1 Le Cas de Gaël1 Guy Brousseau2 Remerciements à Jacques Pérès3 et à Virginia W

1 Le Cas de Gaël1 Guy Brousseau2 Remerciements à Jacques Pérès3 et à Virginia Warfield4 Introduction 1 (initialement pour l’édition en langue anglaise) Un des articles les plus connus de la littérature grise dans le champ de la didactique des mathématiques est le "cas de Gaël" qui apparaît dans la thèse doctorale de Guy Brousseau en 1986. C'est cet article qui modifié, clarifié et traduit est le principal contenu du présent article. Dans le but d'expliquer son importance nous commencerons avec l'origine de cet article et de son auteur. Guy Brousseau a commencé sa carrière dans une classe, enseignant, expérimentant, observant et écrivant des rames de notes. Il passa ensuite les années 60 à la fois à étendre ses connaissances mathématiques et à utiliser la connaissance qu'il avait acquise dans la classe, comme base pour interpréter les travaux de différentes disciplines qui à l'époque intéressaient l'enseignement, entre autres mais principalement ceux de Piaget, mais aussi ceux d'innovateurs comme Diénès. Cette combinaison produit, en 1970, la théorie des situations, qui va engendrer tout le champ de la didactique des mathématiques. Une brève présentation de cette théorie apparaît dans l'introduction générale ci dessous. Mais ce n'était pas une théorie destinée à rester purement décorative. Brousseau était déterminé à l'éprouver, à la développer et au besoin à la changer au moyens d'expérimentations sérieuses. A cet fin, il se joignit aux efforts d'une équipe de mathématiciens de Bordeaux qui, dans le mouvement de nombreux mathématiciens français conduits par A. Lichnérowicz, essayaient d'obtenir du Ministère de l'éducation des moyens pour moderniser l'enseignement des mathématiques. Ces moyens furent les IREM (Instituts de Recherches pour l'Enseignement des Mathématiques) où les universitaires et les professeurs en activité pouvaient ensemble entreprendre des réflexions, des recherches et des actions combinant leurs champs respectifs de compétence. Leurs actions aboutirent. L'IREM de Bordeaux fut opportunément fondé, un des premiers en France et Brousseau y entra pour l'aménager en fonction de ses projets. Pour cela il persuada les responsables de l'éducation et ceux de son Université de créer un établissement organisé pour l'observation. Il comprend outre quelques moyens matériels et humains spéciaux, l'école J. Michelet qui combine les propriétés d'être une école élémentaire publique ordinaire et d'avoir un statut particulier pour permettre l'observation et l'enregistrement des activités normales d'enseignement des mathématiques et de leurs résultats et quelques expérimentations étroitement limitées et contrôlées (sans projet d'innovation). Les conditions spécifiques des études sur les échecs électifs dont est extrait “ le cas de Gaël ” sont décrites ci après, mais il semble assez important de pointer une des nombreuses façons dont ces cas entrent en résonance avec des contextes familiers. Au cours de ma première lecture de l'article original, j'étais hantée par un sentiment que j'avais déjà rencontré Gaël et ses amis dans quelque autre circonstance, sous un autre nom. Par hasard, une illumination me saisit qu'ils pourraient être tout droit sortis des pages de "pourquoi les enfants échouent" de John Holt. Ruth influence son instructeur avec la même douce soumission que montre Gaël, mais elle l’oblige ainsi inconsciemment et progressivement à réduire à presque rien le contenu des problèmes, comme le fait Cyrille par des moyens fort différents plus proches de ceux d’Emily que Holt appelle “ l’arracheuse de réponses ”, probablement à cause de la même incapacité à supporter l’incertitude. Gaël et Cyrille eux-mêmes ont beau être de petits élèves français, ils représentent une légion internationale. Introduction générale 1 Cet article présente des textes produits en 1980 et déjà en partie publiés (Cf. Bibliographie) mais il les augmente et les commente à l’occasion de leur traduction et de leur publication en Anglais (Cf. Bib). 2 Professeur émérite de Mathématiques à l’IUFM d’Aquitaine. 3 Remerciements à Jacques Pérès psychologue scolaire, docteur en Psychologie qui a collaboré au COREM et en particulier aux observations des élèves en échec électif en mathématiques entre 1976 et 1980. 