IANNIS XENAKIS TROIS COMPOSANTES DE L’UNIVERS XENAKIEN Makis Solomos To cite th

IANNIS XENAKIS TROIS COMPOSANTES DE L’UNIVERS XENAKIEN Makis Solomos To cite this version: Makis Solomos. IANNIS XENAKIS TROIS COMPOSANTES DE L’UNIVERS XENAKIEN. Nicolas Donin; Laurent Feneyrou. Th´ eories de la composition musicale au XXe si` ecle, volume 2, Sym´ etrie, p. 1057-1080, 2013. <hal-01202900> HAL Id: hal-01202900 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01202900 Submitted on 21 Sep 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. IANNIS XENAKIS TROIS COMPOSANTES DE L’UNIVERS XENAKIEN (publié sous le titre : « Iannis Xenakis », in Théories de la composition musicale au XXe siècle, direction scientifique de Nicolas Donin et Laurent Feneyrou, Symétrie, 2013, p. 1057-1080.) Makis Solomos Abstract Cet article conséquent sur Xenakis, rédigé pour une encyclopédie ambitieuse de la musique du XXe siècle, met en avant la pluralité de son univers, en distinguant trois de ses composantes : 1. Une approche globale. Partant du concept de « masse », avec lequel Xenakis se démarqua du sérialisme, l’article énumère les divers aspects de cette approche : la composition avec des graphiques, l’idée de « nuages » de sons, l’espace, la transformation continue (processus). Puis, il définit l’approche globale comme composition de sonorités. 2. La relation théorie pratique. L’article analyse les divers sens du concept xenakien de « formalisation » : la tentative d’un alliage arts/sciences, l’axiomatisation, l’idée de mécanisme ainsi que l’emploi de mathématiques. Il examine ensuite la relation entre théorie et pratique, mettant en avant le fait que peu d’œuvres ont été composées à l’aide de théories, qu’il y a toujours des écarts entre théorie et pratique, que Xenakis réutilise ses matériaux et calculs, tout ceci afin de redéfinir la notion de théorie sans l’opposer, désormais, à la pratique. 3. La dernière composante rend compte de l’effet quasi immédiat de la musique de Xenakis : l’article traite notamment de son caractère dionysiaque et de ses aspects gestuels. Depuis que Xenakis a rejoint le panthéon des quelques créateurs qui ont forgé le visage de la musique d’avant-garde de l’après 1945, la musicologie qui lui est dédiée s’est donnée pour tâche de mettre à jour l’extraordinaire diversité de son activité. Le foisonnement quelque peu anarchique des études xenakiennes va des recherches sur la genèse complexe de son univers musical à l’interprétation du style austère de ses dernières œuvres, du discours sur ses « théories » à la mise en évidence d’une pratique largement indépendante de celles-ci, de l’analyse renouvelée de l’outil probabiliste à la focalisation sur les cribles, de l’exploration de son travail sur l’espace à l’étude de ses recherches morphodynamiques, etc., sans même mentionner les études spécifiques portant sur les liens avec l’architecture ou sur les polytopes1. Cependant, les analystes, historiens et esthéticiens qui mènent ces études spécialisées sont d’accords pour estimer que l’hétérogénéité de leurs enquêtes ne remet pas en cause l’unité de l’univers xenakien. Simplement, celle-ci ne peut plus être énoncée sur la base d’un récit unique, à la manière, par exemple, de l’épopée particulière que présente Musiques formelles et, surtout, la seconde édition de Formalized Music2 : il y a bien plusieurs composantes différentes dont la juxtaposition ou la convergence produisent cette unité. 1 Cf. ma bibliographie commentée des travaux sur Xenakis (ainsi que de ses écrits), in Makis Solomos (éd.), Présences de/ Presences of Iannis Xenakis, Paris, CDMC, 2001, p. 231-265 (disponible également, avec mise à jour régulière, sur internet in www.iannis-xenakis.org). 2 Cf. : Musiques formelles = Revue Musicale n°253-254, 1963 (réédition : Paris, Stock, 1981) ; Formalized Music, traduction Christopher Butchers, G. H. Hopkins, John Challifour, Bloomington, University Press, 1971 (nouvelle édition, augmentée et traduite par Sharon Kanach : Stuyvesant (New York), Pendragon Press, 1992). Formalized Music reprend Musiques formelles, en y incluant certains chapitres de Musique. Architecture (Tournai, Casterman, 1971 —nouvelle édition, augmentée : Tournai, Casterman, 1976) ainsi que des articles 2 Dans ce qui suit, j’ai choisi de privilégier trois de ces composantes, auxquelles un certain nombre d’autres peuvent parfois être rapportées. La première se caractérise par une approche globale et se présente, à un niveau immédiat, comme approche globale du phénomène sonore, et, à un niveau plus général, comme méthode mise en œuvre dans plusieurs aspects de l’activité compositionnelle. La seconde tient du constructivisme particulier qu’a déployé Xenakis autour de la