La Fabrique de la Ville Questionnée par la Crise Sanitaire LE LOGEMENT FACE À L
La Fabrique de la Ville Questionnée par la Crise Sanitaire LE LOGEMENT FACE À LA CRISE SANITAIRE Note d’analyse n°3 | octobre 2020 Ces derniers mois, la moitié de la population mondiale est restée confinée pour limiter la propagation de l’épidémie de la covid19. De ce fait, le rapport au logement est devenu l’un des points névralgiques de l’appréhension de la crise. Face à une situation inédite de confinement, le logement est observé sous toutes ses coutures. Chercheurs et spécia listes soulignent les tensions qui le traversent, confortant pour certains leurs analyses antérieures, ou déplaçant le curseur pour d’autres, appelant de manière plus radicale à des changements d’approches pour la plupart. On note que ce sont les modes de spatialisation du logement qui sont souvent mis en exergue. Il est question de ce que permet la surface intérieure et ses agencements, ce à quoi donnent accès ses interfaces avec l’extérieur, et ce qu’autorise sa localisation. Ce n’est plus simplement le « droit au logement » (sujet également avivé par la crise), mais « ce à quoi le logement donne droit » qui est commenté. Cet élargissement de perspective donne lieu à une grande variété d’articles pouvant émarger à plusieurs registres, rendant difficile le classement dans une perspective analytique. Ce sont toutefois les inégalités entre populations, entre quartiers, et entre types de territoire qui ressortent des princi pales analyses, et une exposition différenciée aux dysfonctionnements que la crise aura révélés ou produit. ©Arnaud Bouissou | Terra En effet, si aucun centre urbain ne semble avoir échap pé à la propagation du virus, ses effets n’ont pas été les mêmes sur les différents groupes d’habitants y compris dans une même ville. Comme l’indiquent les chercheurs Ian Goldin et Robert Muggah dans une tribune, lorsque New York était l’épicentre mondial de la pandémie, « le sud de Manhattan affichait un taux d’infection d’environ 925 pour 100.000 personnes, tandis qu’il était dans le Queens de 4.125 pour 100.000 ». Pour ces chercheurs, l’écart s’explique car les plus riches avaient accès à « une large gamme de services de soins de santé et tra vaillaient depuis leur domicile, généralement dans de spacieux immeubles »1. Une étude publiée en juillet 2020 analysant le cas français établit une corrélation entre la pauvreté des communes et la mortalité liée à la co vid192/3. Ces travaux mettent en évidence le fait que les mauvaises conditions de logement et une plus grande exposition professionnelle jouent un rôle clé pour expli quer les écarts de mortalité entre les communes riches et les communes pauvres4. Cette note décrit la manière dont les observateurs se sont penchés sur les différentes échelles du logement et de l’habiter au cours des derniers mois. Elle montre comment la crise a amplifié des problématiques qui lui préexistaient, et ce vers quoi elle nous amène à réfléchir pour « repenser l’après ». Elle révèle aussi en creux ce que la recherche urbaine a laissé de côté pendant la crise, ce sur quoi elle pourrait se mobiliser dans les prochains mois sur la question du logement. En effet, l’analyse du corpus fait apparaître que les chercheurs et profession nels se sont principalement exprimés jusqu’à présent sur le sujet à travers des tribunes et que l’on ne dispose à ce jour que des tous premiers éléments d’études et d’en quêtes. LA CRISE AMPLIFICATRICE DU MAL LOGEMENT Dès les premiers jours du confinement, les difficultés d’accès au logement par les populations précaires sont largement commentées. Alors que les autorités imposent en premier lieu de « rester à la maison », comment procé der avec ceux qui en sont dépourvus ? Comment mainte nir les réseaux d’entraides sociaux alors que la « distan ciation sociale » est de rigueur ? Quelles solutions face à l’urgence de la situation et au risque de propagation de l’épidémie ? La crise semble agir comme un amplifica teur des problèmes préexistants de sans-abrisme et de mal logement. Elle exacerbe les problèmes liés à la su roccupation, aggrave les situations d’isolement et met en exergue les défauts des logements. Exposition accrue des précaires Dès le début de la crise sanitaire, des observateurs mettent en évidence l’incapacité à confiner une partie de la population. Les plus précaires n’ont pas toujours accès à un logement stable, et différents articles évoquent la situation d’urgence des sdf et des migrants des sans-pa piers5 et des mals-logés au coeur des bidonvilles6 ainsi que l’impossible confinement7 dans les squats. Avec la crainte de la propagation de l’épidémie, des solutions temporaires sont trouvées en réquisitionnant des hôtels pour loger les sdf8. Des articles s’intéressent au devenir des mal-logés et des réfugiés après l’état d’urgence9/10/11. Ainsi, la ges tion de crise a mis en lumière la nécessité de prévenir de nouvelles