Bibliothèque nationale de France direction des collections département Littérat

Bibliothèque nationale de France direction des collections département Littérature et art Juillet 2008 ABSTRACTIONS 1940-1960 L’aventure picturale en Europe et aux Etats-Unis Bibliographie sélective « La peinture ne doit pas seulement être un mur sur un mur. La peinture doit figurer dans l’espace. [Elle doit être] abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace » N. De Staël « J’espère que mes peintures peuvent donner aux autres, comme elles l’ont fait pour moi, le sentiment de leur propre totalité, de leur indépendance, de leur individualité, et en même temps de leur lien aux autres, qui sont eux aussi des entités distinctes» B. Newman « La peinture est découverte de soi » J . Pollock « Il faudrait d’abord se débarrasser de l’idée photographique du monde. Tout n’est pas vu en même temps. La notion de temps intervient constamment. Il y a un effacement d’une chose à l’autre. Certaines choses tendent à la nébulosité, d’autres s’affirment. L’espace n’a pas de limite ; la toile est un carré. Il s’agit en somme de détruire cette idée de superficie de surface. » Tal-Coat L’abstraction apparaît comme une rupture dans la vie des formes, au terme d’une lente évolution dans le cheminement artistique de l’art occidental, figuratif depuis l’origine. Tension vers l’imitation, l’harmonie, le beau et le vrai, jusqu’à la conquête de la représentation exacte et l’illusionnisme, le processus artistique s’inverse alors, l’artiste prend conscience de sa propre entreprise, et de l’autonomie du fait pictural. L’intention figurative passe au second plan au profit de l’expression d’un « principe de nécessité intérieure » comme le définit Kandinsky. L’abstraction n’a jamais été le monopole d’un courant artistique particulier, et se manifeste dans des styles différents, comme le souligne Michel Seuphor : « la multiplicité de formes et d’expression a été une des caractéristiques les plus singulières de la peinture abstraite. » Par son rejet de la représentation du réel tangible, que celui-ci ait été pris comme point de départ ou non, l’œuvre abstraite, indépendamment de son style propre, se tient à l’écart de l’image concrète. Cependant elle ne peut en aucun cas être limitée à une simple recherche formelle ; l’abstraction interroge la visée de l’art et représente la mise au point par les artistes de moyens accordés à leur vision du monde, leur recherche spirituelle ou métaphysique. Phénomène international dès ses débuts, né entre 1910 et 1920, autour des trois grands pionniers, les peintres Kandinsky, Mondrian et Malevitch, l’abstraction s’étend à l’Europe entière, puis surgit aux Etats-Unis, pour atteindre son apogée dans les années cinquante. Théâtre de nouvelles recherches plastiques pendant l’Occupation, PARIS redevient dans l’après-guerre un véritable « grand atelier » cosmopolite d’effervescence créatrice (Pierre Abadie) où domine l’abstraction dans toutes ses tendances picturales, comme une réponse aux horreurs vécues. La ville accueille de nombreux artistes, voit la création de nouveaux salons (Salon de mai 1945, Salon des Réalités nouvelles en 1946…), galeries (Denise René, Nouvelle Galerie de France, Maeght, Lydia Conti, Colette Allendy…), revues (Art d’aujourd’hui, Cobra…) et une intense activité théorique et critique. Dès la guerre, des initiatives abstraites ont vu le jour, face à un art figuratif alors dominant. En 1941 l’exposition «Vingt jeunes peintres de tradition française » réunit Bazaine, Estève, Le Moal, Manessier, Tal-Coat... Exposition militante dans le contexte de l’Occupation, elle présente une peinture non figurative aux curiosités plastiques communes : mémoire du cubisme, couleur, miroitement et éclatement des formes, sentiment de muralité issu de la peinture romane, référence à la nature, et pour certains, transcendance et spiritualité chrétienne. D’autres peintres singuliers déclinent leur vision de la modernité : réflexion sur l’espace de Vieira da Silva, questionnement sur la surface et l’espace, dépassement de l’opposition figuration/abstraction de Nicolas de Staël, recherches personnelles de Serge Poliakoff, Bram van Velde, Geer van Velde… On distingue alors sur la scène artistique parisienne, une Abstraction géométrique ou Abstraction « froide », une des branches de l’art abstrait les plus vigoureuses de l’après-guerre, héritière du constructivisme 1 des années vingt, de Mondrian. Elle se manifeste dans de nombreuses expositions (1945, exposition « Art concret », Galerie Denise René…) qui regroupent les peintres Herbin, Domela, Magnelli, Dewasne, Vasarely, etc. Par opposition, on peut placer tous les autres peintres non figuratifs sous le terme d’Abstraction « chaude », qui désigne une abstraction expressive. D’autres initiatives abstraites s’amorcent dans cette abstraction dite « chaude », personnelle et subjective. Un groupe hétérogène, dans la lignée de Kandinsky, est doté par la critique d’une multitude de noms : Art informel (Michel Tapié), Abstraction lyrique (Jean-José Marchand et Georges Mathieu), tachisme, matiérisme, « art autre » (Michel Tapié), calligraphie…, afin de tenter