Quand la photographie renouvelle la peinture et les arts graphiques : le cadrag

Quand la photographie renouvelle la peinture et les arts graphiques : le cadrage INTRODUCTION Au XIXe siècle, des innovations techniques modifient les pratiques artistiques et notre regard sur le monde qui nous entoure. Inventée en 1839 par Daguerre, la photographie est sans doute la plus importante lorsqu’il est question d’image et de représentation. Le XIXe siècle est aussi celui des expéditions colonialistes, des voyages à la découverte de l’Orient ou de l’Afrique : la photographie devient un médium privilégié qui permet de fixer en images, de témoigner et de documenter. Car elle apparaît comme plus objective pour saisir le réel. Pourtant, tout comme la peinture et le dessin, elle induit une lecture, dirige notre perception. À son tour, la peinture va s’emparer des apports de la photographie pour donner à voir autrement : jeux sur le cadrage, la lumière, mais aussi l’utilisation exclusive du noir et blanc. Plusieurs artistes peintres ont recours à la photographie dans leur démarche créatrice. Par Exemple, Félix Vallotton développe lui-même ses images, puis les utilise comme support formel pour ses tableaux. La photographie influence ses choix de cadrage, mais aussi la prise en compte du hors-champ de l’image : Vallotton peint les ombres portées de personnages qui n’apparaissent pas dans l’œuvre. DÉFINITIONS Cadrage : c’est l’action de délimiter les contours de l'image, de choisir ce qu'il y a à l'intérieur, visible par le spectateur. Ce qui est à l’intérieur du cadre se trouve dans le champ, et tout ce qui n’est pas dans le cadre est hors-champ. Le cadrage induit un plan de I’image (gros plan, plan d’ensemble, etc.) et un angle de vue (en plongée, contre-plongée, frontale). L’angle de vue : il correspond à la position de l'observateur par rapport au sujet de l'image. Vue en plongée : l'observateur est placé au-dessus du sujet. Vue en contre-plongée : l'observateur est placé au-dessous du sujet. Vue frontale : l'observateur est au même niveau que le sujet Mots-clés : fragment, hors-champ, point de vue. Histoire de l’art : post-impressionnisme, synthétisme et cloisonnisme, Nabis, japonisme. Estampes japonaises (Hiroshige, Hokusai) et chinoises (Shitao). ACTIVITÉS Parmi les œuvres de l’exposition présentées ci-dessous, trouvez celle qui présente une vue en plongée, une vue en contre-plongée, une vue frontale. Félix Vallotton, Charles-François Daubigny, Henri de Toulouse-Lautrec, La manifestation Péniche au bord de l’Oise La loge au Mascaron Doré Réponse : vue en plongée Réponse : vue en contre plongée Réponse : vue frontale Parmi les œuvres de l’exposition présentées ci-dessous, trouvez laquelle est une vue d’ensemble, un plan rapproché, un très gros plan. Pierre Bonnard, Maxime Maufra, Edgar Degas, Scène de famille Bretons sur la route Femme au tub Réponse : très gros plan Réponse : vue d’ensemble Réponse : plan rapproché UNE IMAGE FRAGMENTÉE En choisissant son cadrage, l’artiste nous donne à voir un fragment, une fraction de quelque chose de plus vaste. Nous ne percevons alors qu’un morceau du réel, qu’une partie de la narration visuelle. Le spectateur imagine alors le hors-champ. Il est invité à construire mentalement la suite de l’image, au-delà du cadre. À votre tour ! Choisissez une des œuvres ci-dessous et imaginez le hors-champ de celle-ci. NB : dessin à imaginer sur la feuille A4 sur laquelle est reproduite, au centre, un des tableaux. Vous trouverez les trois modèles en fin de document. Ker-Xavier Roussel, Louis Valtat, Henri de Toulouse-Lautrec L’éducation du chien Ambroise Vollard L’Anglais au Moulin Rouge À la fin du XIXe siècle, des artistes utilisèrent la fragmentation de l’image et de ce qu’elle raconte, en employant des cadrages audacieux et des gros plans par exemple. Ils sont plus que jamais influencés par la photographie (l’invention de l’appareil Kodak en 1888 permet de fixer des images instantanément), mais aussi par les estampes japonaises. Celles-ci, appelées ukiyo-e, permettent aux peintres occidentaux de repenser l’espace, de remettre en cause la perspective occidentale (regard convergent vers le point de fuite). En effet, la perspective traditionnelle utilisée par les artistes nippons conduit le regard du spectateur à s’ouvrir, à sortir de l’image. Celle-ci implique une participation du spectateur pour reconstruire la narration visuelle. Dans les œuvres ci-dessous, la composition joue avec des fragments de mots et d’images. Expliquez pour chacune d’entre elles quels choix a fait l’artiste. Edouard Vuillard, Pierre Bonnard, Edouard Manet La pâtisserie Boulevard Le gamin RÉPONSES Dans l’œuvre d’Edouard Vuillard, le cadrage et l’angle de vue ne permettent pas de lire l’enseigne du second plan, car la première syllabe est hors-champ. Dans l’angle inférieur gauche, l’artiste a volontairement choisi de ne montrer qu’une partie de la table garnie de bouteilles et récipients, rendant ainsi difficile sa lisibilité. Également, la simplification