Après avoir identifié la nature et la fonction des unités soulignées dans hacié

Après avoir identifié la nature et la fonction des unités soulignées dans haciéndose el duro (l. 14); el de paisano (l. 34-35); Soy el rata primero (l. 42), vous caractériserez la séquence dont elles font partie. Vous comparerez ensuite la construction de ce type de séquence en espagnol et en français pour enfin justifier votre traduction. 1) Identification de la nature et de la fonction de el : Il s'agit d'un article défini (ou déterminé) masculin singulier, dont la fonction est déterminant d'un syntagme nominal. Ici, les syntagmes nominaux (SSNN) présentent quelques particularités car ils ne contiennent pas de nom (N) (el duro, el de paisano) ou contiennent un N recatégorisé (el rata, au lieu du féminin habituel la rata). 2) Problématique : Ici, nous sommes face à la fonction du déterminant dans la création de SN sans N ou de nouveaux NN par récatégorisation ou transfert de catégorie, appelée aussi substantivation ou nominalisation (plus globalement, on pouvait aussi parler de dérivation impropre). De façon plus abstraite, il était question ici des outils grammaticaux permettant la création de nouvelles unités du discours à partir d'un répertoire lexical donné. Comme nous le verrons au cours de notre exposé, si le déterminant présente cette capacité de substantivation aussi bien en espagnol qu'en français, les conditions dans lesquelles a lieu ce processus ne sont pas identiques. Les exemples proposés permettent d'observer que l'article espagnol a une plus grande force de substantivation que l'article français, ce qui devra être pris en compte lors de notre choix de traduction. 3) Description du sous-système en espagnol : Les déterminants en espagnol sont une classe de mots qui accompagne le N, elle compte plusieurs types : - articles (défini/indéfini/zéro), - Démonstratifs, - Possessifs, - Quantificateurs. Des exemples de chaque type étaient les bienvenus, même s'il n'était pas nécessaire ici de détailler le paradigme complet des articles, démonstratifs, possessifs, etc. La fonction sémantique du déterminant est d'actualiser le N, en lui attribuant une extension, c'est-à-dire, un référent. Les NN sans déterminant sont pourvus d’intention ⎯contenu sémantique ⎯mais pas d'extension ⎯référence ⎯(à l'exception des noms de matière ou indénombrables, qui n'ont pas besoin de déterminant pour être actualisés : Tengo barro en los zapatos / *Tengo libro en el bolsillo, ce qui permet de parler d'un article zéro dans ces cas). Par ailleurs, les déterminants ont une fonction grammaticale : ils peuvent transférer des propriétés nominales à des catégories qui ne sont pas des NN pour former des SSNN : soit par anaphore (l'article renvoie à un N elliptique mentionné auparavant), soit par substantivation/nominalisation (processus à travers lequel une unité non nominale acquiert un contenu sémantique typique d'un N, c'est-à-dire la désignation d'une classe d'entités). 4) Description du sous-système en français : Les déterminants présentent en français la même fonction que les déterminants espagnols (actualisent le N) et connaissent également plusieurs types, similaires à ceux de l'espagnol : - articles définis - indéfinis - partitifs - démonstratifs - possessifs - quantifieurs. L'article français permet également de transférer une unité lexicale à la catégorie des NN : le pourquoi, un pauvre, l'écrit. Cependant, l'article français, à la différence de l'article espagnol, ne peut pas substantiver certaines catégories, comme les infinitifs (sauf dans certains cas lexicalisés : l'aller et le retour, le dîner, le savoir...) ou les propositions, que l'article espagnol admet : cf. el comer bien, el que comas bien – *le manger bien, *le que tu manges bien (on doit rajouter un support nominal: le fait de/que...) De même, les propriétés anaphoriques de l'article français ne permettent pas toujours l'ellipse du N dans le SN : le vase bleu > le bleu, mais le journal d'hier > *le d'hier, la chambre qui te plaît > *la qui te plaît. Cf. en espagnol, el de ayer, la que te gusta. Pour ces cas de figure, le français utilise un pronom démonstratif, noyau du SN : celui d'hier, celle qui te plaît. L'espagnol a en outre la possibilité d'utiliser l'article neutre pour substantiver un S Prép: lo de Raúl es muy triste, possibilité que le français ne connaît