Chateaubriand le vague des passions

Du vague des passions Il reste à parler d'un état de l'? me qui ce nous semble n'a pas encore été bien observé c'est celui qui précède le développement des passions lorsque nos facultés jeunes actives entières mais renfermées ne se sont exercées que sur elles-mêmes sans but et sans objet Plus les peuples avancent en civilisation plus cet état du vague des passions augmente car il arrive alors une chose fort triste le grand nombre d'exemples qu'on a sous les yeux la multitude de livres qui traitent de l'homme et de ses sentiments rendent habile sans expérience On est détrompé sans avoir joui il reste encore des désirs et l'on n'a plus d'illusions L'imagination est riche abondante et merveilleuse l'existence pauvre sèche et désenchantée On habite avec un c ?ur plein un monde vide et sans avoir usé de rien on est désabusé de tout L'amertume que cet état de l'? me répand sur la vie est incroyable le c ?ur se retourne et se replie en cent manières pour employer des forces qu'il sent lui être inutiles Les anciens ont peu connu cette inquiétude secrète cette aigreur des passions étou ?ées qui fermentent toutes ensemble une grande existence politique les jeux du gymnase et du Champ-de-Mars les a ?aires du Forum et de la place publique remplissaient leurs moments et ne laissaient aucune place aux ennuis du c ?ur D'une autre part ils n'étaient pas enclins aux exagérations aux espérances aux craintes sans objets à la mobilité des idées et des sentiments à la perpétuelle inconstance qui n'est qu'un dégoût constant dispositions que nous acquérons dans la société des femmes Les femmes indépendamment de la passion directe qu'elles font na? tre chez les peuples modernes in uent encore sur les autres sentiments Elles ont dans leur existence un certain abandon qu'elles font passer dans le nôtre elles rendent notre caractère d'homme moins décidé et nos passions amollies par le mélange des leurs prennent à la fois quelque chose d'incertain et de tendre En ?n les Grecs et les Romains n'étendant guère leurs regards au delà de la vie et ne soupçonnant point des plaisirs plus parfaits que ceux de ce monde n'étaient point portés comme nous aux méditations et aux désirs par le caractère de leur culte Formée pour nos misères et pour nos besoins la religion chrétienne nous o ?re sans cesse le double tableau des chagrins de la terre et des joies célestes et par ce moyen elle fait dans le c ?ur une source de maux présents et d'espérances lointaines d'o? découlent d'inépuisables rêveries Le chrétien se regarde toujours comme un voyageur qui passe ici- bas dans une vallée de larmes et qui ne se repose qu'au tombeau Le monde n'est point l'objet de ses v ?ux car il sait que l'homme vit peu de jours et que cet objet lui échapperait vite Les persécutions qu'éprouvèrent les premiers ?dèles augmentèrent en eux ce dégoût des choses de la vie L'invasion des barbares y mit le

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