1 Analyse T4, TD n° 6 / octobre novembre 2016 Introduction aux distributions 1.

1 Analyse T4, TD n° 6 / octobre novembre 2016 Introduction aux distributions 1. Fonctions tests. 2. Distributions sur R. 3. Exemples de distributions. 4. Dérivation, multiplication. 5. Equations différentielles. 6. Distributions sur Rn. 7. Exercices corrigés. Pierre-Jean Hormière _______________ Introduction1 Il est arrivé à maintes reprises que certaines exigences de la physique, par exemple, aient conduit les utilisateurs des mathématiques à des « calculs » non rigoureusement justifiables au moyen des concepts mathématiques existants, mais qui traduisaient avec succès la réalité expérimentale. C’est ainsi qu’en 1894 l’ingénieur Heaviside (1859-1925) introduisit dans l’étude des réseaux électriques les règles de son calcul symbolique, qui ne fut justifié mathématiquement que postérieurement. L’étude des équations aux dérivées partielles conduisait aussi à des extensions des matériaux mathématiques traditionnels. Le problème de Dirichlet (trouver une fonction harmonique dans un ouvert de Rn connaissant ses valeurs sur la frontière) avec les méthodes de l’espace de Hilbert, a conduit les mathématiciens à généraliser les solutions acceptables d’une telle équation en introduisant la notion de solution faible. Le soviétique Serguei Sobolev (1908-1989) a construit, en 1934, des classes de fonctions généralisées qui justifiaient de manière rigoureuse ce genre de considération. Les transformations de Fourier et de Laplace conduisaient aussi à généraliser des fonctions. En 1926, P.A.M. Dirac (1902-1984) introduisait en physique mathématique sa célèbre « fonction » δ0, nulle en dehors de l’origine et d’intégrale égale à 1, qui représentait une impulsion unité à l’instant t = 0, donc d’effet nul pour t ≠ 0. Puisque δ0 n’est pas une fonction au sens usuel (car une fonction nulle pour t ≠ 0 est d’intégrale nulle), sa justification mathématique correcte conduisait à une extension de la notion de fonction. Cette extension a été présentée sous sa forme actuelle entre 1945 et 1955 par le français Laurent Schwartz (1915-2002), dans le cadre des espaces vectoriels topologiques ; parmi ses nombreuses applications, citons : les équations aux dérivées partielles linéaires, la représentation des groupes de Lie, les processus stochastiques, les variétés différentiables, la physique mathématique, la physique expérimentale (« déconvolution » et identification de systèmes). Comme le note Roger Godement : « La théorie générale des distributions, qui valut à Schwartz la première médaille Fields française en 1950, ne contenait aucun théorème vraiment « profond » − il n’en est pas de même, à beaucoup près, de ses applications − et demandait « seulement » la capacité de détecter des analogies entre une douzaine de 1 Tirée de l’Encyclopedia universalis (Paul Krée) 2 domaines disparates et d’isoler le principe général qui unifierait tout. Les philosophes des sciences appellent cela un paradigme, une vision nouvelle qui non seulement met de l’ordre et de la clarté dans le chaos, mais aussi et surtout permet de poser de nouveaux problèmes. La gravitation universelle, l’analyse de Newton et Leibniz, la théorie atomique en chimie, les théories de l’évolution de Darwin, de l’hérédité de Mendel, les bactéries de Pasteur, la relativité et la mécanique quantique, etc. » 2. Dans cet exposé, on considère d’abord les fonctions et distributions à une variable. L’extension à plusieurs variables est esquissée au § 6. 1. Fonctions tests. 1.1. Rappels de calcul différentiel. Nous nous contenterons ici de deux résultats. Théorème de la limite de la dérivée : Soient I un intervalle de R, a un point de I, f : I → R une fonction dérivable sur I−{a} et continue en a. Si limx→a,x≠a f’(x) existe et vaut L, alors f est dérivable en a et f’(a) = L. Ce résultat est une conséquence du théorème des accroissements finis. Théorème de division des fonctions dérivables : Soit f une fonction C∞ sur R. Les propriétés suivantes sont équivalentes : i) f(0) = f’(0) = … = f(n−1)(0) = 0 ; ii) Il existe une fonction g de classe C∞ sur R telle que ∀x f(x) = xn g(x). Le sens ii ⇒ i) est facile. La réciproque découle de la formule de Taylor avec reste intégral, car alors, pour tout x : f(x) = ∫ − − − − x n n dt t f n t x 0 ) 1 ( 1 ). ( )! 