Jean-Luc Marion Courbet ou la peinture à l’œil Flammarion Maison d’édition : éd
Jean-Luc Marion Courbet ou la peinture à l’œil Flammarion Maison d’édition : éditions FLAMMARION Les références à l’ouvrage fondamental de Petra Ten-Doesschate Chu (éd.), Correspondance de Courbet, Paris, Flammarion, 1996 (d’abord en anglais, Letters of Gustave Courbet, Chicago, 1992) sont annoncées, à la suite de la date de la lettre, par l’abréviation Corr. suivie de la page. Par souci de commodité, plutôt que celui de Robert Fernier, La Vie et l’Œuvre de Gustave Courbet. Catalogue raisonné (Lausanne et Paris, Fondation Wildenstein et La Bibliothèque des Arts, 1977- 1978, 2 vol.), plus difficile d’accès, nous renvoyons au catalogue de Pierre Courthion, Tout l’œuvre peint de Courbet (Paris, Flammarion, 1987) sous la forme : titre de l’œuvre, date, lieu de conservation, Courthion, n°. (NdÉ.) © Flammarion, Paris, 2014. Dépôt légal : février 2014 ISBN numérique : 978-2-0813-3447-2 ISBN du pdf web : 978-2-0813-3448-9 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 978-2-0812-6098-6 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Présentation de l’éditeur : Contrairement à sa légende, Gustave Courbet ne fut ni un peintre réaliste ni un peintre politique, encore moins un peintre provincial. Il fut révolutionnaire, bien sûr, mais en pratiquant, comme les plus grands, la peinture à l’œil. Expression à entendre au double sens d’une peinture gratuite (ne dépendant ni des commandes de l’État ni des prix du Salon), et surtout d’une peinture qui ne fait pas « à l’idée » ce qu’elle aurait déjà prévu – mais qui voit dans l’acte même de peindre. D’où une rupture avec le primat du dessin (Ingres), avec l’exotisme (Delacroix), le spectaculaire (Géricault), avec la maîtrise du regard du peintre, cela pour libérer la peine des hommes et l’élégance des choses. Courbet inaugure ainsi la vraie peinture de marines ; de nus érotiquement neutres ; de natures mortes, ou plutôt natures vives, rochers, feuilles et rivières aussi présents que des visages d’hommes. Comme Cézanne, qui se revendiquait de lui, Courbet élève les choses à leur dignité dernière : non des objets construits et produits, mais des phénomènes surgissant et se donnant d’eux-mêmes à voir. Le tableau ne représente rien, il présente pour la première fois le visible en sa gloire. Jean-Luc Marion, phénoménologue et membre de l’Académie française, est professeur honoraire à l’université Paris-Sorbonne et professeur à l’université de Chicago. Il a notamment publié : La Croisée du visible (1991) ; Le Phénomène érotique (2003) ; La Rigueur des choses (2012). Flammarion DU MÊME AUTEUR Sur l’ontologie grise de Descartes. Science cartésienne et savoir aristotélicien dans les Regulæ, Paris, Vrin, 1975 ; 4e éd. 2000. Index des Regulæ ad Directionem Ingenii de René Descartes, en collaboration avec Jean-Robert Armogathe, Edizione dell’Ateneo, Rome, 1976. René Descartes, Règles utiles et claires pour la direction de l’esprit en la recherche de la vérité, traduction selon le lexique cartésien et annotation conceptuelle avec des notes mathématiques de Pierre Costabel, La Haye, Martinus Nijhoff, 1977. L’Idole et la Distance. Cinq études, Paris, Grasset, 1977 ; 3e éd., Paris, « Poche/Biblio », 1991. Sur la théologie blanche de Descartes. Analogie, création des vérités éternelles, fondement, Paris, PUF, 1981 ; 2e éd. corrigée et complétée, « Quadrige », 1991 ; 3e éd. 2009. Dieu sans l’être, Paris, Fayard, 1982 ; rééd. PUF, « Quadrige » 1991, 4e éd. revue et augmentée, 2010. Sur le prisme métaphysique de Descartes. Constitution et limites de l’onto-théo-logie cartésienne, Paris, PUF, 1986 ; rééd. 2004. Réduction et donation. Recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie, Paris, PUF, 1989 ; 2e éd. 2004. Questions cartésiennes. Méthode et métaphysique, Paris, PUF, 1991. Prolégomènes à la charité, Paris, La Différence, 1986 ; 3e éd. revue et augmentée, 2007. La Croisée du visible, Paris, La Différence, 1991 ; rééd. PUF, 1996 et 2007. Index des Meditationes de prima philosophia de René Descartes, en collaboration avec Jean-Philippe Massonié, Pierre Monat, Louis Ucciani, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, Besançon, 1996. Questions cartésiennes II. L’ego et Dieu, Paris, PUF, 1996. Hergé. Tintin le terrible ou l’alphabet des richesses, en collaboration avec Alain Bonfand, Paris, Hachette, 1996 ; 2e édition 2006. Étant donné. Essai d’une phénoménologie de la donation, PUF, 1997 ; rééd. 1998 ; 4e éd. corrigée, « Quadrige », 2013. De surcroît. Études sur les phénomènes saturés, Paris, PUF, 2001 ; rééd. « Quadrige », 2010. Le Phénomène érotique, Paris, Grasset, 2003 ; rééd. LGF, « Livre de Poche. Biblio-Essais », Paris, 2004. Le Visible et le Révélé, Paris, Cerf, 2005. Acerca de la donacion. Una