des regroupements et de décrire ses différentes manifestations, souvent intriquées entre elles. Peinture sans tradition, d’une étonnante liberté, elle récuse le beau métier et exalte l’élan vital (Wols), le geste créateur et la spontanéité (Hartung, Mathieu), s’abandonne aux vertus plus ou moins imprévisibles de la matière (Dubuffet, Fautrier), cherche à établir la combinaison geste/matière (Soulages), s’attache à la dimension émotionnelle, psychique (Michaux), aux signes, à la calligraphie (Mathieu, Degottex), à la couleur, aux formes biomorphiques… Elle est présentée dans diverses expositions - « L’Imaginaire » 1947, « Véhémences confrontées » 1951, « Signifiants de l’informel » 1951, « Un art autre » 1952 - et débattue dans des revues telles que Les Cahiers d’art, Cimaise. Tous ces courants font écho aux philosophies de l’époque, existentialisme et phénoménologie. L’EUROPE, elle aussi, est traversée par ces deux courants abstraits, et les peintres déclinent dans leur style particulier des interrogations qui se rejoignent. Les artistes de CoBrA cherchent à explorer la zone située entre le « réalisme banal »et « l’orthodoxie de l’art abstrait », par la recherche du primitif, des traditions populaires, par l’expérimentation, la spontanéité et l’intensité des images. Ils tentent une synthèse entre abstraction, expressionnisme, et traditions populaires. Contemporain de ces recherches artistiques européennes, apparaît dans les années quarante, à NEW YORK, le premier mouvement d’avant-garde sur le sol américain : l’Expressionnisme abstrait, une peinture émancipée des modèles européens (même si sensible aux procédés surréalistes, et à l’influence des peintres européens abstraits exilés aux Etats-Unis). Ce sont des préoccupations communes qui président au regroupement d’une quinzaine d’artistes dans les années quarante à New York. D’avantage une attitude qu’un style, l’Expressionnisme abstrait se caractérise par une intensification de l’expression personnelle, de la charge émotionnelle, et par l’interaction spontanée entre l’artiste, son matériau et la surface plane de son support, dans un esprit qui s’apparente étroitement à l’existentialisme. « La peinture est découverte de soi » (Pollock). Après 1948, on distingue deux tendances au sein de l’Expressionnisme abstrait. La première, gestuelle, « Action painting », avec Pollock, De Kooning, Kline, est héritière de « l’automatisme psychique » du Surréalisme. Elle est définie par Harold Rosenberg : la toile de ces peintres devient une « arène où agir », où « seule importe la révélation contenue dans l’acte ». Spontanéité créatrice, emphatisation du fait même de peindre, valeur de performance de l’activité (rapidité d’exécution, exploit physique, peinture dansée…), cette liberté s’accompagne aussi d’une nouvelle approche des matériaux et des techniques (toile travaillée à plat sur le sol, grand formats, drippings (dégoulinures), giclées, éclaboussures… et d’une nouvelle conception de l’espace, sans profondeur, frontal, présentant une répartition uniforme des différents éléments picturaux, sans hiérarchisation sur toute la surface du tableau, qui semble ainsi se prolonger au-delà de ses bords et repousser les limites de la toile (composition en « all over »). La seconde tendance « Color field » (Rothko, Still, Newman), exaltation de l’autonomie de la couleur, vibration chromatique, introduit un espace nouveau, bidimensionnel. Ces artistes explorent la couleur par opposition à l’impact expressif de la ligne. L’immensité des plages colorées, qui enveloppent le spectateur, est destinée à favoriser une méditation d’ordre transcendantal. Tous ces artistes sont animés de préoccupations politiques et métaphysiques (judaïsme, bouddhisme, jungisme, profondes motivations spirituelles), sont portés à l’introspection, ont suivi avec intérêt les expériences surréalistes de mise au jour de l’inconscient et ont souvent une conscience tragique de leur époque troublée par la guerre et la guerre froide. New York connaît ainsi une effervescence artistique, qui se manifeste dans les galeries (Galeries Peggy Guggenheim, Betty Parsons, Kootz…), et dans le débat critique animé par deux figures principales. Harold Rosenberg est un critique existentialiste de l’Expressionnisme abstrait, pour qui peindre est un « événement » subjectif qui vaut plus que son résultat formel. Il invente le terme d’« Action painting » et se trouve à l’antithèse des écrits de Clement Greenberg qui prône l’analyse purement formaliste de la peinture (formes, couleurs, surfaces, bidimensionnalité…) et avance l’idée d’une peinture auto-référencée, qui se prend elle-même comme sujet. Enfin, on parle de Hard-edge (peinture aux contours nets), au sujet d’un ensemble de peintres, Held, Kelly, Noland…, dont les œuvres se divisent en pans colorés et formes nettement définis, présentant un certain géométrisme et une palette limitée. Le Hard-edge se démarque de l’Expressionnisme abstrait par son refus de la gestualité, et se rapproche du Color field. Cette question de la limite des zones internes au tableau est uploads/s3/ biblio-abstractions.pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager