UNIVERSITE DE PARIS SORBONNE (PARIS IV) MENTION MUSIQUE ET MUSICOLOGIE Christop

UNIVERSITE DE PARIS SORBONNE (PARIS IV) MENTION MUSIQUE ET MUSICOLOGIE Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN Dissonances et progressions harmoniques Le cas du Tractatus augmentatus compositionis (c. 1655-1659) de Christoph Bernhard Volume 1 Mémoire de Master Recherche en Musique et Musicologie présenté sous la direction du Professeur Nicolas MEEUS Juin 2OO7 2 3 Dissonances et progressions harmoniques 4 5 UNIVERSITE DE PARIS SORBONNE (PARIS IV) MENTION MUSIQUE ET MUSICOLOGIE Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN Dissonances et progressions harmoniques Le cas du Tractatus augmentatus compositionis (c. 1655) de Christoph Bernhard Mémoire de Master Recherche en Musique et Musicologie présenté sous la direction du Professeur Nicolas MEEUS Juin 2OO7 6 Mes remerciements les plus profonds et sincères au professeur Nicolas Meeùs pour son grand soutien, sa patience et ses explications approfondies. Merci à ma mère et à Maya qui ont relu ces pages. Sans elles ce mémoire n’aurait pu être réalisé. 7 0. Introduction La présente introduction sera subdivisée en trois parties distinctes. Dans la première, nous exposerons la problématique du mémoire. Dans la seconde, nous résumerons et justifierons les considérations ayant prévalu aux choix des traités sur lesquels cette étude est fondée. Enfin, la troisième partie sera vouée à une brève description de la méthode analytique utilisée et à son application au corpus. Celui-ci sera défini dans la même sous-partie. 0.1 Exposition de la problématique Le sujet du présent mémoire est avant tout de nature théorique et concerne le langage harmonique tonal ainsi que ses enchaînements d’accords. Cependant, les conclusions qui pourront en être tirées dépassent de loin le cadre de la théorie de l’harmonie et se rapportent à un principe inhérent à la philosophie de la musique occidentale. L’étude cherche à donner des éléments de réponse à la question de savoir pourquoi les enchaînements de basse fondamentale vont dans un sens privilégié dans l’harmonie tonale. En effet, sur les six successions de basse fondamentale possibles dans une tonalité donnée1, trois enchaînements sont de loin les plus fréquents : les enchaînements de quarte ascendante, de tierce descendante et de seconde ascendante. Ce phénomène que nous nommons « l’asymétrie des progressions harmoniques » a été mis en évidence par Nicolas Meeùs dans sa théorie des vecteurs, théorie que nous exposerons brièvement dans la sous-partie 0.3.1 de l’introduction. Le rapport asymétrique des vecteurs harmoniques dans le répertoire tonal, c’est-à-dire la fréquence de progressions dites dominantes plus élevée par rapport à la fréquence de vecteurs qualifiés de sous-dominants selon la théorie des vecteurs, a pu être vérifié statistiquement grâce à des études sur un répertoire tonal relativement vaste. On a pu constater que les vecteurs dominants sont largement supérieurs en nombre et peuvent présenter jusqu’à 90% de la totalité des enchaînements d’accords2. Cependant, aucune explication de ce phénomène, mis en avant par la théorie des vecteurs, n’a été donnée jusqu’à présent alors qu’il est de première importance du point de vue théorique. Comme le souligne Nicolas Meeùs, le déséquilibre du pourcentage vectoriel est « révélateur d’un aspect du fonctionnement du système tonal »3. Nous chercherons à examiner en détail cet aspect du fonctionnement de la tonalité harmonique afin d’en donner des explications approfondies pour les raisons 1 Les six enchaînements possibles de la basse fondamentale sont la quarte ascendante et descendante, la tierce ascendante et descendante et la seconde ascendante et descendante. 2 DESBORDES, Bertrand, Le langage harmonique des récitatifs simples mozartiens : une approche par les vecteurs harmoniques, Thèse de Troisième Cycle réalisée sous la direction de M. le professeur Nicolas Meeùs, Paris IV : [s. d.] 3 vol. 732 p. 3 MEEUS, Nicolas, « Note sur les vecteurs harmoniques », dans Musurgia VIII (2001), p. 63. 8 suivantes : la détermination de causes de l’asymétrie des progressions harmoniques pourrait apporter des explications supplémentaires quant à l’origine de la tonalité et quant à son fonctionnement. Elle serait susceptible de contribuer à la compréhension du fonctionnement et de l’évolution du langage harmonique tonal et mettrait en lumière en quoi le langage tonal diffère de la pensée musicale des époques précédentes. Par conséquent, il s’agira d’examiner le passage de la modalité à la tonalité, passage situé vers 1630 environ1. De nombreuses études ont traité cette problématique, notamment les écrits de Kurth, de Lowinsky, de Zingerle et de Dahlhaus (nous reviendrons plus bas sur les auteurs ayant alimenté notre réflexion). Cependant, jusqu’à aujourd’hui, aucune étude n’a examiné de manière ciblée et systématique cette particularité fondamentale du langage harmonique tonal qui réside dans la direction privilégiée des enchaînements harmoniques. Nous ne prétendons pas livrer dans ce mémoire