perspectiva fenomenologica, Buenos Aires, UNSAM, 2005. Dialogo con l’amore, a cura di U. Perone, Turin, Rosenberg et Sellier, 2007. Au lieu de soi. L’approche de saint Augustin, Paris, PUF, 2008 ; rééd. 2009. Certitudes négatives, Paris, Grasset, 2010. Le croire pour le voir. Réflexions diverses sur la rationalité de la révélation et l’irrationalité de quelques croyants, Paris, Parole et Silence, « Collection Communio », 2010. Discours de réception à l’Académie française, Paris, Grasset, 2010. The Reason of the Gift, traduction et présentation par Stephen E. Lewis, Charlottesville, University of Virginia Press, 2011. Figures de phénoménologie. Husserl, Heidegger, Levinas, Derrida, Henry, Paris, Vrin, 2012. Sur la pensée passive de Descartes, Paris, PUF, 2012. La Rigueur des choses. Entretiens avec Dan Arbib, Paris, Flammarion, 2012. À J. Marion, mort à Douaumont, en 1916. Courbet ou la peinture à l’œil AVANT-PROPOS Pourquoi, m’a-t-on parfois demandé, cette attention à Courbet, cette passion presque ? Pourquoi y cédé-je aujourd’hui, au risque de me mêler, une fois encore, de ce qui ne me regarde pas vraiment, parlant au-delà de mon champ de compétences en philosophie ? Sans doute parce qu’il s’agit d’un compte personnel à régler avec le « maître-peintre d’Ornans » : ce peintre avait un pays, il l’a assez dit ; or il se trouve que ce pays, c’est aussi le mien, par père et aïeux interposés. Lods se trouve (ou se cache) à environ deux lieues d’Ornans. J’ai donc, chaque été, traîné gamin sur les berges de la même Loue, qui les traverse, à peine sortie en furie de la falaise de sa source, comme un évadé franchit le mur de sa prison. J’ai parcouru ce paysage avant de savoir que Courbet, avec son âne Jérôme, en avait fait autant obstinément, toute sa vie durant. La Loue, moi aussi j’ai senti le froid et la puissance de son cours, le ronflement ininterrompu de ses barrages, la majesté jaune de ses crues, la ruse et la beauté de ses truites (et la dissimulation des chavots sous les pierres), la gamme sans fin du gris des rochers qui la surplombent, l’éblouissante variété des verts de tous les arbres qui l’embrassent, les rudes côtes qu’elle a creusées alentour et qui semblent n’offrir jamais de descentes au coureur ou au cycliste (car il y a bien des montagnes sans vallées, contre l’évidence de Descartes), le défilé des nuages à l’automne, la fourrure de la neige en hiver ou le bleu hölderlinien du ciel d’été. Par une logique absurde, mais explicable, très longtemps je n’ai donc pas reconnu la peinture de Courbet, parce que j’en connaissais trop le pays. Je me le figurais en peintre sinon mineur, du moins local, comme tant d’autres dans la vallée ou sur le plateau du haut Doubs. Je m’initiais, en revanche, étudiant sérieux, à la supposée grande peinture, celle du Louvre et des livres d’art, des érudits et des savants, celle qui sert aussi de prétexte aux philosophes pour faire les intéressants. Et il m’a fallu quarante ans, un long détour spéculatif, quelques déceptions salutaires aussi et nombre de visites tardives de musées américains, allemands et japonais, surtout une Source de Loue au Metropolitan de New York et Le Rocher de Hautepierre à l’Art Institute de Chicago, pour m’apercevoir enfin qu’il n’avait quand même rien d’un peintre du second rayon. À dater de ce moment, m’intéressant enfin, avec remords et une politesse honteuse, à la chose même, surgit une autre raison de m’y attacher : la découverte que le commentaire habituellement consacré à Courbet souffrait, pour l’essentiel, d’un décalage dramatique entre un peintre et ce qu’on en disait, entre l’analyse érudite de l’œuvre et l’intention que son auteur y réalisait vraiment. Une légende polémique avait réussi à le recouvrir d’un vernis si épais et si sombre de faux problèmes et de solutions convenues, que seule la Loue pouvait le balayer et en laver la gloire. Ayant gelé mes pieds dans la Loue, je me sentais sinon qualifié, du moins obligé de me jeter dans la même eau, dussé-je m’y noyer. Certes, Courbet porte quelque responsabilité dans cette mécompréhension persistante : il avait trop joué du scandale artistique, volontiers provoqué les caricatures ; mais aussi, pour frapper plus fort, il avait laissé le débat politique s’emparer de son personnage, voire, plus grave encore, de sa peinture (en particulier en prenant la posture du peintre de Proudhon et de l’opposant officiel au Second Empire). L’affaire de la colonne Vendôme en mai 1871, l’emprisonnement à Sainte-Pélagie (l’été suivant) et l’exil à La Tour-de-Peilz (en juillet 1873) s’ensuivirent presque inévitablement, pour imposer aux tableaux une uploads/s3/ courbet-by-marion-jean-luc-z-lib-org 1 .pdf
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- Publié le Oct 14, 2022
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