JIN-ME YOON sa vie et son œuvre par Ming Tiampo 1 Table des matières 03 Biograp

JIN-ME YOON sa vie et son œuvre par Ming Tiampo 1 Table des matières 03 Biographie 27 Œuvres phares 60 Questions essentielles 78 Style et technique 95 Où voir 99 Notes 107 Glossaire 118 Sources et ressources 134 À propos de l'auteure 135 Copyright et mentions JIN-ME YOON sa vie et son œuvre par Ming Tiampo 2 Artiste primée, dont les idées sur la justice sociale, le colonialisme et l’environnement sont en avance sur leur temps, Jin-me Yoon (née en 1960) crée des photographies, des vidéos et des performances bouleversantes, qui saisissent le public par la critique urgente et la vision d’un avenir meilleur qui y sont exprimées. Sa vision créative, nourrie tant par son enfance dans la campagne coréenne que par sa nouvelle vie à Vancouver, l’amène à une plus grande compréhension de réalités multiples. Si l’artiste se fait d’abord connaître pour ses œuvres qui remettent en question les narratifs identitaires canadiens et contestent les récits anti-asiatiques, ses projets ultérieurs explorent les réseaux mondiaux et les diasporas, démontrant comment le JIN-ME YOON sa vie et son œuvre par Ming Tiampo 3 Jin-me Yoon dans les bras de Chung Soon Chin Yoon, v.1960, photographie de source inconnue. colonialisme et le développement économique effréné détruisent l’humanité et la planète. Yoon vit et travaille sur les territoires traditionnels non cédés des Premières Nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh (Vancouver); ses œuvres ont une pertinence internationale et s’inscrivent dans des réseaux qui établissent l’artiste dans les discours sur l’art contemporain et l’autochtonie de même que sur les Asies et les diasporas mondiales. PREMIÈRES ANNÉES Jin-me Yoon naît en 1960, à Séoul, en Corée, et ses parents, Chung Soon Chin (Jewel) et Myung Choong Yoon (Michael), tous deux nés en 1935, y grandissent dans les années 1930 et 1940, alors que le pays est une colonie japonaise. L’année 1945 est marquée par la fin de la domination japonaise et la division de la Corée en deux parties, celle du Nord, occupée par les Soviétiques, et celle du Sud, par les Américains. Peu après la partition, des conflits éclatent et mènent à la guerre de Corée (1950-1953) ainsi qu’aux dictatures militaires. Le militarisme, très présent dans la vie de Chung Soon et de Myung Choong, façonne la vie quotidienne de la famille. Yoon aborde cette réalité dans l’une de ses premières œuvres, Screens (Écrans), 1992, qui présente une photo de la classe de sa mère lors d’un voyage scolaire pour visiter un navire de la marine américaine. La photo commémorative, accompagnée d’une poignée de bonbons, a été offerte à Chung Soon et aux autres élèves. En se remémorant ce geste en apparence banal, mais idéologiquement chargé, la mère de Yoon fait une observation ironique que la jeune artiste représente dans son installation : « Si un navire est si grand et si beau, comment l’Amérique peut-elle être plus belle? Peut-être pourrais-je y aller, ne serait-ce qu’en rêve1?? » C’est en 1966 que le père de Yoon, un médecin, s’installe au Canada, plus précisément à Vancouver, pour poursuivre des études de spécialisation en pathologie. Sa famille l’y rejoint deux ans plus tard, grâce à la réforme des politiques d’immigration de 1967, qui améliore le processus d’admission en tentant d’éliminer la discrimination fondée sur la race. Motivée par les soins de santé universels offerts au Canada et désireuse de laisser derrière les relations impérialistes entre les États-Unis et la Corée, la famille Yoon immigre en Colombie-Britannique, où Myung Choong amorce sa pratique médicale. JIN-ME YOON sa vie et son œuvre par Ming Tiampo 4 GAUCHE : Chung Soon Chin et Myung Choong Yoon à l’aéroport international de Gimpo, à Séoul, avant le départ de ce dernier pour le Canada en 1966, photographie de source inconnue. DROITE : La famille élargie de Yoon accueillant des proches en visite de Corée, à l’aéroport international de Vancouver, v.1975, photographie de source inconnue. En route vers le Canada en 1968, la famille fait une escale d’une nuit à Tokyo, une visite qui expose Yoon à la croissance rapide du Japon des années 1960. Elle se souvient que son oncle avait fait le nécessaire pour que la famille loge dans un hôtel situé dans une tour et qu’il leur avait offert un appareil photo Olympus pour leur nouvelle vie au Canada, la photographie étant importante pour l’oncle et le père de Yoon. Cette dernière est alors marquée par le contraste qu’elle observe entre le Japon et la Corée, ses souvenirs du Séoul d’après-guerre se résumant au paysage horizontal d’une rue dont la structure la plus haute est un immeuble de trois étages. Lors de ce voyage, elle constate que les vues depuis l’avion et de Tokyo même sont, en revanche, purement verticales, ce qui façonne ses premières idées sur le progrès. Elle se souvient d’avoir regardé la rue du haut d’un immeuble-tour à l’heure de pointe et d’avoir remarqué « toutes les têtes vues d’en haut, qui se déplaçaient comme des fourmis2 ». Des années plus tard, ce changement abrupt de point de vue ressurgira dans son travail, par son exploration du mouvement horizontal, de la migration et des sujets minorisés, qui s’inscrivent en opposition avec les perspectives descendantes, les récits officiels et les revendications universelles, comme on peut le voir dans des œuvres telles que The dreaming collective knows no history [US Embassy to Japanese Embassy, Seoul] (Le collectif rêveur ne connaît aucune histoire [de l’ambassade des États- Unis à l’ambassade du Japon, Séoul]), 2006, et As It Is Becoming [Seoul] (Telle qu’elle devient [Séoul]), 2008. JIN-ME YOON sa vie et son œuvre par Ming Tiampo 5 Jin-me Yoon, As It Is Becoming [Seoul] (Telle qu’elle devient [Séoul]), arrêt sur image, 2008, installation vidéo multicanaux, dimensions variables, durées variables : 2 min 12 s à 5 min 57 s. À son arrivée au Canada, Yoon s’inscrit à l’école d’East Vancouver où une personne proche de la famille lui donne un nom anglophone : Alina. L’omniprésence des images photographiques du consumérisme, telles qu’elles apparaissent dans la publicité, détonne avec la culture matérielle de la Corée où le capitalisme tardif ne s’est pas encore imposé. Yoon est subjuguée par les images disponibles dans son nouvel environnement; son père rapporte de la salle d’attente de son cabinet médical des magazines sur papier glacé, tels que le National Geographic et le Reader’s Digest ou encore des publications de luxe gorgées de publicités pour des montres ou des croisières. Dès l’âge de douze ans, Yoon transforme ces photos en collages. « [C]e n’est pas le fait de produire des images, mais de recevoir des images qui a stimulé ma créativité, confie-t- elle. J’étais une petite sémioticienne, vraiment! La place qu’occupe la fabrication d’images tient surtout à la place des images et à l’effet qu’elles ont sur vous3. » Elle exploite notamment le collage pour créer ses propres mondes, questionnant la culture populaire et le tourisme dans des œuvres qui proposent des contre-récits aux représentations des médias de masse observées dans les magazines fournis par son père. « Je savais que le monde n’était pas tel qu’il était dépeint, ajoute-t-elle, et que nous n’étions pas obligés de l’accepter […]. C’est l’expérience de la migration qui m’a fait comprendre cela4. » Son passage de la Corée rurale, où elle vivait avec ses grands-parents dans la province du Jeolla du Nord, à Séoul, puis à Tokyo et, enfin, à Vancouver marque l’artiste par la collision des cultures, des vitesses, des langues et des valeurs en même temps que l’expérience lui confère une profonde compréhension de la rupture – un état de conscience que l’on peut qualifier de contrapuntique5. Yoon combine ces mondes multiples par le collage, un moyen d’expression qui perdurera dans son œuvre, sous différentes formes, tout au long de sa carrière. JIN-ME YOON sa vie et son œuvre par Ming Tiampo 6 La famille Yoon à Iri (aujourd’hui Iksan), dans la province du Jeolla du Nord, date inconnue, photographie de source inconnue. Coincée entre le coréen et les hantises du japonais, de l’anglais et du français, Yoon comprend la langue comme un objet politique lié à sa propre perte, à des traumatismes et à la migration – des thèmes qu’elle abordera des années plus tard dans son œuvre between departure and arrival (entre départ et arrivée), 1997. À l’école secondaire, Yoon découvre le pouvoir du geste et de la danse, qui renforce un engagement déjà profond avec la culture visuelle. Sa connaissance de l’histoire de l’art se limite à des visites de temples en Corée durant l’enfance, conjuguées à la curiosité qu’elle porte aux Time Life Library of Art que ses parents collectionnent et par lesquels elle rencontre Henri Matisse (1869-1954) et Marcel Duchamp (1887-1968). Elle étudie le ballet dans son enfance, mais à l’adolescence, elle découvre la danse moderne par l’entremise d’une professeure de l’école secondaire qui lui présente l’œuvre de Martha Graham (1894-1991). C’est à l’école d’art que les travaux d’Yvonne Rainer (née en 1934), d’Anna Halprin (1920-2021), de Simone Forti (née en 1935) et de Merce Cunningham (1919- 2009) l’amènent à voir les gestes du uploads/s3/ jin-me-yoon-sa-vie-et-son-oeuvre-par-ming-tiampo.pdf

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