Secondaire © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le se

Secondaire © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005). Petite histoire du portrait Le portrait, la représentation sculptée ou peinte de la figure humaine, est un genre profondément enraciné dans la culture occidentale, présent dès la plus haute antiquité, à l’articulation entre le sacré et le profane, la société et l’individu. L’Antiquité – Naissance du portrait La représentation de l’individu est étroitement liée aux croyances religieuses. Le portrait a essentiellement une fonction de substitution et une fonction funéraire. > La fonction de substitution Dès le IIIe millénaire, dans les temples sumériens, autour de la statue du dieu, on plaçait celle des fidèles qui entretenaient ainsi une adoration permanente. Si toutes ces statues ont les yeux grands ouverts, le regard extatique en présence de la divinité, on peut cependant distinguer des traits individualisés : ce sont peut-être déjà des « portraits » de notables. > La fonction funéraire Dans l’Egypte pharaonique, il fallait préserver l’apparence en vue de la vie dans l’au-delà ; c’est pourquoi la statue représentant le défunt revêtait une grande importance car elle recevait son « ka » (l’énergie vitale qui avait besoin d’un support pour se perpétuer). Sous l’Ancien Empire, les statues ne reproduisaient pas les traits individuels du défunt mais répondaient à un canon idéal de jeunesse et de beauté. Au Nouvel Empire, sous la XVIIIe dynastie, les statues et bas-reliefs représentant le pharaon hérétique Aménophis IV – Akhénaton, son épouse Néfertiti et leurs enfants sont très différents : les têtes ont des crânes allongés, les corps sont déformés avec des épaules étroites, des hanches larges, des ventres proéminents… Ce « maniérisme » n’est sans doute pas le reflet de XVIIIe dynastie thébaine, Couple assis avec leurs enfants, Calcaire et rehaut polychrome, Toulouse, musée Georges-Labit. Secondaire Page 2 sur 17 © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005). la réalité mais plutôt une autre convention, plus conforme aux exigences du nouveau culte du dieu Taon instauré par Akhénaton. Dans l’Egypte romaine, aux IIe et IIIe siècles de notre ère, les portraits peints à l’encaustique sur panneaux de bois et déposés sur les momies du Fayoum produisent une très forte impression de réalité et de vie avec leurs yeux grands ouverts pour l’éternité ; ils étaient certainement réalisés du vivant du modèle. > La fonction de mémoire Mais le portrait a aussi une fonction de mémoire : il garde le souvenir des êtres chers, il perpétue celui des grands hommes. Dans son Histoire Naturelle, Pline l’Ancien rapporte un des mythes fondateurs du portrait, la poétique légende qui attribue à une jeune fille amoureuse l’invention de la peinture et la réalisation du premier portrait. La fille du potier Dibutadès de Sicyone établi à Corinthe, voulait garder l’image de son amoureux qui devait partir pour un lointain voyage. Elle dessina sur le mur de la chambre le profil du jeune homme grâce à l’ombre projetée sur le mur par une lampe. Son père, appliquant de l’argile sur cette esquisse en fit un relief modelé qu’il fit cuire avec ses poteries. > La fonction politique Le portrait en Grèce rend hommage aux grands hommes de la cité, il en perpétue le souvenir. Mais contrairement à ce que pourrait laisser supposer le mythe fondateur rapporté par Pline, la civilisation grecque n’a guère développé l’art du portrait réaliste : les bustes de Périclès ou de Démosthène sont fortement idéalisés. Cette idéalisation se poursuit à l’époque helléniste : les statues, les bustes et les portraits monétaires d’Alexandre le Grand, puis de ses successeurs les Diadoques qui régnèrent sur l’Egypte et la Syrie, présentent des souverains éternellement jeunes et beaux. Ces images contribuent au développement d’un véritable culte monarchique dont les empereurs romains s’inspireront. La fonction funéraire, la fonction de mémoire et la fonction politique se retrouvent à l’origine du portrait romain, bien différent du portrait grec, influencé sans doute par l’art des Etrusques. A Rome, lors des funérailles des patriciens, des masques de cire peints, les « imagines »1, étaient portés par des hommes de même taille que les défunts, au cours d’une procession funèbre, la « pompa ». Ces effigies très réalistes n’étaient pas déposées dans les tombes, mais restaient chez les vivants. En effet, les familles patriciennes, et elles seules, avaient le « jus imaginum », le droit à l’image et elles exposaient ces « imagines maiorum » (portraits d’ancêtres) dans l’atrium de leurs demeures qui préfiguraient ainsi les galeries de portraits des châteaux. Mais ces têtes de cire étaient difficiles à conserver ; au Ier siècle avant Jésus-Christ on les remplaça par des bustes de marbre, en gardant toujours le souci du réalisme car ainsi que l’écrivait Cicéron, « imago animi vultus est »2. Puis, on fit des statues et des bustes des hommes politiques, consuls, empereurs ou bienfaiteurs de la cité (évergètes) car « les statues des hommes illustres peuvent éveiller dans les âmes nobles le désir de les imiter »3. On les érigea dans les lieux publics, forum, basilique, 1 Pluriel de « imago », image. 