LES REMONTRANCES DE LA NATURE A L’ALCHIMISTE ERRANT, AUTEUR JEAN DE MEUNG Comme

LES REMONTRANCES DE LA NATURE A L’ALCHIMISTE ERRANT, AUTEUR JEAN DE MEUNG Comme nature se complaint, Et dit sa douleur & son plaint, A un sot souffleur, sophistique, Qui n’use que d’art mécanique. A PARIS Chez Guillaume Guillard, & Amaury Warancore, rue S. Jacques à l’enseigne S. Barbe. 1561 élas que je suis douloureuse, Me voyant ainsi malheureuse, Quand je pense à toi, genre humain, Que Dieu a formé de sa main, A sa semblance, & vraie Image, Pour le parfait de son ouvrage, Qui sur toute autre créature, Te dérègle tant de Nature, Sans user par temps & raison, En tes faits de dame Raison. Je parle à toi sot sans astique, Qui te dis & nomme en pratique Alchimiste, & bon philosophe : Et tu n’a savoir, ni étoffe, Ni théorique, ni science En l’art, ni de moi connaissance. Tu romps alambics grosse bête, Et brûle charbon qui t’entête : Tu cuis aluns, sels, orpiments, Et fonds métaux, brûle attraments, Tu fais grands & petits fourneaux, Abusant de divers vaisseaux. En effet je te certifie Que j’ai honte de ta folie. Qui plus est, grande douleur je souffre Pour la fumée de ton soufre. Et par ton feu chaud, qui arde gent, Tu crois fixer vif argent Qui est volatil & vulgaire, Et non celui dont je fais métal. Pauvre homme tu t’abuse bien : Par ce chemin ne fera rien, Si tu ne marche d’autres pas. Mal tu uses de mes compas : Mal tu entends mon artifice. Mieux vaudrait faire ton office, Que tant dissoudre & distiller Tes drogues puis les congeler Par alambics, & descensoires, Cucurbites, distillatoires, Par pélicans, & matras : Jamais tu ne l’arrêtera. Puis tu fais pour ta fixation, Feu de réverbération, Voire si très chaud que tout fond. Ainsi tes œuvres se perdront. Enfin perds l’autrui & le tien. Jamais n’y trouvera rien, Si tu n’entre dedans ma forge, Où je martèle & toujours forge Métaux, ès terrestres minières : Car là tu verras les manières Et la matière de quoi j’œuvre. Ne crois pas que te découvre Le mien secret, qui tant est cher, Si premier tu ne vas chercher Le germe de tous les métaux, Des animaux, & végétaux, Qui sont en mon pouvoir tenus, Et en la terre détenus. L’un quant à génération, Et l’autre, par nutrition. Les métaux, n’ont forts que l’essence : Les herbes ont être & croissance : Les bêtes ont la sensitive, Qui est plus que végétative : Métaux, pierre, & attraments Je procrée des éléments : Deux je fais cette mixtion Et prime composition, Léans au verre de la terre, N’ailleurs oncques ne les dois querre Les herbes ont graines expresses, Pour conserver ci leurs espèces : Et les bêtes portent semence, Dont elles engendrent leur semblance. Bref, chacun fait bien son devoir, Sans me tromper, ni décevoir. Mais toi homme tout plein de vice, Entreprenant sur mon office, Tu te dévoie de nature, Plus que nulle autre créature. Métaux n’ont vie nullement, Ni nourriture aucunement Pour pulluler & augmenter, Ni nul pouvoir de végéter : Ils n’ont semence générable : Ainsi n’engendrent leurs semblable. Ils sont créés en prime instance Des éléments, & leur substance : De ces parties je les fais naître. Les métaux & pierres, n’ont qu’être. Toutes les pierres sont frangibles, Et tous les métaux sont fusibles : Après leur fusion, fixables Doivent être & bien malléables. Les uns par dépuration Reçoivent grande perfection, Comme l’or fin, par mon art gent, Que je dépure, & fin argent : Mais les autres plus impurs sont : Pour ce que le vif argent ont Trop crud, & leur soufre terrestre Trop aduste. Si ne peut être Tel m étal mis en pureté : A cause que n’a mérité La matière forme si bonne : Car tous mes faits tant bien j’ordonne, Que chacun son espèce amène, Selon que la matière est saine. Si savoir veux où je recouvre Matière à ce tout premier j’œuvre Le cabinet de mes secrets Par outils, subtils discrets, Et vais chercher propre matière Prochaine pour faire minière : Laquelle je prends ès boyaux De mes quatre éléments royaux, Qu’est la semence primitive, Contenant forme substantive, En simplicité composée, Préparée & bien disposée A transmuer les quatre en un Sous genre général commun. Lui donne, tant suis bénigne, Par mon art vertu métalline, Dont sont faits métaux purs impurs, Les uns mous les autres durs. Je l’ai des éléments extraite Par mes ciels l’ai ainsi portraite, Laquelle par longtemps je mène De la matière primeraine En prochaine & propre matière Dont je fabrique ma minière : Puis soufre & vif argent en sortent Qui en métaux se convertissent. Non pas tel vif-argent & soufre Que tu vois : jamais ni le souffre Car par contraires qualités Sont transmués & agités De leur propre en autre nature. Matière ainsi par pourriture, Et idoine corruption, Au moyen de privation, Que la forme première tue, Puis de nouvelle est revêtue : Et par la chaleur naturelle Que la matière tient en elle Excitée de tous les cieux, Avec le feu gracieux Que je sais en ma forge faire, Enfin telle que la matière Est bien susceptible & la tire. Ainsi privation & forme, Et matière dont je t’informe Sont mes principes ordonnés, Qui d’en haut me furent donnés : C’est mon maître le créateur Que commanda comme un auteur Qui de matière universelle Je fisses, comme mon ancelle, Transmuer les quatre éléments Par mes actes & régiments Sous une forme générale De toute espèce minérale. Si tu sais par mon art naturel Circonférer le beau soleil En vingt & quatre heures la terre : Lequel jamais faut ni n’erre D’exciter par son mouvement Chaleur en chacun élément : Aussi fait la huitième sphère, Les sept planètes, & leur père, Qui est le grand premier mobile Lequel ravit, tant est habile, Avec lui les sphères toutes : En n’y faut point faire de doutes. Son chemin fait en occident : Et les autres, sans accident, Font au contraire tous leurs cours. Si conduis les longs & les courts, Comme Saturne qui son temps Et son cours parfait en trente ans : Jupiter en douze le fait : Et Mars en deux ans le parfait. Le beau Soleil père de vie Sa circonférence assouvie, En passant par un chacun signe Justement un an y assigne Et six heures, pour tout le compte. Vénus, dont on fait si grand compte, Mets trois cent quarante & neuf jours : Et puis Mercure fais son cours En trois cent trente neuf en somme. La Lune, prochaine de l’homme, Vingt & neuf & demi demeure A passer les douze & quelque heure. Et ainsi par leur cours divers, Sont causés, étés & hivers, Es éléments mutations, Et à bas génération. Et jamais viens, qui soit sensible Ou soit visible ou invisible Ne peut être ni avoir lieu Sans moi, sans les cieux, & sans Dieu. Ainsi sont les cieux toutes choses Qui sont dessous la Lune encloses, Et envoient leur influence Sur la matière en sa puissance. Et la matière forme appète, Comme femme l’homme souhaite. Tant d’étoiles sont au ciel mises, Sous qui matières sont soumises Et sujettes, en divers nombres. Unes sont claires, autres sombres : Tant & tant sont innumérables, Que ce sont choses admirables. Ainsi diverse choses sont, Pourtant de divers cours elles ont Lassus au ciel a des vertus D’espèces les individes. Et saches que ne sont perdues Tant d’influences nullement Quand descendent sur l’élément De la terre, posé qu’elles soient Invisibles, & ne se voient, Et qu’avant qu’elles tombent sur la terre Sont si pressés & en telle serre, Que par la force l’une & l’autre entre En pénétrant jusqu’au centre En si très diverse manière Qu’elles font dedans la minière Diverses générations, Par diverses impressions, Sans erreur & sans nulles fautes Obéissant les basses aux hautes. Si est la terre environnée, Des cieux dont elle est ornée, En recevant leurs influences Et très agréable substances. Dont sa vertu chacun veut mettre Et jusqu’au centre pénètre, Et par mouvement & chaleurs S’engendrent en terre vapeurs, Aussi sont les exhalations ; Des primes compositions. La vapeur est froide & humide, Voire que demeure & réside Et est en terre retenue : Mais si elle v en la nue, Humide & chaude pourra être. L’autre, que demeure terrestre Et qu’est enfermée & enclose, Par laps de temps je la dispose En soufre, qui est son agent. Lors es seconde mixtion De prime composition. Le tout est tiré de la masse Des quatre éléments que j’amasse, Comme t’ai déjà dit ci-devant : Et pour toi j’en parle souvent, Afin que point tu ne t’abuses, Et qu’en pratique ne t’amuses. Après la putréfaction, Se fait la génération, Par chaleur, qui est annexée Dedans l’œuvre déjà commencée, Très amiable, sans ardeur, Afin d’échauffer la froideur Du vif argent : lequel tant souffre Qu’il est fait un avec son soufre . Le tout en seul vaisseau uploads/s3/ meung-j-les-remontrances-de-la-nature-a-l-x27-alchimiste-errant.pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager