Conservatoire à Rayonnement Régional de Montpellier 3M Année 2016-2017 Laure Ca
Conservatoire à Rayonnement Régional de Montpellier 3M Année 2016-2017 Laure Capri Direction de Chœur, II cycle, 1ère année Analyse de Verger, extrait des Six Chansons de Paul Hindemith Analyse de Verger, extrait des Six Chansons de Paul Hindemith Paul Hindemith (1895-1963), est un compositeur allemand, naturalisé américain en 1946 après avoir fuit l’Europe, aux mains des nazis, en 1940. Sa musique, considérée par certains membres du pouvoir nazi comme dégénérée, était appréciée par d’autres pour son inspiration populaire. Conscient des réalités de son temps, il prônait une musique moderne, mais inscrite dans la tradition, et accessible au plus grand nombre. Sa musique, parfois qualifiée de musique « utilitaire » (Gebrauchmusik), se veut objective (on désigne parfois le courant dans lequel elle s’inscrit comme celui de la Nouvelle Objectivité), est écrite dans un but social ou politique, et s’adresse parfois aux musiciens amateurs. C’est le cas des Six Chansons, pour chœur a capella. Composé en 1939 sur des textes en français de Reiner Maria Rilke, ce cycle de pièces aux couleurs multiples trouve son inspiration dans des scènes pastorales, bucoliques. On y retrouve des animaux sauvages (La biche, Un cygne), le cours des saisons (Printemps, En Hiver), et le tout s’inscrit dans un paisible hédonisme (Puisque tout passe, Verger). Hindemith a choisi ces textes parmi les 59 textes du recueil intitulé Vergers, écrit par Rilke en 1926, alors qu’il s’était installé en Suisse (où il mourra d’une leucémie cette même année). Il est d’ailleurs à noter que les Six Chansons ont été composées en Suisse, où Paul Hindemith s’est réfugié en 1939. Il s’y installera à la fin de sa vie. D’autre part, Rilke ne lui est pas inconnu, puisqu’il avait déjà mis en musique, en1923, un autre cycle de ses poèmes : Marienleben. Rainer Maria Rilke s’est mis à écrire des poèmes en français assez tardivement. Les raisons du choix de cette langue sont multiples. Il s’agit tout d’abord d’affinités amicales – en témoignent sa correspondance et ses amitiés avec des poètes français tel que Paul Valéry, Charles Baudelaire, André Gide – mais aussi d’une lassitude de la langue maternelle allemande. Dans le cas des poèmes Vergers, retenons cette justification valable au-dessus de toutes les autres : « Je me rappelle, par exemple, qu’une des premières raison de passer à une poésie française fut l’absence de tout équivalent à ce délicieux mot : Verger ». L’attachement de Rilke à ce mot le conduira à publier le recueil de poèmes (cité ci-dessus) et dont 7 sont dédiés au Verger. C’est le troisième que Paul Hindemith choisira de mettre en musique dans son cycle des Six Chansons. Nous verrons en analysant la partie A puis la partie B par quels moyens le compositeur met en avant le texte, sa sonorité et son sens. Enfin nous aborderons le travail avec le chœur, les difficultés que pose cette pièce et les outils pour les contourner. Dans Verger, nous sommes en présence de trois parties ; forme ABA’. - A mesure 1 à 8. - B mesure 9 à premier temps de mesure 19. - A’ levée de 20 à mesure 27. Il convient de noter que A et A’ sont totalement identiques sauf au niveau du texte et de certains rythmes en raison du placement de la prosodie. 2 PARTIE A/A’ (mesure 1 à 8 – levée de 20 à mesure 27) 1) Mélodie accompagnée Ces deux parties sont en effet écrites en mélodies accompagnées : les pupitres d’alto, ténor et de basse créent un tissu harmonique qui porte la mélodie volubile des sopranos. Cette dernière, qui a un ambitus d’une neuvième (Ré-Mi) est basée sur le mode de La sur Sol (Fa bécarre). La tierce (Si) est parfois majeure, parfois mineure. La mesure 1, expose une incise mélodique immédiatement transposée à la mesure 2 (une 2de Majeure en dessous). Ces deux premières mesures initient une marche descendante que la première note de la mesure 3 semble poursuivre. Marche descendante en lien avec « la terre », la stabilité/ Mélodie qui remonte à l’évocation du « Verger blond », rapport au ciel, légèreté. Ces mouvements et cette fluidité dans la partie de soprano reflètent le balancement, des branches dans le vent ; mesure 6 un jeu de lumière avec la dentelle qui fait une ombre sur le gazon. On retrouvera ce contraste ombre/lumière dans la partie A’ avec la calme fontaine qui accueille les reflets du Verger en son ancien rond. La sobriété de la mélodie confère au texte une expression simple, instinctive, populaire, voire archaïque. 2) Accompagnement Les trois autres voix (alto, ténor et basse), vont venir contraster avec la mélodie principale par la présence de plusieurs éléments tels que : L’Homorythmie suggère dans A l’enracinement, l’ancrage. On peut imaginer que ces 3 voix représentent le tronc d’un arbre dans le verger et les sopranes les branches en mouvement. 3 Dans A’, l’homorythmie souligne la quiétude, le calme et le caractère statique de l’eau. La Nuance : P contre mf donnant un côté mystérieux à la terre (A), et un caractère inaltérable à la fontaine (A’). Ceci est renforcé par les silences de l’accompagnement (soupir, demi-soupir). Le Mouvement : contrairement à la souplesse des sopranes, le caractère à la fois statique et immuable de l’accompagnement est rendu par les notes répétées des trois voix inférieures. La Fonction : celle d’un accompagnement purement harmonique. 3) Langage harmonique Dans Verger, il n’y a pas de grande difficulté solfégique et d’intonation. A une époque où certains compositeurs écrivent en utilisant des quarts, des huitièmes ou des seizièmes de ton, (ou plus simplement usent avec abondance du chromatisme), et 20 ans après les premières pièces dodécaphoniques, Hindemith se place dans un langage mélodico harmonique assez simple. Dans A et A’, nous pouvons par exemple relever une abondance de 4te / 5te J voir des parallélismes utilisés comme éléments expressifs et renforçant la connotation modale. 4 Un enrichissement harmonique entre la mélodie principale et l’accompagnement est aussi à relever par la présence d’accords de 9ème d’espèce (ex mesure 22 et mesure 25) Mib, Sol, Sib, Ré (m22) Fa, Sol, La, Do, Mi (m25) et d’accords de quintes sans tierce (mesure 5 et 6). Enfin, l’enchaînement du II° (La) et du I° (Sol) à la fin des phrases des deux parties A et A’ se suffit à lui-même en donnant une sensation de conclusion et d’éclairage. PARTIE B (mesure 9 à premier temps de mesure 19) Cette partie centrale est construite différemment. Elle commence sur le III° (Si) du ton initial (Sol) et se conclue sur le II ° (La). Elle est formée de deux demi-phrases : - une allant de mesure 9 à mesure 13 ; - la deuxième allant de mesure 13 à mesure 19. 1) Procédés d’écritures et mise en valeur du texte La polyphonie de la première phrase se présente en deux groupes : - soprane/ténor : en canon régulier, écriture contrapuntique ; - alto/basse : en homorythmie, conservent leur rôle d’accompagnement. 5 Ces deux types d’écritures font ressortir à l’oreille 3 voix rythmiques. Les mots du texte sont ainsi appuyés et mis en valeur par leur répétition, Ce qui nous reste lien avec le présent Ce qui pèse lien avec le passé Ce qui nourrit lien avec l’avenir par les mêmes nuances mf ; crescendo (m12) qui nous conduit au f de la mesure 13. A cette mesure débute la deuxième partie de la phrase. L’écriture y est beaucoup plus verticale avec son homorythmie à l’allure d’un choral. Le chœur fait bloc sur la nuance f. L’ascension conjointe en 10ème parallèles, montées en croches (mesure 15) entre les basses et les altos nous conduit directement au climax de l’œuvre situé mesure 16-17 et soutient la mélodie. Les mesures 16 et 17 représentent le seul passage mélismatique de cette pièce quasi exclusivement syllabique. On y notera également la présence d’un ambitus écarté avec la note la plus aigue de l’œuvre chez les sopranos (Sol). 6 Ainsi, nous obtenons à la fois : - un accent mélodique ; - un accent dynamique (crescendo naturel qui n’a pas besoin d’être noté) ; - et une progression agogique avec l’étirement de la syllabe centrale du mot « tendresse » sur 6 temps. Mot clé de Verger qui en dit long sur ce que ressentait Rilke à l’égard de cette nature apaisante, et ressourçante. 2) Langage Harmonique Accords de 5te sans 3ce, sonorité médiévale avec la présence de 4tes parallèles (soprane/alto) rappelant l’organum primitif. Utilisation du mode de Ré sur Si avec l’apparition du Do# et du Sol# Mesures 13,14 nous pouvons relever une incise mélodique en mode de La sur La 7 Mesure 14,15, une deuxième incise en mode de Ré sur La. Le Fa# caractéristique du mode de Ré apporte une lumière particulière sur le mot « manifeste » et marque une ponctuation avec une sensation de cadence plagale. La partie A ‘ sera amenée par le decrescendo m 18 et le retour en Sol m19, nuances p (accompagnement) contre mf (mélodie principale). DIFFICULTES uploads/s3/ exemple-dossier-analyse-mise-en-page.pdf
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- Publié le Oct 28, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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