IV - HENRI POUSSEUR LES ANNÉES DE FORMATION. HENRI POUSSEUR est né le 23 juin 1

IV - HENRI POUSSEUR LES ANNÉES DE FORMATION. HENRI POUSSEUR est né le 23 juin 1929 à Malme- dy, région frontalière longtemps sous la domi- nation du royaume de Prusse. On ne saurait trop insister sur l'importance de cette origine dans la formation du compositeur, impatient de franchir toutes les frontières et de se libérer des tyrannies de quelque centre extérieur. Après des études sous régime belge, il continue dans la même école sous régime allemand après la réannexion hitlérienne, pour repren- dre, en 1945, sous régime belge. Pendant toute cette période, il connaît déjà une activité musicale considérable, l'interdiction de la pa- role développant la mutation de celle-ci dans la recherche d'un discours sans mots ou au- delà des mots, sous la direction d'Hermann Barg. À Stavelot, il étudie l'orgue et l'harmo- nie avec Eugène Micha. Il continue au Conservatoire de Liège, se plongeant dans la polyphonie et faisant la rencontre décisive de Pierre Froidebise qui animait un groupe d'étudiants aventureux et révélait au public liégeois la musique dodécaphonique. C'est dans un concert dirigé par celui-ci que fut jouée la première œuvre du jeune homme, une Sonatine pour piano qui lui valut les foudres du directeur du Conservatoire. HENRI POUSSEUR, en 1976 dans son jardin à Malmedy, lieu qui constitue toujours son port d'attache. Collection 'Centre de Recherches Musicales de Wallonie ' ( Photo Michel Boermans). 437 Les premières œuvres. Organiste depuis 1950 à l'église Saint-François-de-Sales à Liège, il fonde avec des amis étudiants l'ensemble vo- cal 'Variations' et il commence à enseigner à l'Athénée d'Eupen. Pierre Froidebise l'em- mène à Royaumont où il fait la connaissance de Pierre Boulez qui lui parle de Karlheinz Stockhausen avec qui il entre en relations. Ses Trois chants sacrés sont créés au festival de la S.T.M.C. à Salzbourg avec Ilona Steingruber. Puis c'est le service militaire. En garnison à Malines, il peut cependant suivre le cours de fugue de Jean Absil à Bruxelles. Il obtiendra le premier prix en 1953. Il se lie avec André Souris et Marcelle Mercenier, écrit pour la première saison du Domaine Musical Pros- pections pour un piano triple en sixièmes de tons, qui n'a jamais pu être joué en raison de ses difficultés de réalisation technique. Rendu à la vie civile, il réalise son premier travail de musique électronique au studio de Cologne: Séismogramme, et épouse Théa Schoonbrood le 5 juillet 1954 à Malmedy. Sa première œuvre exécutée au Domaine Mu- sical sera Symphonies pour quinze instruments dirigée par André Souris en avril 1955; en automne, Hans Rosbaud donnera son Quin- tette à la mémoire de Webern au Festival de Donaueschingen. C'est à cette époque que commencent les travaux théoriques avec la publication du Chromatisme organique d'An- ton Webern dans le second numéro de Die Reihe, et la traduction commentée des Écrits d'Alban Berg aux éditions du Rocher de Monaco. Luciano Berio, dont il vient de faire la connaissance, l'invite au 'Studio di Fonolo- gia' de Milan où il réalise Scambi, en 1957, peu après la naissance d'Isabelle. Les éditions Suvini Zerboni lui offrent un contrat. Il compose alors sa première œuvre instrumen- tale aléatoire, son Mobile pour deux pianos, exécuté pour la première fois par les frères Kontarsky à Darmstadt où il a commencé à enseigner. Cette œuvre sera la première à bénéficier d'un enregistrement sur disque. En 1958, il s'installe à Bruxelles alors que va naître Denis. Il fonde avec Hervé Thys et 438 l'ingénieur Raymond Liebens le Studio de Musique électronique de Bruxelles, où il réalise la bande de Rimes pour dif]ërentes sources sonores, dont la première partie est créée sous la direction de Bruno Maderna à l'Exposition internationale; la deuxième, l'été 1959, au Festival d'Aix-en-Provence, sous la direction de Pierre Boulez, comme la troisième à celui de Donaueschingen. Universallui pro- pose un contrat en 1960, ce qui lui permet de quitter l'Athénée de Forest où il avait dû reprendre momentanément du service. Il com- pose alors Madrigal 1 pour clarinette seule, la première version de Répons, et Electre pour un ballet de Janine Charrat qui lui vaudra le second prix Italia. Les débuts d'une longue amitié. À l'automne de 1960, j'ai reçu la lettre suivante, qu'il vaut mieux citer en entier à cause de l'importance qu'elle a eue dans le développement non seule- ment de sa carrière mais de la mienne: «Overijse, le 29 septembre 1960 »Cher Michel Butor, »Vous êtes un auditeur fidèle du 'Domaine Musical' et vous n'ignorez probablement pas mon nom. Quant à moi, je suis un fidèle lecteur de L'Emploi du temps et de Degrés (sans discrimination d'ailleurs: ces deux-là