1 UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE ÉCOLE DOCTORALE V Laboratoire de recherche IReMus T

1 UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE ÉCOLE DOCTORALE V Laboratoire de recherche IReMus T H È S E pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Discipline : Musicologie Présentée et soutenue par : Virginie DEJOS le : 06 Octobre 2014 Analyse et interprétation des six dernières sonates pour piano d’Alexandre Scriabine Sous la direction de : Mme. Danielle COHEN-LEVINAS – Professeur, Université Paris 4 – Sorbonne. Membres du jury : M. Jean Marc CHOUVEL – Professeur, Université de Reims Mme. Danièle COHN – Professeur, Université Paris 1 – Sorbonne M. André LISCHKE – Professeur, Université d’Evry M. Bernard SEVE – Professeur, Université Lille 3 M. Bernard VOUILLOUX – Professeur, Université Paris 4 - Sorbonne 2 Analyse et interprétation des six dernières sonates pour piano d’Alexandre Scriabine 3 Remerciements Je remercie en tout premier lieu ma directrice de recherche, Danielle Cohen-Levinas. Je tiens à lui exprimer ici très sincèrement toute ma gratitude pour sa constante attention, ses conseils et la richesse des échanges pendant toute la durée de ce travail. Je remercie ensuite tous ceux qui ont contribué et se sont intéressés à cette thèse. Tout d’abord Anne-Lise Benard, pour sa relecture attentive et ses précieux conseils, le pianiste Gérard-Marie Fallour, pour m’avoir mis en relation avec Jacques Michaut Paterno, spécialiste de la littérature symboliste et de la poésie russe, à qui je dois la traduction des poèmes de Viatcheslav Ivanov. Je remercie également mes collègues pianistes de la Schola Cantorum : Marina Primatchenko pour m’avoir communiqué un article sur l’interprétation de Scriabine et Anna Tcherkassakaïa pour avoir passé plusieurs soirées après ses cours à traduire des articles rédigés en russe. Cette thèse est le résultat de recherches menées ces cinq dernières années mais aussi des années d’apprentissage de la musique. Je tiens à remercier Anne-Marie Quinque, professeur au conservatoire de Bordeaux, qui m’a appris à jouer du piano, mais aussi transmis dès l’enfance le regard sur la musique d’une musicienne complète, pianiste, organiste et compositrice. Je dois également citer la pianiste Muza Rubackyte auprès de qui je me suis perfectionnée et qui m’a mis entre les mains la Valse opus 38 de Scriabine. Mes études musicales se sont poursuivies au conservatoire royal de Bruxelles dans la classe de Evgeny Mogilevski, musicien génial, élève de Heinrich Neuhaus, qui transmettait à ses élèves la tradition russe ainsi que ses interprétations toujours très inspirées du répertoire. Je n’oublie pas Olga Roumchevitch et Alexander Mogilevski ainsi qu’Alexander Madzar. Je remercie aussi la pianiste Elisabeth Leonskaja avec qui j’ai travaillé les dernières sonates de Scriabine lors de deux sessions passionnantes de masterclasses en Allemagne. Au cours de ces cinq années de thèse, deux rencontres déterminantes auront profondément modifié mon approche de la musique. Les rencontres avec le chef d’orchestre Dominique Rouits avec qui j’ai étudié la direction d’orchestre et avec Nadine Denize, mezzo- soprano, auprès de qui j’ai le bonheur de travailler en tant que pianiste depuis deux ans. Leur expérience a nourri mes réflexions sur l’interprétation. Je remercie également mes parents pour leur soutien pendant la durée de ce travail. 4 Introduction L’intitulé de cette thèse : Analyse et interprétation des six dernières sonates pour piano d’Alexandre Scriabine, pose une interrogation fondamentale à la croisée d’une méthode d’investigation - l’analyse - et d’une pratique, jouer l’œuvre. L’analyse musicale consiste à comprendre l’œuvre, la dé-composer, revivre le travail du compositeur, et l’interprétation implique d’avoir, dans un moment donné, une spontanéité face à cette œuvre. Le travail du musicologue qui analyse l’œuvre et la resitue dans les enjeux de son temps, dans le contexte de pensée ou en relation avec l’évolution des savoirs techniques, a été souvent dissocié de celui de l’interprète, supposé avoir dans sa relation à l’œuvre une immédiateté acquise à force de fréquentation du répertoire, d’heures de pratique et d’assimilation inconsciente de traditions d’interprétations. Cette thèse propose d’aborder la question essentielle du style et plus précisément de la spécificité de la forme sonate chez Scriabine en suivant le travail de l’interprète. Jouer une œuvre suppose d’en restituer tous les paramètres dans un moment donné alors que l’analyse souvent les dissocie. Le mot interprétation a été entendu comme l’exigence de considérer l’œuvre dans tous ses paramètres, ce qui s’applique particulièrement bien au répertoire étudié. Le choix s’est porté sur les six dernières sonates en ce qu’elles constituent un ensemble homogène par leur forme en un seul mouvement et sont représentatives de l’évolution du style de Scriabine. Leur composition s’étend de 1907 à 1913. Autour de l’année 1910, des œuvres majeures, nouvelles sur le plan du langage sont composées. Largement