4 Remerciements à Virginia Warfield, Senior Lecturer in Mathematics à l’Université du Washington. Elle a participe à la nouvelle rédaction et l’a traduite en anglais 2 Gaël est un des neuf enfants en difficultés électives que j’ai essayé d’aider par un petit nombre d’interventions didactiques cliniques entre 1976 et 1983. Je préparais alors mes interventions, les enregistrais, les transcrivais et les analysais avec mon ami Jacques Pérès et une petite équipe de collaborateurs et d’étudiants. Les études portaient 1. sur le genre d’intervention susceptible d’améliorer les comportements et les connaissances mathématiques de ces enfants, 2. sur les caractères qui les différenciaient des autres (ils avaient une manière spécifique de se comporter ou d’échouer, échouaient ils sur les mêmes questions que les autres élèves en échec ou non?), 3. et sur les connaissances qui leur manquaient. Elles ont attiré l'attention sur deux formes d'évitement de l'apprentissage en situation scolaire : l'évitement de forme "hystéroïde" de Gaël et l'évitement de forme obsessionnelle plus fréquent et plus visible. Ces études étaient menées en parallèle avec d’autres recherches et toutes tendaient à développer et à mettre à l’épreuve la théorie des situations didactiques en cours d’élaboration. La théorie des situations est fondée sur l’idée que les connaissances humaines se manifestent par leur rôle dans les interactions entre des systèmes : sujets, milieux ou institutions. A chaque connaissance il serait possible d’associer un nombre limité de types d’interactions spécifiques dont le bon déroulement requiert ou même fait développer cette connaissance. Les situations caractéristiques des connaissances mathématiques peuvent être étudiées et même modélisées dans le cadre des mathématiques ce qui permet parfois de prévoir leur évolution par le calcul. L’enseignement d’une notion consiste donc à mettre en scène ses situations et à conduire les interactions dans lesquelles le sujet peut ainsi entrer. Il est lui même une interaction. On a montré que cette interaction est elle aussi largement spécifique du savoir enseigné mais qu’elle suit un modèle - la situation didactique - nécessairement différent des modèles de mise en œuvre non didactique du savoir. Ce résultat change toute l’approche de l’éducation mathématique et de la formation des professeurs. L’étude théorique et expérimentale des situations didactiques et leurs conséquences pratiques est une longue histoire dans laquelle “ le cas de Gaël ” a tenu une place importante. On peut distinguer pour cela trois raisons principales : 1. La situation proposée à Gaël tend à remplacer les définitions constructives de la soustraction (l'élève reproduit un algorithme qui lui est montré et qui donne le résultat demandé) par une définition "algébrique": il faut trouver un nombre qui satisfait une condition (la différence est ce qu'il faut ajouter à un nombre pour en trouver un autre 39 +  = 52 ). Elle est le prototype des situations avec lesquelles on a exploré les possibilités de remplacement, dès que possible, de l'arithmétique par l'algèbre dans l'enseignement primaire. 2. En proposant la compréhension d'une relation et la recherche d'un objet qui la satisfait au lieu de l'apprentissage de la construction d'un terme, la situation a mis en évidence de façon aiguë les conditions paradoxales de toute situation didactique qui rend à la fois nécessaire et impossible à tenir tout contrat didactique effectif. Le concept a pris naissance dans cette expérience. 3. Enfin cette expérience met en lumière les rapports et les différences irréductibles entre les approches didactiques, psycho-cognitives et psycho-affective de la situation d'enseignement. A. DESCRIPTION ET ETUDE DU CAS DE GAËL 1. PREMIERE SEANCE 1.1 - Soutien et observation : Les voitures rouges Au début de cette première séance, l’intervenant pose à Gaël la question suivante : "Sais-tu qu'est- ce que tu n'as pas bien réussi cette semaine, et qu'est-ce que tu as bien su. faire". Il n'obtient que des réponses évasives. L'enfant prend son cahier et tous les deux examinent les travaux de la semaine. Ils choisissent finalement un problème que Gaël a fait faux et dont l'énoncé est : Dans un parking il y a 57 voitures. 24 de ces voitures sont rouges. Trouver le nombre de voitures du parking qui ne sont pas rouges. Gaël réfléchit un instant puis déclare : 3 "Je vais faire comme j'ai appris avec la maîtresse." Il pose en colonne l'opération 57 + 24 et trouve 81. C'est exactement ce qu'il avait fait dans la semaine. Il semble donc que Gaël maîtrise l'addition qu'il doit manier fréquemment mais il ne se pose aucune question sur l'opportunité de son emploi, il se couvre de l'autorité de la maîtresse pour justifier un emploi automatique de l'opération. Il ne tient aucun compte des corrections faites en classe. L'intervenant déclare, sans insister toutefois, comme une remarque générale, qu'il faut aussi savoir quand il faut faire une addition, une soustraction ou autre chose ; et plutôt encourageant, il propose à Gaël de dessiner les voitures "mais pas toutes, car ce serait trop long" . Gaël dessine donc un rectangle et écrit 57 au milieu. L’intervenant sera désormais désigné par « I » et Gaël par « G » I questionne : "Est-ce qu'il y a toutes les voitures ? " G: (Gaël) "Il y a toutes les voitures qui ne sont pas rouges. " I: "Il n'y uploads/s3/ le-cas-de-gael.pdf

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