question délicate soulevée par l’idée de « formalisation » de la musique, et pose le problème de la relation entre « théorie » et « pratique ». Quant à la troisième, elle définit un niveau de la musique de Xenakis qui rend compte de son effet quasi immédiat. UNE APPROCHE GLOBALE DU SON L’approche globale Toute la démarche de Xenakis est caractérisée par une approche globale. Par exemple, sa conception de la forme, totalement constructiviste, consiste en un tout que l’on compose en emboîtant des sections. Citons encore l’usage fréquent de graphiques pour composer. Ce type d’approche est particulièrement flagrant dans sa conception de la texture musicale. Ainsi, il introduisit au sein de l’avant-garde musicale du début des années 1950, qui était caractérisée par une décomposition paramétrique du phénomène sonore, une approche globale du phénomène sonore. Cette approche est exposée dans son article historique « La crise de la musique sérielle » (1955) où, se référant à la musique sérielle de l’époque, il écrit ce paragraphe très souvent cité : « La polyphonie linéaire se détruit d’elle-même par sa complexité actuelle. Ce qu’on entend n’est en réalité qu’amas de notes à des registres variés. La complexité énorme empêche l’audition de suivre l’enchevêtrement des lignes et a comme effet macroscopique une dispersion irraisonnée et fortuite des sons sur toute l’étendue du spectre sonore. Il y a par conséquent contradiction entre le système polyphonique linéaire et le résultat entendu qui est surface, masse »3. Les défenseurs du sérialisme ont surtout vu dans cet écrit la marque d’une certaine méconnaissance de la nature véritable du sérialisme : le sérialisme de l’époque (et même auparavant, chez Webern), dépassant la polyphonie d’un Schönberg, s’était déjà orienté vers une abolition de l’opposition entre la polyphonie et l’harmonie, en instaurant un espace global que l’on a qualifié « d’oblique ». Cependant, dans le texte de Xenakis, l’essentiel n’est pas sa critique du sérialisme en tant que telle : celle-ci n’est qu’un tremplin pour exposer la nouvelle conception de la texture musicale comme « surface, masse ». Cette conception inscrit partiellement Xenakis dans l’héritage varésien. On trouve déjà chez Varèse la critique de la « polyphonie [contrepoint] linéaire » —une expression qui remonte sans doute à Ernst Kurth— ainsi que l’idée d’une musique conçue en termes de ultérieurs. Face à l’édition de 1992 de Formalized Music, le lecteur ne peut limiter l’itinéraire de Xenakis qu’à une succession de « formalisations ». 3 « La crise de la musique sérielle » (1955), repris in Kéleütha, Paris, L’Arche, 1994, p. 41-42. 3 « masses »4. Cependant, chez lui, la notion de masse est peut-être moins importante que l’idée de « volume » et de « projection de plans »5. La critique de la « polyphonie linéaire » y est surtout une critique de la linéarité : Varèse rêve d’un nouveau type de polyphonie, superposant des volumes au lieu de lignes, conçu en termes géométriques. Par contre, chez Xenakis, c’est la polyphonie même qui est totalement remise en question : la texture musicale est désormais conçue comme une intégration totale des sons qui la composent, d’où l’importance du mot « masse » —bien entendu, cela n’a pas empêché Xenakis de renouer avec la polyphonie comme superposition de masses, mais le terme « polyphonie » est alors déplacé et il vaut mieux parler simplement de « superposition ». Les divers aspects de l’approche globale De Metastaseis (1953-54, orchestre) à 0-Mega (1997, percussion et ensemble instrumental), sa dernière œuvre, Xenakis a déployé cette approche globale du phénomène sonore de multiples façons. Je voudrais illustrer cette extraordinaire variété en prenant sept exemples analytiques, choisis de telle manière que plusieurs questions liées à cette approche soient soulevées. Ces exemples, qui seront traités par ordre chronologique afin que le lecteur puisse également avoir un aperçu de l’évolution de Xenakis, portent sur Metastaseis, Pithoprakta (1955-56, orchestre à cordes, trombones et percussions), Terretektorh (1965-66, orchestre), Nuits (1967-68, ensemble vocal), Mikka (1971, violon), Jonchaies (1977, orchestre), Horos (1986, orchestre). Le début et la fin de Metastaseis permettent de mettre en relation la notion de masse avec l’une des méthodes de travail préférée de Xenakis ainsi que l’une de ses sonorités caractéristiques. La méthode de travail en question explique en quoi l’approche globale découle de l’appréhension de l’espace (géométrique) comme outil opératoire et peut également être appréhendée comme recherche morphodynamique6 : il s’agit du dessin uploads/s3/ iannis-xenakis.pdf

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