pas. Ces différences ont conduit certains linguistes à considérer que l'article espagnol est plus proche que le français du pronom démonstratif latin dont il descend (ILLE), au même titre que le pronom personnel esp. él, fr. il. 5) Justification du choix de traduction : Comme résultat de ce que nous venons de voir, voici la proposition de traduction que nous proposons et sa justification. a) haciéndose el duro: Le SN el duro est formé de duro, un adjectif substantivé, qui fonctionne comme noyau du syntagme nominal. Grâce à la substantivation, l'adjectif duro passe d'indiquer une caractéristique, une qualité, à désigner une classe d'individus qui partagent le trait 'être dur'. Cette substantivation est favorisée par la construction verbale dans laquelle le syntagme apparaît : hacerse el + adjectif substantivé, très productive en espagnol : hacerse el listo, hacerse el sordo, hacerse el sueco... L'article apporte ici également une valeur emphatique. En français il existe aussi la construction faire le + Adj. substantivé (faire le brave 'chercher à paraître brave', faire le malin...), où l'article le apporte également une valeur emphatique. Avec une valeur emphatique plus prononcée, le français utilise souvent le possessif : faire son petit dur. On pourra également proposer ici la tournure jouer les durs, avec un adjectif substantivé. b) En ce qui concerne le SN el de paisano, il est formé du déterminant el + un nom elliptique (car mentionné plus haut : hombre) + un syntagme prépositionnel, modificateur du N. Ici, c'est la propriété anaphorique du déterminant qui permet de récupérer le N déjà mentionné (plus haut dans le texte: los hombres de la brigada matarratas... dos de faena y uno de paisano). (Certains auteurs parleraient ici de valeur pronominale de l'article, qui aurait la fonction de noyau du SN, explication que le jury a acceptée également). Comme expliqué plus haut, le renvoi anaphorique de l'article français dans un SN avec N elliptique est plus limité qu'en espagnol et n'inclut pas le SN avec N elliptique, ni le SN avec un SPrép comme modificateur. Dans ce cas, le français exige un support pronominal, rôle qui est joué ici par le démonstratif : celui qui est habillé en civil/normalement. c) Enfin, le SN el rata primero présente le déterminant el + le nom rata, noyau du syntagme + un adjectif numéral ordinal primero, modificateur du nom. Si dans ce syntagme le nom est bien présent (rata), il a subi également une recatégorisation car il ne désigne pas un animal (sens premier du N rata) mais une caractéristique (ser rata), par une adjectivation du nom, suivie ensuite d'une nouvelle substantivation (ser un/una rata 'appartenir à la classe d'individus qui partagent le trait 'être un rat'). Ces recatégorisations successives modifient le comportement morphosyntaxique du mot rata : en tant qu'adjectif, rata admet l'expression des degrés typique de l'adjectif : es muy rata, el más rata de todos... En tant que N substantivé, rata admet la variation de genre (el rata/la rata), ce qui n'est pas le cas avec le N initial, épicène (=un seul genre morphologique pour désigner les deux sexes de l'espèce: una rata macho, una rata hembra). On peut évoquer deux substantivations lexicalisées, c'est-à-dire figées, en espagnol du N rata, avec deux sens différents: Juan/Ana es una rata (une personne immonde) Juan/Ana es un/a rata (une personne radine) Dans notre texte, nous avons la substantivation au masculin, mais le sens « radin » n'est pas activé ici, car le contexte nous renvoie aux trois hommes qui tuent les rats ou aux rats personnifiés. On pourrait penser au sens 'personne immonde' ou tout simplement à 'personne qui tue les rats et qui s'en apparente' (et donc la substantivation se ferait ici sur un sens contextuel non lexicalisé, car il s'agit d'un processus ouvert à de nouvelles créations). En français, le N rat accepte aussi des modifications de sens lorsqu'il est appliqué à une personne, par exemple : être un rat, être d'un rat 'être (très) radin', sans pour autant être devenu un adjectif (*il est très rat). Dans le cas présent, « le rat premier » est attribut du pronom personnel de 1e personne, (Je suis le rat premier), ce qui suffit à indiquer ce déplacement de sens qui évoque ici un rat personnifié. uploads/s3/ fiche-article-defini-capes-2015.pdf

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