du dessin accentue ce sentiment de fragmentation visuelle. Dans celle de Pierre Bonnard, intitulée « Boulevard », les enseignes sont en partie camouflées par le rythme des troncs d’arbres sur le boulevard. Dans celle d’Edouard Manet, le cadrage en plan américain camoufle le bas du corps de l’enfant et entièrement celui du chien. Nous sommes amenés à recréer ces mots et ces images dans leur intégralité. Pourquoi ? RÉPONSES Dans l’œuvre d’Edouard Vuillard, nous reformons le mot « pâtisserie » car le titre dirige notre interprétation, telle une clé permettant de comprendre l’image. Dans celle de Pierre Bonnard, notre rapport au réel nous permet de recomposer facilement les mots malgré ce jeu de cache-cache, car les troncs d’arbres sont suffisamment fins et rectilignes pour ne cacher qu’une lettre à chaque fois. Leur rythme est suffisamment espacé pour ne cacher que peu de lettres sur l’ensemble. Dans celle d’Edouard Manet, notre connaissance de l’image d’un corps humain et de celui d’un chien nous permet de reconstituer mentalement la partie inférieure des personnages, hors-champ. Toutefois, nous ne pouvons assurer avec certitude s’il s’agit d’un chien assis ou debout : chacun est libre de son interprétation. CI-APRÈS, RETROUVEZ LES DOCUMENTS-TYPES DE L’ACTIVITÉ « UNE IMAGE FRAGMENTÉE" Edouard Vuillard, La pâtisserie Lithographie (1899) POUR ALLER PLUS LOIN : PISTES PÉDAGOGIQUES INTERDISCIPLINAIRES Arts plastiques/français Les nabis et la Revue Blanche : Des écrivains expérimentent de nouvelles formes d’expression littéraire publiées dans un périodique, La Revue Blanche. Les peintres Nabis l’illustrent. La Revue Blanche propose (dans les trois suppléments intitulés Nib de 1895) des collaborations artistiques entre un écrivain et un peintre (Tristan Bernard et Toulouse-Lautrec, Jules Renard et Félix Vallotton, Romain Coolus et Pierre Bonnard) tant leurs préoccupations esthétiques se répondent. Au fragment visuel qui empêche d’appréhender la totalité de la scène représentée, répond le fragment textuel. La rupture narrative ainsi créée doit inciter le lecteur à dépasser le seul matériel du texte : il doit participer et construire par-delà le fragment. Exemple : Romain Coolus et Edouard Vuillard. La série lithographiée d’Edouard Vuillard intitulée « Paysages et intérieurs » (dessinée à partir de 1896 et publiée en 1899) nous renvoie directement aux « Aspects » de Romain Coolus (« Pâtisseries », « Pluie urbaine »), à la fois par les sources d’inspiration, mais aussi par l’usage de l’esthétique fragmentaire. L’estampe de Vuillard intitulée « La Pâtisserie » peut être étudiée parallèlement au texte de Coolus. Romain Coolus : t. III, op. cit., p. 33. - Pâtisseries « Derrière l’apparat translucide des hautes glaces luisent les séduisantes pâtisseries. Sur des assiettes qu’auréolent des cycles légers de fer filé fleurissent les cœurs sirupeux des tartelettes et les houppes vaporeuses des choux. Massifs, de puissants saint-honoré figurent en leurs architectures classiques des fragilités d’instituts. Sous le vernis de croûtes chatoyantes se pressentent les mollesses orientales des crèmes. Sur l’oreiller des pâtes souples des fruits aux saveurs savantes dorment parmi les glycoses et des gelées polychromes éclatent dans le soleil en des pyrotechnies variées. Viennent vos lèvres et les stations de vos gourmandises que gourmander messiérait. Aux heures déclinantes, vous vous plaisez, voilettes retroussées et toutes leurs abeilles noires sur vos fronts, en des attitudes qui vous confessent éjouies des sapidités dont vos papilles s’exaltent. Si affairées des choix successifs où votre éclectisme s’aventure et ravies des trouvailles qui, pour de proches désormais, vous meublent de fortifiantes certitudes ! Et puis, parmi les jupes, les toutes petites déjà vous s’appliquant à l’apprentissage et qui mûrissent leurs féminités, derrière l’apparat translucide des hautes glaces où lisent les séduisantes pâtisseries ». Arts plastiques/français/éducation musicale Picasso et Kurt Schwitters : Comment, au début du XXe siècle, les esthétiques collagiste, cubiste et dada s’approprient-elles le fragment, comme indice de réalité ? Comment le fragment devient-il un élément plastique incontournable de l’art contemporain ? Exemple : Kurt Schwitters « die ursonate » poésie phonétique, 1921-1932 Pablo PICASSO, Bouteille de vieux marc, verre et journal (1913) Arts plastiques/ technologie/sciences Étude et pratique des croisements entre les arts plastiques et les sciences, les technologies, les environnements numériques sur le thème du fragment et de la fragmentation. Liens avec les programmes d’arts plastiques Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 4. Entrées du programme : la représentation, les images, réalité et fiction. Le rapport au réel (sur sa perception via l'image donnée à voir) et la narration visuelle. Fil conducteur : l'utilisation du cadrage et du hors-champ pour uploads/s3/ mld-de-manet-a-picasso-rd2d.pdf

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