2 « Le visage est le miroir de l’âme » - Cicéron, De oratore, III, 221. 3 Salluste, Guerre de Jugurtha, IV. Secondaire Page 3 sur 17 © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005). thermes, mur de scène du théâtre… A Rome, au Capitole, s’élevait la statue équestre en bronze doré de Marc-Aurèle, empereur de 160 à 180 après Jésus-Christ. Les monnaies et les médailles véhiculaient dans tout l’empire, avec les effigies des empereurs et impératrices, l’idéologie, les mots d’ordre propres à chaque règne sous forme d’inscriptions ou d’allégories (« Victoria », « Felicitas », « Concordia » …). Au musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse, est rassemblée une exceptionnelle collection de portraits impériaux allant du Ier au début de Ve siècle après Jésus- Christ. Buste de Marc Aurèle jeune, Chiragan, Buste de Marc Aurèle âgé, Chiragan, vers 145, Toulouse, musée Saint-Raymond. vers 170-180, Toulouse, musée Saint-Raymond. Dans l’Antiquité tardive, le portrait est encore très présent sous ses formes traditionnelles, mais il apparaît sur de nouveaux supports : les médaillons de verre peints et les mosaïques polychromes. Avec la fin du paganisme, le triomphe du Christianisme, le portrait individuel va disparaître pendant presque un millénaire, pendant la plus grande partie du Moyen Age. Le Moyen Age et l’éclipse du portrait Comme tous les monothéismes, le Christianisme entretient des relations ambiguës avec l’image. Rappelant la recommandation biblique « Tu ne feras pas d’images taillées », les Pères de l’Eglise s’en méfient ou les condamnent par crainte de l’idolâtrie. La législation des empereurs chrétiens de la fin du IVe siècle, Théodose et ses fils Honorius et Arcadius, aboutit à la destruction de beaucoup de statues4. Cependant, le dogme de l’Incarnation est au centre du Christianisme, « Le Verbe s’est fait chair »5. L’art paléochrétien représente le Christ parmi ses apôtres, sculpté sur les cuves des sarcophages (musée Saint-Raymond) ou le « Bon Pasteur », peint sur les murs des catacombes. 4 La plupart des portraits antiques conservés sont des sculptures ou des monnaies, médailles, camées. Des portraits peints ont existé, mais la peinture antique a en grande partie disparu. 5 Evangile selon saint Jean. Secondaire Page 4 sur 17 © Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2005). Bientôt des légendes se forment autour du portrait du Christ « non fait de main d’homme » (acheiropoietos). La première est celle du Mandylion d’Edesse. Le roi Abgar d’Osroène6, contemporain du Christ, aurait souhaité qu’il vienne à Edesse, soit pour le protéger de ses persécuteurs, soit pour le guérir (les versions diffèrent). Le Christ ayant refusé, Abgar envoya auprès de lui le peintre Hannan avec mission de faire le portrait du Messie ; mais Hannan, ébloui par le visage divin, n’y parvint pas. Le Christ appliqua un linge sur son visage et ses traits s’imprimèrent sur le tissu. Le Mandylion (de mindil, mouchoir) fit office de palladium à Edesse qu’il protégea contre l’assaut des Perses au VIe siècle, puis à Constantinople. Mais les Croisés s’en emparèrent en 1204 et l’amenèrent en Occident. (Il serait conservé à l’Eglise San Silvestro in Capite de Rome). Le deuxième de ces portraits « acheiropoiètes » est le voile de Véronique7. Selon l’évangile apocryphe de Nicodème (sans doute écrit au Ve siècle, mais avec des interpolations plus récentes), au cours de la montée du Christ au calvaire, une femme compatissante aurait essuyé la sueur de son visage avec son voile ; l’empreinte de la Sainte Face resta sur le tissu. Mais ce n’était pas le portrait du Christ triomphant comme sur le Mandylion, c’était le Christ de douleurs, couronné d’épines. « Le voile de Véronique » fut conservé à Saint-Pierre de Rome dès le VIIIe siècle. A la fin du Moyen Age, sous l’influence des Franciscains, on porta un intérêt croissant à l’humanité du Christ et à sa Passion ; les images de Véronique et de la Sainte uploads/s3/ petite-histoire-du-portrait.pdf

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