Audrey Akoun Isabelle Pailleau Apprendre autrement avec LA PÉDAGOGIE POSITIVE À

Audrey Akoun Isabelle Pailleau Apprendre autrement avec LA PÉDAGOGIE POSITIVE À la maison et à l’école, (re)donnez à vos enfants le goût d’apprendre © Groupe Eyrolles, 2013 ISBN : 978-2-212-55534-9 APPRENDRE AVEC LA PÉDAGOGIE POSITIVE - 34 - 3 APPRENDRE C’EST… ? Quand on demande aux enfants ce que signifie apprendre, les réponses varient selon l’âge. Les enfants en âge primaire répondent en général : « c’est apprendre par cœur », c’est-à-dire mémoriser. Au collège, ils répondent plutôt « apprendre, c’est long ! » dans un profond soupir qui traduit bien leur longue expérience de terrain. Les lycéens, quant à eux, lancent un « c’est chiant ! » qui coupe court à toute réflexion sur le sujet. Si l’on pose la même question à leurs parents, la réponse diffère grandement par un « c’est merveilleux ! », « c’est important pour ton avenir ! » et autres considéra- tions parentalement correctes qui prouvent qu’ils ont oublié (ou font semblant d’oublier) qu’ils ont dit la même chose que leurs chers bambins aux mêmes âges. Mais on leur pardonne ; leurs enfants, pas sûr ! Apprendre, c’est découvrir Oui, mais découvrir quoi ? À l’école, c’est découvrir des savoirs académiques, des contenus, des savoir-faire qui ont pour objectif l’acquisition d’un socle commun de connaissances et de compé- • Apprendre, c’est découvrir. • Apprendre, c’est apprendre à vivre avec les autres. • Apprendre autrement avec la Pédagogie positive®, c’est apprendre avec sa tête, son cœur et son corps. APPRENDRE C’EST... ? - 35 - - 35 - tences qui feront l’objet d’évaluations constantes. Le livret de compétences et de connaissances sanctionne d’ailleurs le processus de découverte (dans l’idéal… car en pratique, tout ceci est souvent source de stress pour les enseignants, pour les parents et pour les enfants !). Quid du plaisir d’apprendre ? De la curiosité ? De l’appétit ? Des autres apprentis- sages ? Car apprendre, c’est aussi apprendre la vie. Ken Robinson* explique que notre système éducatif est fondé sur la notion d’apti- tude académique. La raison en est que ce système a été inventé à une époque où il n’y avait pas d’enseignement public et où l’urgence était de satisfaire aux besoins d’industrialisation. Ce système repose donc sur deux principes : l’utilité (productive) dans le travail et la capacité à répondre aux exigences académiques (créées par les universitaires à leur image). À l’instar du monde entier, en France, les matières scientifiques arrivent en tête, puis le français, l’histoire-géographie et les langues et, en bons derniers, les Arts et le sport. Ce qui signifie donc qu’il existe une hiérarchie dans les apprentissages. Et c’est ainsi que, la plupart du temps, seuls les élèves qui réussissent dans les ma- tières dites « nobles » sont valorisés car leurs compétences leur seront utiles pour trouver un travail. APPRENDRE AVEC LA PÉDAGOGIE POSITIVE - 36 - A contrario, les élèves particulièrement doués en musique, en dessin et/ou en sports seront découragés d’exploiter leurs talents car, c’est bien connu, « tu ne vas pas être le prochain Picasso ! ». La conséquence pernicieuse de ce système est que les enfants, comme le rappelle Ken Robinson, se vivent en échec dès lors qu’ils ne répondent pas aux attentes « académiques ». Beaucoup de gens talentueux, brillants, créatifs, pensent qu’ils ne le sont pas car les matières où ils étaient bons à l’école n’étaient pas valorisées. Apprendre, c’est aussi apprendre qui l’on est. Avoir une vue juste de ses qualités, de ses défauts, de ses capacités, de ses talents et de ses goûts. Si nous reprenons l’exemple de Ludo, ses goûts le portent vers le Street Art et ses compétences sont déjà avérées. Il ne s’agit pas là d’une lubie puisqu’il le pratique tous les jours et qu’il a développé de l’expérience en la matière. Pourquoi vouloir alors étouffer son potentiel au nom d’une pression sociale ? Est-ce que la mère de Pablo Picasso lui a dit un jour : « Range tes dessins, c’est moche, ça ressemble à rien, c’est pas comme ça que tu vas gagner ta vie ! » Nous n’en savons rien… Ludo, 14 ans Ludo vient en consultation, à sa demande, car il dit ne pas être satisfait de ses résultats scolaires. Il termine sa troisième avec une moyenne générale de 12,8 sur 20. À notre « Waouh ! for- midable ! » d’encouragement, le jeune homme répond : « Bah non, c’est pas terrible. Ce sont mes notes de sport et d’arts plastiques qui remontent ma moyenne. Sinon j’ai 8 en