1 ( ) ( = xn ∫ − − − − 1 0 ) 1 ( 1 ). ( )! 1 ( ) 1 ( du xu f n u n n , en posant t = xu. La fonction g(x) = ∫ − − − − 1 0 ) 1 ( 1 ). ( )! 1 ( ) 1 ( du xu f n u n n est C∞ en vertu du théorème de dérivation des intégrales à paramètre sur les segments. Bien entendu, ce résultat s’étend à tout autre point que 0. 1.2. Notion de fonction plate. Définition 1 : Soient I un intervalle non trivial de R, a un point de I. Une fonction f : I → K = R ou C de classe C∞ est dite plate en a si toutes ses dérivées sont nulles au point a. Propriétés générales : 1) Si f est plate en a, la série de Taylor de f en a est la série nulle. 2) Une fonction f plate en a vérifie f(x) = o((x – a)n) pour tout n, au voisinage de a. Cela découle aussitôt du théorème de Taylor-Young. 3) La réciproque est fausse. Si f(x) = o((x – a)n) pour tout n, au voisinage de a, f est continue et dérivable en a, f(a) = f’(a) = 0, mais on ne peut en dire plus, comme nous verrons. 4) En revanche, si f est C∞ sur I et vérifie f(x) = o((x – a)n) pour tout n au voisinage de a, alors f est plate en a. 5) Si f est C∞ sur I et plate en a, pour tout n et tout x, f(x) = ∫ + − x a n n dt t f n t x ). ( ! ) ( ) 1 ( . Cela découle de la formule de Taylor avec reste intégral. Ici, la suite des restes ne tend pas vers 0, elle est au contraire constante et égale à f(x). 2 Roger Godement (1921 – 2016), Analyse mathématique, tome II, p. 179 (Springer, 1998) 3 6) Les fonctions de I dans K plates en a forment un sous-espace vectoriel et un idéal de C∞(I, K). De plus si f est plate en a, il en est de même de f’ et de F(x) = ∫ x a dt t f ). ( . La deuxième assertion découle aussitôt de la formule de Leibniz. 7) Soient I et J deux intervalles non triviaux, g : I → J une fonction C∞, g(a) = b et f : J → K une fonction C∞ plate en b, alors h = f o g : I → K est C∞ et plate en a. En effet, h est C∞ comme composée, et son développement limité en a est nul à tous ordres par composition des développements limités. h est plate en tous les points a tels que g(a) = b. 8) Si une fonction f est plate en a et développable en série entière au V(a), elle est identiquement nulle au V(a). Tout cela est bien joli… à condition qu’il existe des fonctions plates non nulles ! Un premier exemple de fonction plate. En 1822, sous le règne du bon roi Louis XVIII, Augustin Cauchy a démontré l’existence de fonctions plates non triviales. Ces fonctions n’étaient alors que des contre-exemples, des curiosités mathématiques. Nul ne pouvait penser, alors, que ces contre-exemples deviendraient plus tard les matériaux de base d’une théorie. De même, qui pouvait penser que les fonctions continues nulle part dérivables seraient les matériaux de base des fractales ? Considérons la fonction f définie par f(x) = x e / 1 − pour x > 0. Elle est de classe C∞ et vérifie f’(x) = 2 1 x x e / 1 − , f’’(x) = 4 1 2 x x+ − x e / 1 − . Donc f est croissante, convexe sur ]0, ½], concave sur [½, +∞[, de limite 0 en 0+, 1 en +∞. Prolongeons f par continuité en 0 en posant f(0) = 0. Pour tout entier n ≥ 1, f(n)(x) = (−1)n−1 n n x x P 2 ) ( x e / 1 − , où Pn est un polynôme à coefficients dans Z, de degré n−1, de terme dominant n! xn−1 et de terme constant (−1)n−1. Cela se montre par récurrence sur n. C’est vrai aux rangs n = 1 et 2. Si c’est vrai au rang n, alors f(n+1)(x) = (−1)n−1[ n n x x P 2 ) ( ' − 1 2 ) ( 2 + n n x x nP + 2 2 ) ( + n n x x P ] x e / 1 − = (−1)n 2 2 1 ) ( + + n n x x P x e / 1 − , où Pn+1(x) = ( 2nx – 1 uploads/s3/ maths4-td-6-support.pdf

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