1987. Lo-gsar, le Nouvel An populaire au Ladakh. L'Ethnographie, tome LXXXIII,

1987. Lo-gsar, le Nouvel An populaire au Ladakh. L'Ethnographie, tome LXXXIII, n° 100-101, p. 63-96 88 P. DOLLFUS La signification de cette longue danse qui dure plus de quatre heures, me reste confuse. Certes, il s'agit là d'un combat symbolique opposant le «seigneur blanc» au «seigneur noirn, le bon au méchant, le dieu bienfaisant /ha à l'esprit maléfique 'dre ({ha et 'dre: autres noms donnés aux protagonistes), la nouvelle année à l'ancienne ( ?) ... mais si telle est l'explication de cette joute rituelle pourquoi ne s'achève-t-elle pas par la victoire explicite du «bon seigneur» et la fuite sous les sifflements et les huées du roi déchu? D'autre part, pourquoi ces «dits-seigneurs» sont-ils appelés kha-che, terme qui pour les Ladakhi désignent les Cachemiri, et par extension l'ensemble des musul­ mans? Doivent-ils ce nom à leur seul turban? Il est vrai que les rois de la dynastie namgyal sont très souvent représentés coiffés de turbans («the male members wear turbans and look almost like Mughals», A.H. Francke). Pour les villageois, toute signification «historique» ou «religieuse» semble oubliée: ils attribuent aux acteurs de ces saynètes des noms, mais ne les chargent pas d'une histoire. Pour euix, ces danses sont avant tout un divertissement, et marquent un temps et un espace de cette période de fêtes; ils commentent le jeu des acteurs, la grâce de l'un, l'espièglerie ou la riposte de l'autre, mais non le contenu des scènes. - la danse des bouquetins Dans l'après midi, les hommes fabriquent les déguisements de bouquetin pour la danse du soir. Sur des armatures de saule, sont tendues des cotonnades impri­ mées, et des châles de soie; une tête de bouquetin empaillée est fixée à l'avant, une écharpe de cérémonie enroulée autour des cornes. Une queue faite de drapeaux de cinq couleurs est cousue à l'arrière. Les deux bouquetins sont de taille différente, le grand représente le mâle, le petit la femelle (cf photo n° 7). Les déguisements finis, les hommes essayent de les faire vivre accroupis sous l'armature. À six heures du soir, les spectateurs frigorifiés attendent, les yeux rivés sur le sommet de la butte rocheuse, d'où doivent descendre les bouquetins. En contrebas, caché derrière un rocher, le cha'Sseur est prêt. Au pied de la butte, dix femmes somptueusement paré,ös portent des pots de bière en cuivre décorés de beurre, et près d'elles, un homme tient un encensoir. Personne ne bouge. Alors, le «vieil homme» impatient, part à la recherche des bouquetins. Et soudain, ils apparaissent, descendant calmement du haut de la butte. Arrivés en bas, ils s'agenouillent devant les femmes qui leur offrent à boire, puis se relevant, ils rejoignent l'aire de danse. Tapi maintenant près de la foule, le chasseur est toujours à l'affût avec son arc. 11 porte un drôle de bonnet de laine noire surmonté d'un ornement, qui ressemble au chignon du yogin, et a le visage poudré de farine (Cf Stein, 1959: 444). Il adresse au public de nombreuses mimiques qui témoignent de son impatience et révèlent ses intentions. Enfin, les animaux arrivent gambadant, la femelle suivant le mâle; le chasseur essaie alors de les appâter en tirant de sa besace une boule de pâte; ce faisant, il asperge d'un geste désordonné (mais volontaire) les spectateurs qui rient de cette bonne plaisanterie. Mais les bouquetins fûtés déjouent le piège qui leur est tendu, et s'éloignent tranquillement, narguant le chasseur qui les suit en rampant

  • 24
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 28, 2022
  • Catégorie Administration
  • Langue French
  • Taille du fichier 5.1480MB