Histoire des sciences et des savoirs dans la même série Histoire des sciences e

Histoire des sciences et des savoirs dans la même série Histoire des sciences et des savoirs sous la direction de Dominique Pestre tome 1 De la Renaissance aux Lumières sous la direction de Stéphane Van Damme tome 2 Modernité et globalisation sous la direction de Kapil Raj et Otto Sibum tome 3 Le siècle des technosciences sous la direction de Christophe Bonneuil et Dominique Pestre Sous la direction de Dominique Pestre Histoire des sciences et des savoirs 3. Le siècle des technosciences (depuis 1914) Sous la direction de Christophe Bonneuil et Dominique Pestre M. Armatte, C. Bigg, C. Bonneuil, S. Boudia, C. Cao, A. Dahan, D. Edgerton, P.N. Edwards, S. Franklin, D. Gardey, J.-P. Gaudillière, N. Jas, C. Lécuyer, J.-M. Lévy-Leblond, V. Lipphardt, Y. Mahrane, T. Mitchell, L. Nash, D. Pestre, A. Rasmussen, J. Revel, S. Schweber, S. Shapin, T. Shenk, S. Visvanathan Traductions de l’anglais Clara Breteau et Cyril Le Roy ÉDITIONS DU SEUIL 25, bd Romain-Rolland, Paris XIVe isbn 978-2-02-129813-0 © Éditions du Seuil, octobre 2015 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L.355-2 et suivants du Code de propriété intellectuelle. www.seuil.com Introduction au tome 3 Le siècle des technosciences (depuis 1914) C h r i s t o p h e B o n n e u i l e t D o m i n i q u e P e s t r e Si le xixe siècle fut celui de l’invention de la science comme autorité épistémique et politique reposant sur les sciences données comme sources des progrès techniques et industriels, le siècle qui commence avec la Première Guerre mondiale est celui de la pénétration des savoirs scien- tifiques et de leurs imaginaires dans tous les aspects de la vie sociale, économique et culturelle. Du pouvoir de l’atome au consumérisme high-tech, de la scientifisation de la guerre à la molécularisation de la médecine ou de l’agriculture, de l’affirmation des sciences économiques et sociales au monitoring scientifique du réchauffement climatique, rares sont les fragments de notre réalité qui n’ont pas été transformés par les sciences, les techniques et les savoirs contemporains. Ce volume explore donc le déploiement des sciences et des techniques dans tous les milieux, académiques, industriels et militaires, dans les appareils d’État et les organisations internationales, dans le management de l’économie et la gestion des dégâts du progrès – mais encore la masse des savoirs produits dans le corps social, les think tanks et les ONG. Sont aussi au cœur de ce volume les manières de produire ces connaissances, les espaces dans lesquels elles voient le jour, ce qui fait qu’elles prennent la forme qu’elles ont ; mais encore les cités de justice et ontologies qu’elles promeuvent, les outils et dispositifs qu’elles engendrent, les impacts qu’elles ont sur les milieux et les populations. Le but est de voir large, de dire ces savoirs en situation, de signaler les tendances lourdes, de repérer les arrangements nouveaux qui surgissent ; mais encore l’articu- lation du systémique et de l’inattendu, le travail institutionnel pérenne et le surgissement « par le bas » – les logiques argumentatives comme les rapports de force. Faire ce travail requiert de procéder de multiples façons, de varier les angles d’approche, les échelles, les catégories, les cadres méthodolo- giques et ontologiques. La première partie de ce volume part des grands 10 christophe bonneuil et dominique pestre champs d’activité sociale, de l’État et du politique, des militaires et de la vie industrielle, des idéologies sociales, des promesses et des affaires, et de leurs relations aux sciences et savoirs. Elle considère les images des sciences et des scientifiques, leur promotion comme leurs conséquences. Elle décrit la transformation des formes de vie des populations induite par le développement technoscientifique comme les formes de connais- sance qui en surgissent. Elle s’attache à la critique, aux formes alternatives de savoir, à la place de la « société civile ». Elle prend à bras-le-corps les régulations, leurs outils, leurs logiques et renversements. La deuxième partie considère les sciences elles-mêmes, ce qu’elles disent et font, la manière dont elles pensent et produisent le monde – plus exactement elle donne une idée de leur variété et de quelques-unes de celles qui ont pesé depuis 1914 : les sciences physiques alors dites « fonda- mentales » et qui enracinent les discours épistémiques de l’essentiel du xxe siècle ; la longue durée des sciences technobiologiques et du gène ; le déploiement des savoirs sur l’environnement, de la conservation de la nature aux services écosystémiques. Mais encore la modélisation et les simula- tions qui