ne sont pas encore épuisés) et mon récent commerce avec Répertoire n'a fait qu'aug- menter mon désir de vous connaître bientôt personnellement. Il me semble que nous pour- rions nous entendre sur beaucoup de ques- tions Ue dis bien: questions). »Cependant, si je prends aujourd'hui la liberté de venir troubler votre quiétude (!), c'est que j'ai un problème précis et relativement urgent à vous soumettre. Après plusieurs expériences préparatoires, dont l'œuvre pour sept musi- ciens que l'on jouera le 16 novembre au Do- maine, j'ai l'intention d'entreprendre un ou- vrage de dimensions assez importantes: l'équivalent actuel d'un opéra, et j'ai bon espoir de trouver à Bruxelles (théâtre, télévi- sion) les moyens nécessaires à le réaliser. Mon très grand souhait est que vous puissiez vous charger de la rédaction du texte. Ayant déjà, bien que vaguement, imaginé le thème et la structure de cette tentative, je suis convaincu, surtout après lecture de vos textes critiques, que vous êtes le premier (sinon le seul) avec qui je pourrais efficacement collaborer. J'es- père en toute modestie que l'exposé succinct de ces idées vagues retiendra un peu votre atten- tion et vous invitera au moins à envisager l'éventualité d'une telle collaboration. »Première idée, conditionnée par différents points de vue ('poétique', mais aussi bien 'pratique',je vous l'avoue): utiliser, avec toute la liberté nécessaire, le mythe de Faust. Il me paraît susceptible de rassembler les princi- pales interrogations, les principales préoc- cupations collectives de notre temps, de justi- fier, en lui donnant une fonction prospective, non seulement l'alchimie des différents modes actuels de production musicale (récitants, chanteurs, instruments solistes, orchestre et haut-parleurs), mais aussi celle, nouvellement tentée, du verbe et de la musique. Il me semble aussi légitimer d'une façon particulièrement sérieuse, la recherche, sur le plan du spectacle, de formes 'mobiles', complexes, jusqu'à un certain point indéterminées. La question de Faust n'est-elle pas en effet une question ouverte, une question qu'il faut mettre enjeu, plutôt que de la résoudre d'avance? »Ce qui m'amène à la deuxième idée: »Faire coexister, pendant toute la durée du spectacle, un jeu (sorte de partie d'échecs qui ne serait que l'amplification du pari initial, jouée, d'une part, par Méphistophélès, me- neur de jeu et avocat du diable, d'autre part par le public lui-même, représentant la partie adverse-opposition dont l'ambiguïté appa- raîtrait d'ailleurs au cours du spectacle) et une action dramatique, relativement dirigée, mais pourtant constamment influencée par les péri- péties dudit jeu. »Ceci dit, il reste, même au niveau le plus élémentaire du projet, énormément de choses à préciser (pour ne citer qu'un exemple: les modes de jeu réservés au public, ou à la partie du public qui voudra bien s'y prêter, afin d'éviter le chaos et de garantir un fonctionne- ment fécond du 'mécanisme', mieux: de )"or- ganisme') et précisément, n'ayant encore à part cela que des imaginations de détail, j'ai- merais, si cette recherche a l'heur de vous intéresser, si elle ne vous paraît ni trop ambi- tieuse, ni trop fantaisiste, que vous puissiez dès à présent y penser avec moi. Une fois établie la grande structure de l'œuvre, nos tâches respectives, encore qu'interférentes, prendraient, je crois, une plus grande autono- mie réciproque. »S'il vous plaît, dites-moi sans ambages ce que vous pensez de ceci et si les intentions que vous formez pour les mois à venir vous permettent éventuellement d' 'en être'. »Dès que j'aurai votre réponse nous pourrons - je le souhaite vivement - envisager les premières modalités pratiques d'une collabo- ration. Ce n'est pas sans anxiété que je vous prie de croire à ma très vive sympathie »Henri Pousseur» C'est ainsi qu'a débuté non seulement une amitié, mais une longue aventure dont bien des aspects touchent au fantastique. Après l'Ode pour le Quatuor Lasalle, les Caractères pour piano, les Trois visages de Liège, commandés pour un spectacle Son et Lumière et retirés de celui-ci, le Madrigal Il pour un ensemble d'instruments anciens, le travail sur Votre Faust qui devait durer des années commence à La Panne, sur la mer du Nord, au rpois de juin 1961. Puis la famille Pousseur, augmentée par la na,issance de Ma- rianne, se réinstalle à Malmedy. Tout en donnant des cours à Cologne et à Bâle, en travaillant avec acharnement sur Votre Faust dont une première présentation, sous forme de concert, aura lieu à Bruxelles en 1966, et qui commence à proliférer en œuvres satellites (Miroir de votre Faust, pour piano, qui donnera à son tour Jeu de miroirs uploads/s3/ butor-sur-pousseur.pdf

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