L’instrument dans la liturgie 1. La musique et le Verbe La liturgie chrétienne
L’instrument dans la liturgie 1. La musique et le Verbe La liturgie chrétienne est avant tout l’espace du Verbe. Nous y célébrons le mystère du Christ, Verbe de Dieu, qui se fait proche de nous par la parole inspirée, l’Écriture Sainte, et par les actions sacramentelles, signes efficaces de sa présence et de sa grâce. La parole est donc l’élément premier de la liturgie, parole destinée à être entendue, écoutée, méditée, comprise, et à prendre corps dans nos vies. Cette parole doit donc être intelligible, et tout le soin de la liturgie réside dans la façon dont elle est proclamée et mise en valeur. Le chant en particulier est à l’honneur dans la liturgie en tant que mise en évidence de la parole. Le chant est comme une amplification de la parole en plusieurs sens. En effet, le chant opère une amplification sonore qui permet tout simplement de faire porter le son de la voix plus loin et plus fort, mais il est aussi une amplification du sens, car la mélodie épouse le sens du texte, elle amplifie ses articulations, ses points saillants, elle donne comme une première interprétation du texte sur le plan de la signification. Enfin, le chant amplifie la parole sur le plan de la beauté. Elle ajoute au langage parlé une aura, une portée nouvelle qui le magnifie, car elle le rend beau, attirant à écouter, donc plus persuasif, mais il s’agit de quelque chose de plus, elle accentue dans la parole le désir de chercher la profondeur cachée qui existe en elle, car la beauté incite à la recherche, et suggère une réalité que le langage ne suffit pas tout à fait à exprimer. C’est ici que la musique instrumentale peut, elle aussi, trouver sa place dans la liturgie. Si la liturgie est en premier lieu la manifestation du Verbe, il est bien logique que le chant y occupe la première place, et que l’instrument soit là pour souligner, accompagner, aider le chant. Pourtant la pure musique instrumentale n’est pas exclue de la liturgie, et cela se comprend dans la mesure où la musique en elle-même est aussi un langage. Utiliser l’instrument dans la liturgie n’a pas une simple portée ornementale, il ne s’agit pas d’une simple décoration. La musique a sa place dans la célébration liturgique dans la mesure où il s’agit là aussi d’un moyen d’exprimer le Verbe. La musique instrumentale en effet peut elle aussi parler, avec sa grammaire, ses mots, sa syntaxe propre, et délivrer un message qui peut souligner la parole elle-même. De même que le chant, elle peut servir à amplifier cette parole. D’une part, la musique instrumentale peut magnifier un moment caractéristique de la liturgie, d’autre part elle a la capacité de jouer sur les affects humains, c’est-à-dire surtout de placer l’âme dans une certaine disposition intérieure qui la rend plus réceptive à la parole et à l’action de Dieu lui-même en elle. Enfin, elle ajoute à la célébration cette beauté qui n’est pas un simple ornement facultatif, mais qui devrait être la manifestation de ce qui est au cœur de la liturgie, la beauté du Verbe lui-même. 2. Les instruments de musique, commentaire du psaume 150 Les instruments de musique sont très présents dans la Bible. En témoigne le dernier 1 psaume du psautier, le psaume 150, que nous allons évoquer maintenant : Louez Dieu dans son temple saint Louez-le au ciel de sa puissance Louez-pour ses actions éclatantes Louez-le selon sa grandeur Louez-le par l’éclat du cor Louez-le sur la harpe et la cithare Louez-le par les cordes et les flûtes Louez-le par la danse et le tambour Louez-le par les cymbales sonores Louez-le par les cymbales triomphantes Et que tout être vivant chante louange au Seigneur La place de ce psaume qui signe en quelque sorte l’ensemble du psautier dit d’elle- même son importance. La louange symphonique ici invoquée est proposée comme l’apogée de la prière et du culte rendu à Dieu. La première strophe du psaume montre l’origine et la finalité de la louange. D’une part le psalmiste loue Dieu pour ce qu’il est en lui-même, il le loue « au ciel de sa puissance », et dans le temple, c’est-à-dire dans le lieu de sa sainteté. Dieu est loué parce qu’il est Dieu, parce qu’il est saint, c’est-à-dire absolument au-dessus et au-delà de tout le créé et de tout ce que nous pouvons connaître. Le psalmiste loue aussi Dieu pour ses œuvres par lesquelles nous pouvons le connaître et reconnaître sa grandeur. Ces œuvres sont la création et le salut, l’action de Dieu dans l’histoire des hommes. Vient ensuite l’appel à louer Dieu avec tous les instruments de musique. Bien que l’ordre ne soit pas tout à fait respecté, nous pouvons reconnaître dans cette liste d’instruments trois grandes familles que sont les instruments à vent, les instruments à corde et les percussions. Je vais ici proposer une méditation de ce psaume en attribuant des caractères spécifiques à ces trois familles d’instruments, mais il est évident que ces caractères ne sont pas propres à une seule famille et absents des autres, mais que toutes y participent d’une façon ou d’une autre. Les instruments à vent sont nommés en premier par la mention de « l’éclat du cor ». Le cor, shofar en hébreu, était une corne de bélier. Son utilisation était vraisemblablement d’origine guerrière, mais il était fréquemment utilisé dans la liturgie du temple pour les sacrifices, et notamment pour annoncer le début du mois lunaire et le début de l’année. Cet instrument vient en premier car c’est l’instrument de l’appel à la prière. Il produit un seul son puissant. Par la suite, le psaume mentionne aussi les flûtes qui sont des roseaux percés de plusieurs trous permettant de jouer une mélodie élaborée. L’instrument à vent est celui qui se 2 rapproche le plus de la voix dans l’émission du son, puisqu’il est une amplification du souffle. Ainsi, en jouant de l’instrument à vent, le musicien magnifie ce souffle de vie que Dieu a mis en lui dès le premier instant de la création. Le souffle en effet est ce qui est indispensable à la vie, c’est l’expression même de notre force vitale, et par extension, de notre âme. Le mot latin anima signifie souffle, de même que le mot ψυχη en grec. La vibration produite par le souffle remplit l’espace sonore du musicien lui-même ainsi que de ses auditeurs. Par là-même l’être humain habite un espace, ce qui est fondamental à sa nature. De même que Dieu habite le temple saint et le ciel de sa puissance, l’homme habite son espace par la résonance de son souffle. Habiter l’espace est ce qui nous donne une consistance, nous ne pouvons exister en tant que corps que si nous occupons un espace que nous sommes seuls à occuper, l’espace permet donc l’individuation de la personne et son affirmation en tant que telle. Dans la résonance, cet espace est aussi partagé entre les musiciens, ainsi qu’avec ceux qui les écoutent pour former un espace commun magnifié par la musique, et qui accède à une autre dimension de lui-même par la force de la vibration sonore. Après la mention du cor, le psalmiste évoque la harpe, la cithare ainsi que les cordes en général. Ces instruments étaient vraisemblablement utilisés pour l’accompagnement du chant des psaumes. L’instrument à corde suppose tout spécialement le rapport complexe que l’homme entretient avec le monde matériel en particulier par l’art. En effet, ces instruments sonnent grâce aux capacités naturelles de résonance des matériaux comme le bois ou les cordes, et supposent une certaine complexité de facture. Lorsque le musicien joue dans la liturgie avec ces instruments, il fait donc participer toute la création, toute la matière elle-même à sa louange. En effet, la liturgie que l’homme offre à Dieu est aussi une récapitulation de toute la création dans le mouvement de la louange. Par la voix et la musique de l’homme, c’est la nature tout entière qui loue le créateur. De plus, la harpe ou la lyre est l’instrument du roi David. Or, il nous est expliqué dans le premier livre de Samuel que David avait été engagé comme écuyer par le roi Saül parce qu’il avait la capacité, par son jeu de la lyre, d’éloigner du roi des mauvais esprits qui le troublaient et l’épouvantaient. Je cite le livre de Samuel : « Or, quand un esprit de Dieu était sur Saül, David prenait la lyre et il en jouait : Saül se calmait et se trouvait mieux, et l’esprit mauvais se retirait loin de lui. » ( 1 Sam 16, 23) Cette fonction d’apaisement de l’âme dévolue à la musique est aussi présente dans le monde grec de l’Antiquité, on peut penser au mythe d’Orphée, ce dernier avait le pouvoir de calmer les bêtes sauvages grâce au jeu de sa lyre. La musique tient une place toute particulière dans l’éducation, comme nous pouvons le constater dans l’œuvre de Platon, particulièrement dans le dialogue Les lois. En effet, la pratique musicale uploads/s3/ l-x27-instrument-dans-la-liturgie.pdf
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- Publié le Apv 07, 2022
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