transforment la pratique des sciences depuis les années 1920 ; la montée en puissance d’une science économique s’autonomisant et devenant outil de gouvernement ; la maturation des sciences sociales, leur diversi- fication et leurs variations épistémiques et géographiques – mais encore, puisque le siècle l’imposait, la compréhension de la « diversité humaine » et des races par des sciences prises dans les rets des idéologies sociales. Notre dernier angle d’approche, dans ce volume, consiste à regarder les savoirs, outils et dispositifs de gouvernement – puisque le savoir n’a cessé de s’affirmer comme l’une des formes premières de légitimité de l’action au cours du siècle. À considérer la gestion des corps, notamment du corps féminin, objet par excellence des sciences médicales et comportemen- tales dans ces années – et fantastique lunette pour saisir les changements qui traversent le siècle. À décrire le management de l’« innovation », et notamment à penser son lien à la propriété et aux volontés écono- miques des États. À dire les cadres épistémiques et les outils mis en place pour gouverner les conséquences sanitaires et environnementales du développement technique. À présenter comment la Terre est devenue objet de science et de politique, les dispositifs d’information, de collecte et de calibration qu’il a fallu mettre en place, à l’origine dans un cadre militaire, pour surveiller et gouverner ce « système Terre ». Et finalement à regarder ce qu’a signifié le « développement », en considérant les débats et critiques qui ont entouré la mise en place de l’État développementa- liste en Inde, et les mutations récentes, technoscientifiques, industrielles et économiques de la Chine. le siècle des technosciences 11 Les grands traits du siècle Nous commencerons ce volume par une série de propositions sur les sciences et savoirs en tant qu’ils sont liés aux enjeux sociopolitiques et économiques de la période. La première est que le xxe siècle est le siècle des guerres – une propo- sition banale mais essentielle pour qui veut parler des sciences. Ce siècle est le moment des guerres totales et de la brutalisation systématique des populations (même si cela est pratiqué avant 1914 dans le monde colonial), le temps des guerres asymétriques et des guerres de libération nationale, de la guerre technoscientifique qu’est la guerre froide – et les sciences y ont solidement contribué via les techniques matérielles (des gaz de combat aux drones), l’optimisation des usages (la recherche opéra- tionnelle), l’anthropologie et les sciences médicales. En retour, elles ont dû s’hybrider, elles en sont sorties recomposées, réinventées : la science des matériaux dérive ainsi, dans les États-Unis de la fin des années 1950, des besoins de la défense. La guerre de 1914 est certes une guerre de production, mais les nouveautés techniques (l’avion, le sous-marin) et scientifiques (le réglage du tir à longue distance) ne sont pas sans importance. Avec le radar, les missiles et l’informatique, mais encore l’analyse des systèmes et la recherche et développement (R & D), la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide rendent le phénomène irréversible. Les décennies de guerre froide puis celle de l’après-11 septembre 2001 ont sécrété une culture de guerre généralisée façonnée par l’urgence, qui a transformé l’être même des sociétés et des sciences. Matériellement et conceptuellement, ces dernières soutiennent dorénavant une politique de la sécurité et de la guerre perma- nente. Si les guerres ne se gagnent pas simplement par la science, mais sur le terrain, via le fantassin ou le partisan, et si la barbarie du siècle n’a pas nécessairement besoin du raffinement des technologies – la kalach- nikov peut suffire –, il n’en reste pas moins que, de l’atome à l’espace et à l’environnement, cette omniprésence de la guerre marque profondément les pratiques d’investigation et les formes de régulation des sciences, des techniques et des savoirs sur l’ensemble de la période. Ce siècle est aussi, deuxième thèse, celui des États-nations, d’États qui passent au centre de toute vie. Depuis la Première Guerre mondiale, les États sont dotés, grâce à l’impôt, de moyens inconnus du xixe siècle. Ils anticipent les besoins et instruisent le développement économique. Ils le font à l’Est et dans les États totalitaires, mais aussi au Japon et dans la Turquie d’Atatürk, aux États-Unis sous Roosevelt comme dans les pays 12 christophe bonneuil et dominique uploads/s1/ histoire-des-sciences-et-des-savoirs-tome-3-le-siecle-des-technosciences-pdfdrive-pdf.pdf

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  • Publié le Nov 17, 2021
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