étudiées sur le plan des bouleversements harmoniques et structurels, ces œuvres requièrent cependant une analyse globale pour échapper à l’appauvrissement du regard porté sur l’œuvre où mène une analyse se limitant à étudier les rapports structurels et harmoniques. La notion de forme, comprise comme forme dynamique, sera le sujet fondamental de la thèse. La progression dans la forme sonate chez Scriabine se traduit sur tous les paramètres de l’écriture, et non plus seulement sur le plan structurel ou harmonique, sur la relation tonique/dominante ou tension/détente. Le plan suit le dévoilement qui s’opère lorsque le musicien apprend une partition. Ce dévoilement, souvent inconsciemment, fait appel à des processus de reconnaissance hérités de la fréquentation du répertoire - le musicien, particulièrement en situation de déchiffrage, voit l’œuvre comme une suite de signes déjà connus - puis se poursuit par un questionnement sur le style, qui rejoint les travaux historiques des musicologues, et par l’analyse (notamment dans les œuvres longues où le travail de mémorisation et d’interprétation est, à mon avis, indissociable d’une reconstruction mentale de la forme). Enfin, la partie la plus importante du 5 travail d’interprète, qui ne saurait être qu’artificielle sans l’élucidation des autres, le travail instrumental et d’interprétation évoque les paramètres de technique instrumentale, de construction de l’œuvre dans le temps (tempi, rubato, rythme) et de travail sur le son (nuance, couleur, phrasé). Si le premier de ces paramètres, la technique instrumentale, a été abondamment traitée par les musicologues, les deux autres ont été laissés, pour la question difficile du temps, aux philosophes, et pour le timbre, aux compositeurs et aux physiciens. Ces deux paramètres demanderaient de nouveaux modèles d’analyse, extrêmement difficiles à conceptualiser dès lors qu’il ne s’agit plus de rendre compte de l’écoulement du temps ou du timbre en-soi, ce que font les analyses d’interprétations en modélisant les changements de tempi, et l’agogique, mais bien de la perception du temps et du timbre, ce que seuls pourront réaliser des travaux menés conjointement par des musiciens, des phénoménologues, et des chercheurs en sciences cognitives.1 Les études menées sur la musique de Scriabine sont relativement peu nombreuses en France et se limitent presque exclusivement à la thèse de Manfred Kelkel, Alexandre Scriabine, Sa vie, l'ésotérisme et le langage musical dans son œuvre, qui a effectué un travail complet de biographie et d’analyse.2 Ce travail daté de 1979, très marqué par les analyses de Messiaen, se rapproche parfois des analyses rythmiques de Pierre Boulez qui radicalisent les conceptions de Messiaen. Les analyses rythmiques et formelles de Manfred Kelkel seront discutées en partant d’une approche moins marquée par la nécessité absolue de rendre cohérents tous les paramètres du matériau musical comme dérivant d’une seule idée, qui porte la marque des préoccupations des compositeurs dans les années 1970.3 Les témoignages directs de Boris de Schloezer et de Marina Scriabine, beau – frère et fille du compositeur, tous deux chercheurs et musicologues, ont été précieux pour comprendre la pensée du compositeur. Marina Scriabine a traduit et publié en français les carnets de notes de Scriabine sous le titre Notes et réflexions.4 Boris de Schloezer a écrit un ouvrage à partir de ses souvenirs personnels et de ses discussions avec le compositeur.5 Parmi les témoignages directs, il faut citer les souvenirs de Leonid Sabaneev non encore traduits du russe, et les cinq articles du penseur et poète symboliste Viatcheslav Ivanov publiés après la mort de Scriabine 1 Voir travaux réalisés spécifiquement sur la musique par David Lewin. Le laboratoire Brahms à Montréal mène des expériences sur les musiciens « en action » et non pas sur la perception de la musique. Les expériences réalisées ne prennent pas suffisamment compte, à mon avis, de la complexité des phénomènes de perception tels qu’ils ont été analysés par des philosophes comme Husserl ou Merleau-Ponty. 2 Manfred Kelkel, Alexandre Scriabine, Sa vie, l'ésotérisme et le langage musical dans son œuvre, éd. Librairie Honoré Champion, Paris 1984. 3 Les analyses de Manfred Kelkel montrent une organisation symétrique dans les œuvres de Scriabine. Il la justifie par l’intérêt de Scriabine pour les théories ésotériques. 4Alexandre Scriabine, Notes et réflexions, carnets inédits, traduction et présentation de Marina Scriabina, éd. Klincksieck, Paris, 1979. 5 Boris De Schloezer, Alexandre Scriabine, préface de Marina Scriabina, éd. Librairie des cinq continents, Paris, 1975. 6 entre 1915 et 1920. Ces cinq articles sont Les vues de Scriabine sur l’art (1915), Le national et l’universel dans la création de Scriabine (1916), Scriabine et l’esprit de la révolution (1917), Scriabine (1919), Un discours à uploads/s3/ analyse-et-interpretation-des-six-dernieres-sonates-pour-piano-d-x27-alexandre-scriabine-pdf.pdf

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