Commentaire d’arrêt CE, 1er juin 2015, n°380449 La construction de ce nouveau d
Commentaire d’arrêt CE, 1er juin 2015, n°380449 La construction de ce nouveau droit pénitentiaire a débuté précisément à propos d'une sanction, en l'occurrence une mise en cellule de punition (« mitard »), dont le Conseil d'Etat, renonçant à la qualification de mesure d'ordre intérieur (CE, ass., 17 déc. 1982, Caillol, req. n° 31985, Lebon 28), a admis la justiciabilité, « eu égard à la nature et à la gravité de cette mesure qui entraîne la privation de cantine et de visites et des restrictions à la correspondance autre que familiale, et peut limiter les réductions de peine accordées aux détenus ». Lien particulier avec l’administration, lien de soumission, sont-ils de véritables usagers de l’administration ? Ou juridiction judiciaire ? La doctrine pénaliste a pu dès lors soutenir, dans l'esprit de la jurisprudence Dame Fargeaud d'Epied (T . confl. 22 févr. 1960, Lebon 855), que le contentieux de la discipline carcérale devrait relever du juge judiciaire. Un détenu de la maison centrale de Clairvaux qui avait été placé en cellule disciplinaire pour vingt-cinq jours après un passage en commission de discipline. Il avait préalablement contesté cette sanction comme le prévoit les textes devant la direction interrégionale des services pénitentiaires de Dijon (recours hiérarchique) et, après rejet, saisi le tribunal administratif qui a rejeté son recours. En appel, la Cour administrative d’appel de Nancy a annulé ce jugement pour irrégularité mais, néanmoins, rejeté la demande du requérant. Question du type de recours, recours en excès de pouvoir ou en plein contentieux ? Question de l’intensité du contrôle. C’est donc en cassation que le Conseil d’Etat a annulé la sanction après avoir examiné la proportionnalité de celle-ci à la gravité de la faute reprochée. Annonce du plan I L’élargissement du contrôle normal à l’ensemble des questions posées au juge administratif A L’harmonisation du contrôle des sanctions disciplinaires envers les détenus - Le contrôle normal s’applique dorénavant à la qualification des faits et à l’adéquation de la sanction aux faits - « Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes » - Soucis de cohérence dans l’examen du juge administratif - Jusqu’à cette décision, le juge administratif exerçait un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (ou contrôle « restreint ») sur la sanction infligée au requérant. Autrement dit, le juge administratif vérifiait que la sanction infligée au détenu n’était pas manifestement disproportionnée : la disproportion devait être évidente pour que la sanction soit illégale. B Le passage au contrôle de proportionnalité de la sanction, la fin d’un régime dérogatoire - « Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que l'administration pénitentiaire, en prononçant à l'encontre du requérant la sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de vingt-cinq jours n'avait pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'il lui appartenait de rechercher si cette sanction était proportionnée à la gravité de la faute reprochée, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit » - Auparavant, jurisprudence continue d’un contrôle restreint sur la question, refus d’exercer un contrôle de proportionnalité entre la gravité des agissements reprochés au détenu et la sanction infligée par l’administration pénitentiaire, CE, 20 mai 2011, M. B, n° 326084, « il appartient à la commission de discipline de l’établissement de prononcer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, une sanction adéquate dont la nature et le quantum ne doivent pas être manifestement disproportionnés à la nature et à la gravité de la faute disciplinaire commise... » - Concernant d’autres types de sanction, déjà élargissement du contrôle, le Conseil d’Etat abandonne le contrôle de l’erreur manifeste pour passer au contrôle normal des sanctions infligées aux professionnels, CE, Sect., 22 juin 2007, ARFI, n° 272650, renforcement du contrôle pour les sanctions infligées aux écoles publiques, CE, 27 nov. 1996, Ligue islamique du Nord, n° 170207, ou à l’encontre d’un magistrat de l’ordre judiciaire, CE, 27 mai 2009, Hontang, n° 310493, ou les sanctions organisationnelles à l’égard de membres de fédérations sportives, CE, 2 mars 2010, Fédération française d'athlétisme, n° 324439, ou sanctions prononcées à l’encontre des maires, CE, 2 mars 2010, Dalongeville, n° 328843 et pour les fonctionnaires, CE, Ass., 13 novembre 2013, Dahan. II La confirmation de la compétence du juge de l’excès de pouvoir A La distinction entre le régime appliqué aux administrés et celui appliqué aux détenus - En affirmant qu’ « il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes », le Conseil d’Etat affirme une nouvelle fois que le juge administratif statue en excès de pouvoir sur les sanctions infligées aux détenus. Le refus du passage au plein contentieux bien connu. Dans les deux jugements du 25 juin 2009, le tribunal administratif de Strasbourg avait appliqué au contentieux disciplinaire pénitentiaire la jurisprudence du Conseil d’Etat Société Atom – qui procédait au contrôle normal hors champ pénitentiaire – et avaient ainsi entrepris de réformer les sanctions infligées par l’administration pénitentiaire , la Cour administrative d’appel de Nancy avait finalement annulé ces jugements en estimant que « saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre une sanction infligée par l’administration pénitentiaire à un détenu », il a commis une erreur sur l’étendue de ses pouvoirs en qu’il lui appartenait « de substituer sa décision à celle de l’administration et de se prononcer ainsi comme juge de plein contentieux », TA Strasbourg 25 juin 2009. - Ne suit pas l’évolution relative aux sanctions infligées aux administrés, ATOM, 2009. - L’évolution vers un contrôle de plein contentieux ne semble pas d’actualité au regard de l’état du débat doctrinal et de la position des rapporteurs publics. B Le juge de l’excès de pouvoir et l’exigence européenne de « pleine juridiction » - Refus du passage au plein contentieux car le Conseil d’Etat considère que l’article 6 de la Convention est inapplicable à la procédure disciplinaire pénitentiaire. - Exigence de pleine juridiction signifie examen de proportionnalité ou pouvoir de réformation de la sanction ? - Matière civile, la Cour européenne exige seulement un pouvoir d’annulation du juge ultérieur, sans exiger celui de réformation, Ortenberg c. Autriche, 20 sept. 1994, n ° 12884/87. En revanche, elle semble donner une interprétation différente à la notion de pleine juridiction en matière pénale, la plénitude de juridiction est garantie lorsque le juge dispose d’un pouvoir de réformation de la décision litigieuse, « la compétence de la Cour administrative […] doit s’apprécier en tenant compte du fait qu’en l’espèce, elle était amenée à s’exercer dans un litige de nature pénale au sens de la Convention » et que « sa compatibilité avec l’article 6 par. 1 (art. 6-1) se mesure dès lors au regard des griefs soulevés devant ladite juridiction par l’intéressé, mais aussi à la lumière des caractéristiques constitutives d’un "organe judiciaire de pleine juridiction" », « parmi celles-ci figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l’organe inférieur. En l’absence de pareille compétence dans le chef de la Cour administrative, celle-ci ne saurait passer pour un "tribunal" au sens de la Convention », Cour EDH, Schmautzer c. Autriche, 12 mai 1994. - + L’article R. 57-7-32 du code de procédure pénale prévoit un recours préalable obligatoire non-suspensif devant la direction interrégionale des services pénitentiaires, parfois, le juge administratif est saisi de la demande en annulation de la sanction lorsque la personne détenue a fini d’exécuter celle-ci. Condamnation de la France à trois reprises, pour recours ineffectif, Cour EDH, 20 janv. 2011, Payet c. France, n° 19606/08 ; Cour EDH, 3 nov. 2011, Cocaign c. France, n° 32010/07 ; Cour EDH, 10 nov. 2011, Plathey c. France, n° 48337/09. uploads/s1/ commentaire-d-x27-arret-1-juin-2015-sanctions-infligees-sur-les-detenus.pdf
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