précarités12. Interdire temporairement la re mise à la rue via des dispositifs zéro expulsion, élargir et abonder les aides de maintien au logement sont autant de pistes qui ont été envisagées13. Les besoins en ma tière d’hébergement d’urgence se traduisent par la for mulation d’AMI sur la création de solutions modulaires pour répondre aux besoins à venir face - entre-autre - à la possible récurrence de ces phases de confinement14. Les commentateurs s’interrogent : le confinement peut-il devenir moteur de changements plus pérennes ?15 En matière d’habitat et de logement, les collectivités ter ritoriales sont confrontées, par exemple, à la situation délicate des bidonvilles et trouvent souvent des solutions opérationnelles à court-terme. Selon un rapport de la DI HAL, la crise sanitaire a confirmé l’urgence à résorber les bidonvilles et a eu pour effet de renforcer les partena riats16. Dans une note de synthèse des Nations Unies publiée en juillet 2020, plusieurs leviers politiques sont envisagés17. Un moratoire est attendu sur toutes les expulsions pour assurer un hébergement sûr à tous et des solutions d’hé bergement temporaires permettant la distanciation phy sique si nécessaire. Un rapport de l’OCDE18 insiste quant Le logement face à la Crise Sanitaire 02 à lui sur la nécessité pour les autorités d’apporter des réponses à long terme. Des perspectives d’échanges in ternationaux sur ces questions semblent être bénéfiques à toutes les villes19. Accumulation de difficultés pour les occu pants en surpeuplement ou suroccupation Quand toutes les activités sociales, y compris le travail et la scolarité des enfants, sont contraintes de se dérouler à domicile, les caractéristiques du logement et la structure des ménages déterminent en grande partie l’expérience du confinement. Vivre dans un habitat dégradé ou inadap té à la composition familiale apparaît alors d’autant plus insupportable et met en lumière les inégalités de loge ment qui frappent la société française20. Le phénomène de suroccupation a été beaucoup commenté pendant la crise21. L’INSEE a publié en avril une étude22 confirmant que plus de 5 millions de personnes vivent aujourd’hui dans un logement suroccupé en France majoritairement dans les grandes agglomérations et dans la capitale23. Au fil des mois, les espaces privés sont scrutés et les chercheurs s’interrogent sur l’exacerbation des problé matiques liées au surpeuplement, à la proximité des indi vidus dans l’espace intérieur. Au-delà du problème de su roccupation, de nombreux articles témoignent d’autres formes d’inégalités que le confinement ne fait que ren forcer. Les familles monoparentales24, les femmes25, les pauvres26/27/28, les personnes âgées ou handicapées semblent particulièrement exposés face aux inégalités liées au logement. Au-delà des tribunes mettant en avant les difficultés spé cifiques rencontrées par des ménages pendant le confi nement, les questions ayant trait au logement méritent, comme l’indiquent Yankel Fijalkow et Nadine Roudil, pour être traitées finement, d’une analyse sociologique au long cours29. Ces chercheurs s’interrogent sur les péri mètres d’intimité des français confinés au regard de la complexité des formes familiales contemporaines30. Plus largement, les acteurs de l’urbain invitent à mieux cerner les besoins de logement en fonction des ménages et des situations et à éviter une réponse politique unilatérale ou des solutions uniformes. Aggravation des situations d’isolement pour les publics fragiles A posteriori, Richard Sennett évoque l’isolement social31 comme l’un des problèmes urbains que la crise nous in vite à réfléchir. Si le confinement est apparu comme un moyen de protection face à l’épidémie, rapidement, il a pu conduire à des situations d’oppression voire de persé cution32. Assurer le relais des services publics jusqu’aux portes de la sphère privée devient une priorité pour assu rer la sécurité des personnes. Les personnes âgées, particulièrement sujettes à l’isole ment ont vu leur situation s’aggraver33. Alors que la po pulation française est vieillissante, le soin accordé aux aînés et leurs conditions de logement notamment dans les EHPAD ont été décriés34 en révélant des situations de détresse sociale absolue35. Sensibilisation accrue aux défauts du lo gement Lors du confinement, un certain nombre d’enquêtes ont été lancées ayant trait aux rapports entretenus des indi vidus avec leurs logements. Les premiers résultats des études36/37 insistent sur le besoin d’un accès à l’extérieur, d’une plus grande superficie et la possibilité de s’isoler pour mieux vivre son logement. Le confinement a révélé d’autant plus les défauts des logements qu’ils ont dû ac cueillir des fonctions inhabituelles comme par exemple l’école uploads/s3/ note-covid-v2.pdf
Documents similaires










-
37
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 22, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 1.0304MB