maths ! C’est pas grâce au dessin que je vais avoir le bac. » Quand nous lui demandons ce qu’il aimerait faire plus tard, Ludo se referme et n’ose pas répondre. Nous insistons un peu et la réponse est édifiante : « Dans l’absolu, je rêverais d’être artiste dans le Street Art mais les profs m’ont dit qu’il valait mieux que j’oublie car il n’y a pas de débouchés dans ce domaine. De toute façon, ils ont raison, je ne peux pas tout miser sur le des- sin car si je me plante, je n’aurai rien comme vrai travail. » APPRENDRE C’EST... ? - 37 - - 37 - Apprendre qui l’on est, c’est pouvoir gagner assez de confiance en soi pour oser entreprendre, tenter, essayer, prendre des risques. Ce qui ne veut pas dire être té- méraire et foncer tête baissée dans n’importe quelle direction au gré de ses envies. Pour autant, la période de l’enfance (et de l’adolescence) est celle où l’on peut le plus expérimenter, se tromper, avoir le droit de changer d’avis, apprendre de ses erreurs avant de faire des choix « définitifs » (sachant que ça n’est jamais définitif). Combien d’entre vous, chers lecteurs, font le métier que vous vouliez faire lorsque vous étiez enfant ? Père Noël-pompier, princesse, banquier-mécanicien, maîtresse d’école, marchande de glaces, docteur des animaux, mari de Rihanna, éleveur de triops… (Nous précisons que chacun des exemples est véridique ! Mention spé- ciale pour « mari de Rihanna ».) Si l’on accepte les rêves de son enfant, sans les casser dans l’œuf, on lui témoigne une confiance illimitée et, surtout, on lui offre la possibilité d’oser penser un projet aussi irréaliste soit-il. Sachant qu’à six ans, il ne peut penser son projet que par le prisme de son environnement, qu’avec ce qu’il a sous les yeux et dans la tête ; le champ des possibles lui est alors grand ouvert. APPRENDRE AVEC LA PÉDAGOGIE POSITIVE - 38 - Trop souvent nos peurs de parents (voire notre réalisme désillusionné) viennent envahir les rêves de notre enfant, et nous conduisent à lui imposer le projet que nous nourrissons inconsciemment pour lui. Apprendre, c’est vivre avec les autres Apprendre, c’est aussi apprendre à interagir avec les autres en société ; c’est respec- ter l’ordre social pour garantir la sécurité physique et affective de tous. C’est donc apprendre les règles de vie qui en découlent. Contrairement aux discours ambiants et aux débats actuels, cet apprentissage ne se résume pas à la famille et à la sphère privée de l’enfant. C’est à l’école que l’enfant va être le plus souvent, et le plus longtemps, confronté à cet apprentissage. Apprendre à vivre avec les autres, apprendre des autres, dé- velopper sa capacité à se mettre en lien et communiquer, même avec ceux qui ne nous sont pas immédiatement sympathiques. Ce n’est pas un apprentissage facile, c’est même, selon nous, le plus difficile. Lorsque nous recevons au cabinet des enfants qui demandent « A quoi ça sert l’école ? Je préfère rester chez moi, je peux apprendre sur Internet, à la télé ou avec maman », nous mettons toujours l’accent sur la fonction sociale de l’école, comme lieu d’apprentissage des règles de vie en société. C’est à l’école que je vais jouer, répéter, m’entraîner à devenir l’être social qui plus tard travaillera et participera à la vie collective. À la crèche, et même encore à la maternelle, l’accent est mis sur la socialisation car il n’y a pas encore, ou pas encore trop, d’enjeu sur les apprentissages académiques. Dès que l’enfant approche du CP, l’on bascule alors la priorité sur les apprentissages plus scolaires et les fameux « savoir-faire » car les savoir-vivre ensemble, même s’ils sont encore présents sur le papier, sont censés être acquis. Nous sommes malheureusement souvent témoins de la défaillance du système scolaire concernant cette dimension. À la décharge des enseignants, il semble que APPRENDRE C’EST... ? - 39 - - 39 - l’organisation du travail au sein de l’Éducation nationale n’ait pas pensé les temps de pause et de récréation comme faisant partie intégrante d’un apprentissage social. Nos patients enseignants sont d’ailleurs les premiers à souffrir de ne pas pouvoir penser et trouver d’autres alternatives. Ce qui aboutit à un cercle vicieux où les enfants sont souvent renvoyés à eux-mêmes pour régler les conflits inter- personnels (« la maîtresse a dit qu’on doit se débrouiller tout seul »), ou punis sans en tirer une vertu pédagogique. Comme si l’on apprenait sur le tas uploads/s3/ la-pedagogie-positive.pdf

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