tous les éléments de réponse à cette spécificité, mais tenterons de cerner l’une des causes possibles pouvant s’avérer être à l’origine de l’asymétrie des progressions. En cherchant à déterminer plus en détail les phénomènes impliquant directement ou indirectement la direction privilégiée des harmonies, notre attention s’est portée sur les règles de contrepoint et notamment sur les règles relatives au traitement des dissonances. Pour des raisons qui seront largement explicitées au cours de ce mémoire, nous émettons l’hypothèse de travail selon laquelle ce sont ces règles qui présentent la principale cause de l’asymétrie des progressions harmoniques dans le langage harmonique tonal. Suivant cette hypothèse, ce serait par conséquent l’évolution de l’utilisation des dissonances, entre la période pré-tonale et la période tonale, qui aurait impliqué l’asymétrie des progressions. Or, le traitement des dissonances a connu un changement majeur et radical entre 1550 et 1650 sur la péninsule italienne lors de l’avènement de la seconda prattica se démarquant par ses choix esthétiques et ses techniques de composition de la prima prattica. Avant de poursuivre l’exposition de la problématique, il est nécessaire de définir brièvement ces deux expressions qui apparaissent au tout début du 17e siècle au cours d'un différend polémique entre Giovanni Maria Artusi et Claudio Monteverdi. La prima prattica, notion utilisée par Claudio Monterverdi et son frère, Giulio Cesare, se définit par opposition à la seconda prattica. Elle désigne le style contrapuntique strict de la polyphonie vocale du 15e au 16e siècle dont les règles, notamment celles concernant le traitement des dissonances, ont été codifiées au 16e siècle par Gioseffo Zarlino dans son traité Le Institutione harmoniche de 1558. Quant à l’expression seconda prattica, elle se réfère à la « réforme mélodramatique » 1 ZINGERLE, Hans, Die Harmonik Monteverdis und seiner Zeit, Wien : Helbling 1951, p. 6-10. 9 caractérisée par une mise en valeur du texte chanté et des sentiments qu’il évoque1. Tous les éléments musicaux sont soumis au contenu du discours extra-musical et sont destinés à en traduire en musique les affects et le contenu : il en résulte une distanciation des règles de la prima prattica et notamment un usage plus libre des dissonances afin d’exprimer le texte. Puisque l'une des distinctions principales entre la prima prattica et la seconda prattica réside précisément dans l’usage des dissonances, nous avons axé la problématique sur une étude des deux pratiques de composition. Nous tenons à souligner dès à présent que ce mémoire ne prétend en aucun cas donner une vue d’ensemble de l’esthétique et des techniques de composition, mais sera exclusivement focalisé sur un aspect restreint, à savoir le traitement des dissonances dans le stylus antiquus et le stylus modernus. Nous avons pris le parti d’aborder la problématique sous l’angle de l’étude des traités de composition en nous limitant à l’examen des théoriciens allemands du 17e et du tout début du 18e siècle. Notre étude sera axée en priorité sur le Tractatus compositionis augmentatus de Christoph Bernhard. Les raisons, ayant déterminé le choix de ce traité et de la période chronologique à laquelle il appartient, seront exposées en détail au chapitre suivant. Néanmoins, il convient de souligner dès à présent que le Tractatus de Bernhard a été retenu parce qu’il permet d’examiner en détail le traitement des dissonances entre la prima prattica et la seconda prattica, synonymes de stylus antiquus et stylus modernus pour l’auteur2. Nous ne chercherons pas à associer directement le stylus antiquus à la période prétonale et le stylus modernus à la période tonale. En effet, dans l’esprit du théoricien, les termes désignent avant tout deux styles d’écriture contrapuntiques différents déterminés par l’emploi des dissonances3. La classification n’implique pas nécessairement une distinction chronologique. Si le stylus antiquus est antérieur au stylus modernus, les deux pratiques de composition coexistent au 18e siècle. Néanmoins, les règles spécifiques se rapportant au traitement des dissonances propres à chaque catégorie stylistique peuvent indirectement donner des indications sur les techniques de compositions spécifiques à la période prétonale et tonale et permettent des déductions quant à l’asymétrie des progressions harmoniques. Le mémoire se fixe pour but de répondre à la question suivante : de quelle manière les règles relatives au traitement des dissonances du stylus antiquus et du stylus modernus, telles qu’elles transparaissent dans le Tractatus de Bernhard se répercutent-elles sur l’asymétrie des progressions harmoniques ? Nous isolerons les règles se rapportant directement ou 1 HONNEGGER, Marc, « Seconda pratica » dans Connaissance de la Musique, Paris : Bordas 1996 p. 938. 2 Cf. MÜLLER-BLATTAU, Joseph (éd.), Die Kompositionslehre Heinrich Schützens in der Fassung seines Schülers Christoph Bernhard, Kassel, New York : uploads/s3/ m2-volume-1-a.pdf

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