1 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson Table des matières
1 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson Table des matières 03 Biographie 17 Œuvres phares 38 Importance et questions essentielles 46 Style et technique 57 Où voir 64 Notes 71 Glossaire 79 Sources et ressources 86 À propos de l’auteur 87 Copyright et mentions 2 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson Norval Morrisseau (1931-2007) est considéré par beaucoup comme le Mishomis, ou le grand-père, de l’art autochtone contemporain au Canada. La presse et les documentaires à son sujet en dressent un portrait sensationnaliste, tandis que son style artistique unique repousse les frontières de la narration visuelle. Fondateur de l’école de Woodland et membre influent du Groupe indien des Sept, Morrisseau est reconnu pour son utilisation de couleurs vives, ses représentations de légendes traditionnelles et de thèmes spirituels, ainsi que pour l’intégration de messages politiques dans ses œuvres. 3 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson L’ENFANCE Artiste anishinabé, Norval Morrisseau naît en 1931, à une époque où les peuples autochtones1 du Canada sont cantonnés dans des réserves, forcés de fréquenter des pensionnats et interdits de pratiquer leurs cérémonies traditionnelles2. Il est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants nés de Grace Theresa Nanakonagos et d’Abel Morrisseau, et comme le veut la tradition anishinabée, il est élevé par ses grands-parents maternels dans la réserve de Sand Point, près du lac Nipigon, en Ontario. Là-bas, son grand-père Moses Potan Nanakonagos, un chaman formé dans la tradition spirituelle de la Midéwiwin, lui apprend les légendes et les coutumes de son peuple. Sa grand-mère, Veronique Nanakonagos, l’initie au catholicisme. Cette carte à jour du nord de l’Ontario montre les collectivités où Norval Morrisseau habite au fil des ans. Le nom de certaines collectivités a pu changer : Fort William et Port Arthur ont fusionné en 1970 pour devenir Thunder Bay, tandis que Sand Point est maintenant connu sous le nom de Bingwi Neyaashi Anishinaabek. À six ans, Morrisseau est envoyé dans un pensionnat, conformément aux exigences du système d’éducation instauré par le gouvernement canadien dans les années 1880. Ces établissements, qui demeurent en activité jusqu’à la fin du vingtième siècle, obligent les enfants autochtones à se séparer de leurs familles et leur interdisent de s’identifier à leur culture et de parler leur langue ancestrale. Au pensionnat indien de St. Joseph à Fort William (aujourd’hui Thunder Bay), en Ontario, Morrisseau est victime de sévices sexuels et psychologiques qui laisseront de profondes cicatrices émotionnelles. Après deux ans à St. Joseph3 et deux ans dans une autre école située non loin de là, il retourne à Sandy Point, où il fréquente une école publique près de Beardmore. 4 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson Peinture rupestre de l’Oiseau-Tonnerre au lac Cliff, parc provincial de Wabakimi, Ontario. Selon le conservateur Greg Hill, il quitte l’école à l’âge de dix ans parce que « Norval ne ressemble pas aux autres enfants de sa communauté : il préfère écouter les aînés ou s’isoler pour dessiner4. » Morrisseau s’intéresse aux pétroglyphes de la région et aux images peintes sur écorce de bouleau, mais il ne reçoit aucune formation artistique formelle. Il veut dessiner les choses dont il entend parler ou qu’il voit — comme l’ours sacré qui lui apparaît dans une quête de vision ou encore des esprits, tels Michipichou ou l’Oiseau-Tonnerre, qu’il peut voir sur des falaises —, mais les membres de sa famille et de sa communauté l’en dissuadent, car selon la tradition anishinabée, il est interdit de diffuser ce savoir rituel. Lorsqu’il ne dessine pas, Morrisseau pratique la pêche, la chasse, la trappe, la cueillette de petits fruits et travaille sur des chantiers de coupe à bois et de construction routière. Au début de l’adolescence, il commence également à consommer de l’alcool. À 19 ans, Morrisseau tombe gravement malade. Sa famille organise une cérémonie de guérison au cours de laquelle il reçoit le nom de « Miskwaabik Animiiki » (Oiseau-Tonnerre de cuivre). Comme il l’expliquera plus tard : « Ce nouveau nom était très, très puissant, et il m’a guéri5. » Vers l’âge de 23 ans, cependant, Morrisseau contracte la tuberculose et est envoyé dans un sanatorium à Fort William. Il y rencontre Harriet Kakegamic, fille d’un patient originaire de la communauté crie de la réserve de Sandy Lake, loin au nord. Ils se marient à la fin des années 1950 et s’installent à Beardmore, où Morrisseau se consacre de plus en plus à son art. Il peint sur des paniers d’écorce confectionnés par sa belle-mère, Patricia Kakegamic, et sur divers autres objets. 5 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson GAUCHE : (dans le sens horaire, en partant du haut à gauche) Harriet, Norval, Pierre et Victoria Morrisseau, photographiés à Toronto en mars 1964. DROITE : Norval Morrisseau, La femme et la fille de l’artiste, v. 1975, acrylique sur panneau dur, 101,6 x 81,3 cm, Collection McMichael d’art canadien, Kleinburg (Ontario). Norval et Harriet Morrisseau auront sept enfants : Victoria, David, Pierre, Eugene, Christian, Michael et Lisa. UN ARTISTE ÉMERGENT Comme de nombreux jeunes artistes, Norval Morrisseau ne gagne pas assez d’argent pour vivre. Vers 1958, il trouve un emploi dans une mine d’or et déménage avec Harriet à Cochenour, près de Red Lake, en Ontario. Là-bas, il rencontre le Dr Joseph Weinstein, un médecin formé en art à Paris qui entretient des liens avec le milieu de l’art moderne en Europe. La femme de Joseph, l’artiste Esther Weinstein, se souvient d’une visite chez McDougal’s, le magasin général local : « J’ai vu, à ma grande surprise, deux tableaux très étranges [dont Sans titre (La transformation de l’Oiseau-Tonnerre) (Untitled [Thunderbird Transformation]), v. 1958-1960] debout sur le plancher. » Esther Weinstein demande au propriétaire du magasin, Fergus McDougal, d’inviter l’artiste à leur rendre visite6. Sans titre, v. 1958, de la même période, pourrait être le second tableau auquel elle fait allusion. 6 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson Norval Morrisseau, Sans titre, v. 1958, aquarelle et encre sur écorce de bouleau, 71,3 x 111,3 cm, collection Weinstein, Musée canadien de l’histoire, Gatineau (Québec). Joseph et Esther Weinstein acquièrent cette œuvre à Red Lake à la fin des années 1950. Lorsque Morrisseau frappe à la porte des Weinstein quelques jours plus tard avec des tableaux à vendre, le couple l’accueille chaleureusement, et il passe des heures à feuilleter leurs livres d’art et à discuter avec eux. L’historienne de l’art Ruth B. Phillips mentionne que le Dr Weinstein fournit à Morrisseau du matériel de qualité, notamment du papier et de la gouache, et l’encourage à se percevoir comme un artiste professionnel « au sens où les Occidentaux l’entendent, plutôt que comme un faiseur de souvenirs destinés aux touristes7 ». Cette rencontre fortuite entre un Autochtone et un couple cosmopolite permet de toute évidence à Morrisseau de mieux se familiariser avec l’art, ce qui sera une source d’inspiration8. L’anthropologue et artiste Selwyn Dewdney, qui recense les sites de pictogrammes de la région, soutiendra lui aussi les premiers efforts de Morrisseau. En 1960, Bob Sheppard, un agent de police local en poste à l’île McKenzie, près de Cochenour, écrit à son ami Dewdney pour lui suggérer de rencontrer Morrisseau. Les deux hommes font connaissance en 1960. Tout comme les Weinstein, Dewdney partage l’intérêt de Morrisseau pour l’art moderne, notamment la peinture murale de Diego Rivera (1886-1957), l’art surréaliste de Salvador Dalí (1904-1989) et les œuvres d’artistes tels que Pablo Picasso (1881-1973) et Henri Matisse (1869-1954). Contrairement aux Weinstein, toutefois, Dewdney encourage d’abord Morrisseau à employer des matériaux traditionnels, comme l’écorce de bouleau et le cuir, bien qu’il soutienne également ses premières expérimentations à l’huile9. Il est aussi probable qu’il ait incité Morrisseau à signer ses œuvres en écriture syllabique crie, un alphabet appris de sa femme10. L’artiste transmet quant à lui ses connaissances sur l’art rupestre à Dewdney, qui effectue des recherches et écrit à ce sujet. Leur correspondance donne un aperçu des efforts déployés par Morrisseau pour sensibiliser les Canadiens à l’art et à la culture autochtones. Plus tard, Dewdney l’encouragera à consigner par écrit un ensemble de légendes expliquant les images dans ses œuvres, ce qui mènera à la parution d’un livre, intitulé Legends of My People: The Great Ojibway11. 7 NORVAL MORRISSEAU Sa vie et son œuvre de Carmen Robertson Norval Morrisseau, Susan, 1983, plume et encre noire sur papier vélin, 58,6 x 73,8 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Vers 1958, Norval Morrisseau fait aussi la connaissance de Susan Ross (1915-2006), une graveuse et peintre de Thunder Bay qui réalise des esquisses dans les environs de Cochecour et qui se spécialise dans les portraits d’Autochtones de la région, exécutés dans un style postimpressionniste. Ils se lient d’amitié et Morrisseau comptera sur Ross pour obtenir du matériel ainsi que des réponses à ses questions sur l’art12. Il lui envoie ses tableaux par train de Red Lake à Thunder Bay, pour qu’elle les vende. Avec les recettes provenant de ces ventes, Ross achète des fournitures à Morrisseau et uploads/s3/ norval-morrisseau-sa-vie-et-son-oeuvre.pdf
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- Publié le Apv 26, 2022
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