites guerres du couple, 2007. Jean-Claude KAUFMANN, Quand Je est un autre. Pourquoi et comment ça change en nous, 2008. Jean-Claude KAUFMANN, L’Étrange histoire de l’amour heureux, 2009. Jean-Claude KAUFMANN, Sex@mour, 2010. Danilo MARTUCCELLI, Forgé par l’épreuve, 2006. Danilo MARTUCCELLI, La Société singulariste, 2010. Albert OGIEN, Les Formes sociales de la pensée. La sociologie après Wittgenstein, 2007. Manhaz SHIRALI, Entre Islam et démocratie. Parcours de jeunes Français d’aujourd’hui, 2007. François de SINGLY, Les Uns avec les autres, 2003. François de SINGLY, Les Adonaissants, 2006. François de SINGLY, Séparée, 2011. Réalisation de couverture : Rémi Balligand/Corps 8 © Armand Colin, 2013. ISBN : 978-2-200-28643-9 www.armand-colin.fr Armand Colin Éditeur • 21, rue du Montparnasse • 75006 Paris verdrager_001-344.indd 2 04/02/13 08:39 PIERRE VERDRAGER L’Enfant interdit Comment la pédophilie est devenue scandaleuse verdrager_001-344.indd 3 04/02/13 08:39 Du même auteur Le Sens critique. La réception de Nathalie Sarraute par la presse, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques Sociales », 2001. L’Homosexualité dans tous ses états, Paris, Le Seuil, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », 2007. Ce que les savants pensent de nous et pourquoi ils ont tort. Critique de Pierre Bourdieu, Paris, La Découverte, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », 2010. verdrager_001-344.indd 4 04/02/13 08:39 Préface François de Singly Écrire un livre sur la pédophilie c’est prendre le risque d’être soupçonné d’avoir un penchant pour ce type de conduite. Il y a des sujets qui vous collent, sous le regard d’autrui, en quelque sorte à la peau. Ainsi la première question posée à Muriel Darmon pendant son enquête sur l’anorexie portait sur son passé, probable, de trouble alimentaire1 ! Ce soupçon est d’autant plus grand que la sociologue ou le sociologue souhaite conserver une certaine neutra- lité en ne condamnant pas ceux et celles qui défendent de tels comportements, mais en tentant de reconstituer leurs logiques argumentatives. En préambule de L’Enfant interdit, Pierre Verdrager se sent donc contraint de pré- ciser qu’il n’est pas pédophile. Il prend un second risque, celui de susciter un mécontentement de la part de ceux qui aiment mieux l’oubli. La pédophilie heurte aujourd’hui si fort les consciences et l’opinion publique que l’on a du mal à imaginer que quelques décennies auparavant elle a pu être défendue par des gens ou des groupes respectables. Tout le monde, ou presque, a intérêt à cette occultation : les défenseurs de la cause pédophile pour se faire oublier, les contempteurs pour ne pas mêler du relativisme historique à un des grands interdits des sociétés contemporaines. 1. Muriel Darmon, Devenir anorexique, Paris, La Découverte, 2003. verdrager_001-344.indd 5 04/02/13 08:39 6 L’ENFANT INTERDIT Sur la construction sociale de la réalité Cette question du relativisme moral, associé à la construc- tion sociale de la réalité, en l’occurrence de la catégorie « pédophilie » – le premier ouvrage qui, en France, porte en titre le terme « pédophile » date de 1980, et le terme « pédophilie » de 1988 –, constitue un des intérêts du livre. Un des arguments les plus fréquemment utilisés dans les luttes symboliques prend appui sur le schéma du construc- tivisme. Cela est nettement perceptible dans les débats sur les genres et dans la pensée queer. Les différences de sexe sont interprétées selon les cultures et les époques de manière différente, elles s’inscrivent dans du genre, variable socialement. C’est la preuve, affirment les personnes qui adoptent le point de vue queer, qu’aucun trait ne dépend de la vérité biologique du sexe. Ces partisans estiment donc que le genre est, pour une très large part, une construc- tion sociale. Il est donc possible de remettre en question ces stéréotypes, ces préjugés, ces illusions naturalistes et moralisatrices. On pourrait établir une liste des usages de cet argument qui conduisent à un certain relativisme. C’est ainsi que dans La Reproduction de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, les énoncés sur « l’arbitraire » de ce qui constitue la culture scolaire a pu avoir pour effet de faire croire que la valeur de cette culture est strictement indépendante de son contenu, qu’elle reflète exclusivement un certain rapport de forces entre les classes, imposant à l’ensemble de la société la reconnaissance d’une supériorité de la culture des dominants. Dans L’Enfant interdit, Pierre Verdrager prend plaisir à montrer que, contrairement à ce que l’on croit, l’argument de la construction sociale, doublé du relativisme, n’a pas lui- même de force intrinsèque ! En effet, tentant de valoriser la pédophilie, ces promoteurs ont cherché à prouver qu’elle était appréciée à certains moments historiques, dans cer- verdrager_001-344.indd 6 04/02/13 08:39 Préface 7 taines cultures, et donc que sa condamnation est soumise à évaluation. Et par un joli retournement, Pierre Verdrager en reconstituant avec minutie les arguments, datés, de cette valorisation de la pédophilie dans les années 1960-1970, observe qu’un tel relativisme dépend de certaines condi- tions sociales et culturelles. Le relativisme, prenant appui de la construction sociale, est lui-même relatif ! Dans les débats, le relativisme ne peut donc pas l’emporter sur l’ar- gument, opposé, de la force intrinsèque de l’interdit. Dans le cas de la pédophilie, il a été battu. Cette observation, importante, permet d’esquisser les conditions sociales de réception des prises de position relativistes. La mort de l’enfance, en miroir de la mort de la famille À travers un travail d’archives impressionnant pour ana- lyser l’échec de la construction de la pédophilie « comme cause politique », Pierre Verdrager avance plusieurs expli- cations. Il cite aussi comme élément associé à cet échec la multiplication des institutions de défense de l’enfance. Plus largement, les transformations du statut de l’enfance pen- dant la période des années 1960-2000 permettent de com- prendre ce qui s’est passé sur le terrain, particulier, mais hautement significatif, de la pédophilie. L’Enfant interdit forme un chapitre complémentaire, indispensable, à l’his- toire et à la sociologie de l’enfance au xxe siècle. Dans cette perspective, je propose le schéma interprétatif suivant. Les années post-1968 correspondent à une phase pendant laquelle des intellectuels considèrent l’enfant « comme un adulte », et donc ne voient pas pourquoi il faudrait ne pas le traiter « comme un adulte ». Affirmer le contraire, notam- ment en défendant un âge élevé de « majorité sexuelle », est alors jugé répressif. C’est une preuve du maintien de la domination des parents, de l’enfance colonisée par les adultes. L’enfant a une sexualité, on le sait au moins depuis Freud, et il est temps de la libérer du joug de la morale. Il verdrager_001-344.indd 7 04/02/13 08:39 8 L’ENFANT INTERDIT peut donc l’exprimer au même titre que les adultes, sans répression. À la mort de la famille, souhaitée par David Cooper2, correspond une paradoxale « mort de l’enfant ». Les deux sont liés puisqu’il faut libérer les enfants du « goulag » familial (cité p. 49) et contribuer ainsi à l’aboli- tion de tels lieux d’enfermement de l’enfance. Considérer l’enfant comme un être petit, à protéger, est une invention par laquelle les agents répresseurs, les parents en premier lieu, s’imposent. Pierre Verdrager nomme ce mouvement « symétrisation adultes/enfants ». Cet essai d’imposition d’un traitement équivalent entre les deux groupes constitue, à ce moment-là, une version concevable et dicible pour tra- duire le changement, espéré, de statut de l’enfant qui doit mener à sa quasi-disparition. Le refus de considérer la dualité identitaire de l’enfant Contrairement à ce que souhaitaient ces promoteurs, cette version de l’équivalence entre enfant et adulte a été rejetée pendant la seconde phase, autour des années 1980 – on peut prendre comme repère la nouvelle déclaration des droits de l’enfant en 1989. Essayons d’appréhender la nouvelle version qui s’impose progressivement. Considérer l’enfant comme un adulte devient une erreur grave et dangereuse pour l’en- fant lui-même. L’enfant revient-il pour autant à la situation antérieure ? Certains auteurs, comme Aldo Naouri, le sou- haitent. Ils estiment que l’enfant n’est que petit, qu’il est donc inutile de lui expliquer les raisons de ce que les adultes lui demandent3. Cependant, c’est une autre solution qui s’est 2. David Cooper, uploads/Societe et culture/ lenfant-interdit-comment-la-pedophilie-e.pdf
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- Publié le Jan 10, 2021
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