L’ESTHETIQUE BAUDELAIRIENNE Une chose entre toutes est remarquable chez Baudela

L’ESTHETIQUE BAUDELAIRIENNE Une chose entre toutes est remarquable chez Baudelaire : c'est qu'on trouve chez lui, au plus haut degré, la symbiose d'un artiste créateur et d'un critique d'art. Baudelaire n'est pas parti d'une théorie préconçue ; il n'a pas non plus groupé les éléments épars de son esthétique en un système complet. Baudelaire assigne à la volonté et à la raison une place plus importante qu'à la spontanéité affective dans sa conception de la création artistique ; en cela il se trouve à l'opposé de l'esthétique romantique. D'autre part, en remplaçant le principe de la beauté inchangeable par le principe de la beauté relative et variée, il est en opposition aussi avec l'esthétique classique. Du point de vue moral autant que du point de vue esthétique, il faut refaire la nature. Car si la beauté était déjà réalisée dans la nature à quoi servirait l’art ? La nature n'est qu'un magasin de détails, c'est un dictionnaire. L'artiste doit se servir de ce matériel pour construire, composer. Il ne trouve dans la nature que ce qu’il y met. La beauté de la nature est le produit de l'âme humaine. L'artiste ne ​peut pas la copier, car la nature est anesthétique. Il doit partir d'elle et exprimer pour le mieux ses intentions, les parachever dans le monde des valeurs esthétiques. Le portraitiste doit peindre l'âme du modèle, représenter son sens spirituel. Il négligera donc beaucoup de détails pour en faire ressortir d'autres qu'il déformera. La photographie est l'ennemie de l'art, elle ne distingue pas entre les détails et ne fait que reproduire la réalité extérieure. Baudelaire est l'adversaire du réalisme. Le rêve est supérieur à la nature, voilà pourquoi tout artiste digne de ce nom est un « surnaturaliste » ; mais on ne transforme le rêve en réel que par un effort acharné en l'extériorisant dans l'œuvre d'art. 1 Conduit par la pensée qu'il faut déformer ou réformer la réalité extérieure au moyen de l'imagination créatrice, Baudelaire préfère le paysage urbain et les féeries de l'architecture créées par son propre génie à la représentation de la nature tout court. La conception de l'art comme idéalisation incessante et celle de l'artificiel ne sont pas sans affinité avec la tendance idéaliste de l'art classique. Cependant son opinion que la beauté contient toujours une certaine dose de ​bizarrerie qui a pour effet l'étonnement, part d'un point de vue opposé à celui de l'esthétique classique, c'est-à-dire de la conception d'une beauté relative et variée. Et en affirmant que la beauté est douée d'une efficacité esthétique beaucoup plus grande quand elle exprime la tristesse et la mélancolie que quand elle exprime la joie. Il ne considère pas ces traits comme des traits de décadence ; selon lui on ne peut parler de décadence dans l'art que quand celui-ci dégénère en routine, éclecticisme ou simple virtuosité technique. A côté de l'alliance de la bizarrerie et de la mélancolie, il existe une autre association de traits caractéristiques de l'art moderne : la sensualité et le mysticisme. Baudelaire en tant que catholique trouve que cet art a pour mission d'exprimer la dualité de l'homme naturel et de l'homme spirituel. Adversaire de l'idée du progrès et de la civilisation moderne, Baudelaire veut défendre le domaine de l'esthétique contre leur intrusion. Et c'est toujours son point de vue catholique, le point de vue du péché originel et de la corruption de l'homme qui lui suggèrent ses idées sur le comique et le grotesque. Baudelaire tâche aussi de prouver que les œuvres représentant la laideur spirituelle et physique de ​l'homme peuvent contenir un élément de beauté éternelle,« surnaturelle ». Baudelaire, on le sait, n'a pas été le seul parmi ses contemporains à voir un sens caché derrière les choses et à considérer le poète comme un « déchiffreur » du mystère de la vie. Son mérite, cependant, est d'avoir cherché des raisons philosophiques à cette 2 idée et d'avoir formulé comme exigence indispensable de la création poétique ce que d'autres ne sentaient que vaguement. Selon Baudelaire, l'art doit être à n'importe quelle époque l'expression de la société de son temps. Puisque le caractère de l'art est double, celui-ci comportant un élément éternel et un élément transitoire, ce dernier représente la modernité. Le romantisme qui suivant Baudelaire est « dans la manière de sentir» et qui est, «​1​'expression la plus récente, la plus actuelle du beau », n'est pas cependant tout à fait identique à la modernité, car l'intimité et la spiritualité qui sont deux éléments constitutifs du romantisme sont seulement deux éléments accidentels de la modernité. Le romantisme qui suivant Baudelaire est « dans la manière de sentir » et qui est, ​l​'expression la plus récente, la plus actuelle du beau, n'est pas cependant tout à fait identique à la modernité, car l'intimité et la spiritualité qui sont ​deux éléments constitutifs du romantisme sont seulement deux éléments accidentels de la modernité. Si l'on part des traits caractéristiques du romantisme dans la conception de Baudelaire (intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini), on s'explique les sympathies de l'auteur de, ​l​'Art romantique pour Delacroix, Sainte-Beuve et Gautier et sa plus ou moins grande aversion pour Hugo, Musset et George Sand. Baudelaire rejette le romantisme contemporain au nom d'un autre romantisme, d'un romantisme nouveau. Il s'agit d'un romantisme qui n'aurait rien de commun avec l'exotisme dans le temps et dans l'espace, qui exprimerait, au contraire, parfaitement toute la poésie et toute la tragédie de la vie contemporaine vécue dans le paysage d'une grande ville, dans le décor complexe et majestueux de la civilisation moderne, symbolisant l'âme complexe et souffrante de l'homme moderne. 3 uploads/s3/ l-x27-esthetique-baudelairienne.pdf

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