DEMARCHES QUALITE ET PERFORMANCES DES SERVICES : QUAND L’ESPRIT VIENT AUX SERVI
DEMARCHES QUALITE ET PERFORMANCES DES SERVICES : QUAND L’ESPRIT VIENT AUX SERVICES… Muriel Jougleux Cet article montre que pour les services de masse les démarches qualité classiques consistent à articuler rationalisation industrielle des processus de production et personnalisation du service, c’est-à-dire son adaptation aux besoins du client singulier. Si ces démarches ont porté leurs fruits, l’amélioration de la qualité de service passe désormais par une meilleure prise en compte de spécificités des services dans leurs principes et leurs réalités de fonctionnement. En particulier, le développement de l’esprit de service que les entreprises appellent de leurs vœux dépend d’une réflexion sur leur stratégie, leur organisation et leur management afin de développer leurs capacités collectives à être réellement au service des clients tout en préservant leurs performances économiques et sociales. I. La qualité des services entre rationalisation industrielle et personnalisation du service Chacun d’entre nous affronte des situations de consommation de service où irritation, mécontentement, impatience traduisent la perception que nous n’obtenons pas le service que nous souhaitons et que nous pensons être en droit d’attendre. Si ces situations, caractéristiques des services de masse, créent de l’insatisfaction pour le client, elles illustrent également les questions complexes que les entreprises prestataires affrontent en matière de qualité. Deux exemples pris au sein d’un bureau de Poste soulignent la diversité de la non qualité perçue d’un service, de ses origines et conséquences. Mme X se rend peu dans le bureau de poste de sa commune. Devant expédier 15 grosses enveloppes, elle s’adresse au guichet et demande à ce qu’elles soient affranchies. Un guichetier cordial et sympathique lui répond qu’il ne prend plus en charge ce type d’opération mais que des machines à affranchir sont à sa disposition. Ces enveloppes sous le bras, elle effectue les opérations d’affranchissement, ce qui suppose de sa part, vu le volume du courrier et l’absence de place autour de la dite machine, un minimum d’organisation et de disponibilité. Bien qu’ayant surmonté sans trop de problème la tâche, elle est assez mécontente de voir qu’un guichet de poste ne semble pas en mesure d’offrir le service de base qu’est l’affranchissement du courrier dans de bonnes conditions, alors même que la fréquentation est faible et qu’il n’y a aucune file d’attente. Même si l’employé est sympathique, il ne lui a guère semblé serviable et le service d’affranchissement proposé peu pratique. L’employé n’aurait-il pas pu l’aider même si la définition de l’offre de service et le contenu de son poste de travail ne le prévoyaient pas explicitement ? Le bureau de Poste affiche pourtant des engagements de service et est certifié sur ce référentiel par Afnor Certification. Peu de temps après, Mme X se présente au bureau pour venir récupérer un colis qui n’a pu être livré en son absence. Le guichetier ne peut retrouver le colis et l’informe qu’il a été déposé, par erreur, dans un autre bureau de poste de la commune. Ce bureau vient malheureusement de fermer. La situation est embarrassante car ce colis contient des médicaments qui doivent être stockés impérativement au froid, que c’est une veille d’un long week-end et que l’erreur du facteur risque d’avoir de graves conséquences pour la cliente. A la surprise de celle-ci, spontanément, le guichetier appelle l’autre bureau et là, un salarié propose de ramener le colis car il passe devant le bureau de poste en rentrant chez lui. Ravie de récupérer ses médicaments, la cliente ne peut que se féliciter de la solution spontanément trouvée par le personnel. Provoquée initialement par une production de l’entreprise non conforme (colis déposé dans un mauvais bureau de poste), l’insatisfaction de la cliente s’est transformée en forte satisfaction grâce à une initiative d’un personnel en contact, allant à l’encontre de toute procédure de travail ou de toute consigne de l’entreprise. Que se serait-il cependant passé si le colis avait été endommagé pendant le transport ? Qu’en aurait pensé la hiérarchie ? Ces deux exemples révèlent les tensions auxquelles doivent faire face les entreprises de services en matière de management de la qualité, notamment dans les services de masse, relativement standardisés et produits à grande échelle sur le territoire. Bien que réticentes à développer des « pratiques qualité » initiées dans les grandes entreprises industrielles1, les grandes organisations françaises de services ont mis en place d’importantes démarches qualité à partir de la fin des années 1990, que cela soient des certifications ISO 9001, des certifications de service ou encore des démarches EFQM2. Dans certains secteurs, les PME ont de leur côté adopté des certifications de service développées de manière ad hoc pour une 1 Il faudra par exemple attendre la version 2000 de la norme ISO 9000 et l’apparition explicite de la satisfaction client comme objectif de la démarche dans le référentiel, pour que cette certification se développe dans les grandes entreprises de service et les services publics. 2 European Foundation for Quality Management profession ou une activité particulière, comme c’est le cas pour l’activité de déménagement, les séjours linguistiques ou les services des huissiers de justice. Pour autant après 15 ans de développement des systèmes de management de la qualité et malgré des progrès indéniables sur certains aspects, notamment en back offices, le constat reste sévère en France et la satisfaction des clients mitigée, tant dans les grandes entreprises que dans les PME de service ou les services publics. Les organisations elles-mêmes soulignent les difficultés de mise en œuvre des démarches et leur insuffisance sur certains aspects de la satisfaction client, comme la qualité de la relation ou la personnalisation du service. De son côté, la recherche s’est essentiellement développée dans le champ du marketing pour comprendre les attentes des clients et les antécédents de la qualité perçue et de la satisfaction. Pour autant, peu de travaux posent clairement la question des conditions de la qualité dans les services et des performances des démarches qualité. Des critiques des approches ISO 9000 ou de manière plus large des certifications d’entreprise, ont été cependant conduites, notamment en sociologie du travail ou en gestion des ressources humaines. La majorité d’entre elles a souligné la place centrale de l’interaction dans l’adaptation du service à la singularité du client et donc dans la qualité perçue et la difficulté des démarches qualité à en rendre compte. Nous souhaitons montrer dans ce chapitre que les caractéristiques des services et de leur production amènent à construire une démarche qualité articulant et conciliant rationalisation industrielle des back et front offices et personnalisation du service, c’est-à-dire son adaptation aux besoins du client singulier. Si les démarches qualité usuelles se révèlent être une condition nécessaire de la satisfaction du client contribuant d’une part, à clarifier et améliorer l’offre de services et d’autre part, à maîtriser des processus, elles doivent aujourd’hui évoluer et intégrer davantage les spécificités des services dans leurs principes et leurs réalités de fonctionnement. Bref, comment aujourd’hui redonner un supplément d’âme à des activités de services standardisées et rationalisées sans remettre en cause la pérennité des organisations ? II. Un cadre théorique de la qualité des services peu distinct de celui de la qualité des biens matériels Le management de la qualité désigne l'ensemble des actions mises en œuvre par une organisation afin d'améliorer la qualité de ses produits, celle-ci étant entendue comme «l’ensemble des caractéristiques d’un produit qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites »3. Les travaux sur la qualité d’un service, développés notamment dans le champ du marketing, s’intéressent essentiellement à la qualité du service perçue par le client (Nguyen, 1991 ; Perron, 1998 ; Dubois et alii 1999 ; Sabadie, 2003 ; Chumpitaz et Swaen, 2004). Celle-ci renvoie au jugement porté par ce client sur le service et elle s’inscrit ainsi dans un processus de confirmation/infirmation des attentes. La qualité perçue par le client est ainsi une évaluation globale du service qui résulte de la comparaison entre d'une part, les attentes du client concernant les performances du service en général et l’évaluation de ces performances pour un service particulier, élaboré par une entreprise donnée (Gronroös, 1984 ; Berry, Parasuraman et Zeithaml, 1985). La notion de qualité perçue est ainsi très proche de la satisfaction, même si certains auteurs différencient ces deux concepts (Berry, Parasuraman, Zeithaml 1990 ; Oliver 1980, 1993), la satisfaction étant plutôt associée à une expérience de service particulière. S’intéresser à la qualité du service perçue par le client suppose d’identifier les critères qu’il mobilise dans l’évaluation du service qui lui est proposé. Sur ce point, les recherches en marketing travaillent essentiellement sur deux axes. Une partie des travaux identifie les domaines d’évaluation de la qualité par le client (Holmund, 2001). Ils comprennent essentiellement le résultat, la prestation de service (y compris l’interaction), (Gronröos, 1984 ; Gummesson, 1993) et l’environnement du service (Rust et Oliver, 1994 ; Brady et Cronin, 2001). Un autre ensemble de travaux, notamment d’origine américaine, porte davantage sur l’identification des dimensions de la qualité qui précisent les attributs attendus par les clients dans le service concerné (Albrecht et Zemke, 1985 ; Berry et alii, 1985 ; Johnston, 1995). Les dix dimensions initialement uploads/s1/ demarches-qualite-et-performances-des-services-pdf.pdf
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- Publié le Fev 19, 2021
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