Cahiers de Narratologie Analyse et théorie narratives 29 | 2015 Street Art 1 En

Cahiers de Narratologie Analyse et théorie narratives 29 | 2015 Street Art 1 Enquête sur le graffiti en Chine Shiyan Li Electronic version URL: http://journals.openedition.org/narratologie/7400 DOI: 10.4000/narratologie.7400 ISSN: 1765-307X Publisher LIRCES Electronic reference Shiyan Li, « Enquête sur le graffiti en Chine », Cahiers de Narratologie [Online], 29 | 2015, Online since 05 February 2016, connection on 01 May 2019. URL : http://journals.openedition.org/narratologie/7400 ; DOI : 10.4000/narratologie.7400 This text was automatically generated on 1 May 2019. Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle. Enquête sur le graffiti en Chine Shiyan Li L’état des lieux de la recherche actuelle sur l’art du graffiti en Chine 1 En Chine l’art du graffiti est introduit dans les années 1980 à travers certaines revues artistiques, mais c’est en 1990 que cet art est apparu pour la première fois sur la scène artistique grâce à l’artiste Zhang Dali (né en 1963 à Heilongjiang). Ce dernier est considéré comme le premier artiste à proposer un art du graffiti par les critiques d’art influents. 2 Actuellement en Chine, il y a très peu de recherches universitaires consacrées à l’art du graffiti. À ma connaissance, il existe deux mémoires de master II: l’un est celui de Wang Jing, intitulé L’expression de l’anti-culture dans l’art du graffiti aujourd’hui (Fanwenhuaxing zai dangdai tuyayishuzhong de biaoxian) soutenu en 2007 au Hubei Institute of Fine Arts, l’autre est celui de Wei Hua : La recherche de faisabilité du développement de l’art du graffiti en Chine ( Tuyayishu zai zhongguo fazhan de kexingxing yanjiu), soutenu en 2008 à la Central China Normal University. Aucun historien d’art ou critique d’art chinois de premier plan ne s’intéresse au développement du graffiti en Chine. C’est souvent à travers les différents médias et surtout par les messages de bloggeurs passionnés de graffiti que le public peut recevoir des informations dispersées sur cette forme d’expression nouvelle désormais considérée comme relevant de l’art en Chine. En Occident on compte quelques études consacrées au graffiti en Chine : celle de Minna Valjakka, chercheuse à l’Université d’Helsinki qui publie en 2011 un article intitulé « Graffiti in China – Chinese Graffiti1? » ; celle de Norbert Kirbach, artiste allemand et spécialiste du graffiti qui publie un article intitulé « Street art in Hong Kong – Communication in Public Spaces » en 2014 dans l’ouvrage collectif intitulé Crossing China. Land of Rising Art Scene2 ; celle de Pan Lü, chercheuse à l’Harvard-Yenching Institute qui publie en 2015 un livre intitulé Aesthetizing Public Space Street, Street Visual Politics in East Asian Cities3 dans lequel il y a deux parties consacrées au sujet qui nous intéresse. Des documentaires viennent compléter ce corpus de publications pour aider à connaître ce champ aujourd’hui à peine abordé. On notera Enquête sur le graffiti en Chine Cahiers de Narratologie, 29 | 2015 1 celui de l’artiste Seth (Julien Mallant) qui a été réalisé en 2010 et diffusé par la chaine Canal+. On trouve dans ce documentaire qui dure 52mn le premier graffeur Zhang Dali ainsi que les graffeurs issus de la génération née après 1980. Un autre documentaire important réalisé par Lance Crayon intitulé Spray Paint Beijing, Graffiti in the Capital of China (2012), très peu vu par le public chinois, a fait pas mal de bruit dans certains médias internationaux comme la BBC, The Economist, ou Time Out Beijing. La traduction du « graffiti » en chinois et la difficulté de la définition 3 Lorsque l’art du graffiti est introduit en Chine, on utilise le terme tuya yishu pour désigner cette nouvelle forme d’art qui est née en Occident. Le binôme tuya est composé de deux sinogrammes tu (涂) et ya (鸦). Tu veut dire griffonner, barbouiller et Ya signifie le corbeau. Ensemble, les deux sinogrammes expriment littéralement une écriture du pinceau à l’encre de Chine illisible qui ressemble à une réunion de corbeaux dont on ne peut distinguer l’un de l’autre. L’origine de ce binôme se trouve d’abord chez le poète Lu Tong (795-835) qui l’emploie pour désigner le griffonnage de son enfant sur la table de son père. Jusqu’aujourd’hui, on emploie encore ce mot pour désigner le dessin, la peinture et l’écriture des enfants. Un autre sens de ce mot provient du poète Li Yu (1610-1680) qui l’utilise pour décrire son écriture rapide réalisée à son gré. En même temps le mot manifeste aussi une certaine modestie de la part de l’auteur envers sa propre œuvre. Ces deux sens peuvent faire écho à l’origine du mot graffiti de l’Occident : graphein qui signifie à la fois écrire, dessiner ou peindre. Il n’est donc pas inopportun d’employer ce mot pour traduire le terme graffiti. Lorsqu’il est associé à des mots comme « art », « peinture » ou bien « street art », il renvoie à l’art du graffiti de l’Occident. Cependant, cette nouvelle forme de l’art nous rappelle aussi une pratique courante chez les lettrés traditionnels, qui jadis calligraphiaient leurs poèmes sur la surface d’un rocher, dédiée uniquement à cet usage pour qu’ils puissent s’exprimer. On peut nommer ce genre d’inscription le graffiti du lettré (wenren tuya). De telles inscriptions peuvent être ensuite gravées sur la pierre par des artisans pour y demeurer. Lorsque cette culture du lettré évolue vers l’époque contemporaine elle devient une pratique courante des masses qui fait que des visiteurs, incapables d’écrire un poème, laissent simplement une phrase, par exemple cette simple formule « Untel est passé ici » sur des monuments historiques pour indiquer la trace de leur visite4. Ce genre d’inscription, soit gravée, soit écrite, est considéré comme le graffiti inculte (buwenming tuya) dû à un comportement jugé vulgaire. C’est dans ce contexte culturel complexe, d’un côté hérité de la culture élitiste traditionnelle, de l’autre côté imprégné de la culture de masse que le tuya (graffiti) chinois va rencontrer le « graffiti moderne » de l’Occident, concept proposé par Jack Stewart pour étudier cette nouvelle forme de l’art qui se développe à partir des années 1960 dans les rues de la ville de Philadelphie aux Etats-Unis, puis à New York dans les années 1970 et 19805. Et jusqu’aujourd’hui, les opinions sur cette nouvelle forme d’art restent très partagées en Chine. Les graffeurs font souvent référence au tuya du lettré traditionnel pour affirmer que c’est de l’art, tandis que d’autres personnes, notamment les habitants des quartiers des grandes villes, qui refusent de voir ce qu’ils considèrent comme un vandalisme de leur environnement, jugent que le graffiti est le fruit d’un comportement inculte. D’ailleurs, à leurs yeux, il est souvent synonyme de la maladie du psoriasis (Niupixian). Car le fait de peindre ou écrire sur un mur ressemble à des petites Enquête sur le graffiti en Chine Cahiers de Narratologie, 29 | 2015 2 annonces publicitaires non officielles, mais très populaires, qui offrent des services, jugées illégales, par exemple pour soigner la maladie du psoriasis ou bien se charger de réaliser des papiers officiels, etc. C’est ainsi qu’en Chine, la réception de l’art du graffiti n’est pas à mettre sur le même plan que celle des autres formes de l’art provenant de l’Occident qui, elles, s’adressent à une certaine élite : artistes, critiques, historiens de l’art. 4 Avec ses origines en partie populaire et sa diffusion spécifique visant n’importe quel public, l’art du graffiti en Chine se développe d’une manière bien particulière. Il est d’abord reconnu par des critiques d’arts influents alertés par les œuvres de l’artiste Zhang Dali, ensuite bien vite ignoré par la critique qui laisse de côté les graffitis des générations nées après 1980, fortement influencées par la culture du Hip-hop. Enfin cette nouvelle forme d’art avec sa diffusion massive devient un outil pour la propagande du gouvernement chinois. Dans le premier temps de cet article je décrirai cette trajectoire historique et dans un deuxième temps, j’évoquerai quelques réalisations qui ont pu échapper à la surveillance du gouvernement et ont suscité ainsi des tensions politiques. La naissance de l’art du graffiti en Chine 5 La naissance de l’art du graffiti est reliée directement au développement économique en Chine. Dans les années 1990, la Chine a subi de grands changements économiques et sociaux. Les grandes villes comme Pékin et Shanghai sont des chantiers immenses voués à la destruction et la construction. Des milliers de maisons anciennes sont détruites pour construire des hôtels de luxe, des bureaux, des centres commerciaux, des résidences haut de gamme sous forme de gratte-ciel. Partout on voit des grues, des échafaudages, des bulldozers, des murs brisés, des vieux quartiers en ruine. Partout on voit des sinogrammes en grandes lettres : « démolir » (拆), « délocaliser » (搬迁). 6 C’est dans ce contexte, en plein désordre, que naît le premier graffiti au sens occidental. L’auteur de cette réalisation est l’artiste Zhang Dali. En 1983 il poursuit ses études à la Central Academy of Art and Design6 à Pékin. Après avoir obtenu son diplôme en 1987, il s’installe à Pékin en tant que peintre et ensuite il part pour l’Italie en 1989. 7 Lorsque l’artiste arrive à Bologne, il se trouve isolé dans une culture uploads/s3/ narratologie-7400.pdf

  • 14
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager