f Née en Angleterre, l‘art-thérapie si elle tend à être connue en Belgique pein
f Née en Angleterre, l‘art-thérapie si elle tend à être connue en Belgique peine à être reconnue. f Cette « médecine alternative » prône une guérison par création artistique. f Les spécialistes se montrent prudents tout en pointant ses bienfaits. D ’après la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé, « art » est « quelque chose » et « thérapie » signifie « qui fait soin ». L’art-thérapie s’est développée dans les années 1940 en Angleterre. Adrian Hill, un artiste, est hospitali sé pour une tuberculose. Et il peint, tout le temps. Ses méde cins décèlent chez lui un état général de bien-être intérieur. Le patient a continué l’expé rience avec d’autres malades. Les résultats se sont révélés plu tôt bons. La fièvre « art-théra pie » a alors envahi le Canada, les États-Unis puis la France. En Belgique, cette « méde cine alternative » est encore peu connue. « On n’est jamais engagé en tant qu’art-thérapeute. On peut être embauché en tant qu’ergothé rapeute, en tant qu’artiste. C’est un métier qui n’est pas reconnu en Belgique », explique Amanda Couturier, danse-thérapeute. Et pour cause : il n’existe aucun consensus quant à la défini tion de l’art-thérapie. Une asso ciation belge des art-théra peutes a quand même vu le jour l’an dernier : « C’est un indi cateur. Il y a un désir d’obtenir un statut », souligne Helyett Wardavoir, directrice de la for mation en art et thérapie à la Haute école libre de Bruxelles. « Nos projets ont pour vocation de participer au développement de l'art-thérapie et d’encourager sa reconnaissance par les collectivi tés locales et auprès des différentes instances dirigeantes », indique Gwendoline Häusermann, administratrice de l’association. A ce stade, l’ASBL est incapable de recenser le nombre exact d’art-thérapeutes en Belgique. Révéler les « non-dits » « L’art-thérapie est une tech nique de développement personnel et une méthode de soins psychiques non-médicale » selon Amanda Couturier. Attention à ne pas la confondre avec une psychothéra pie à médiation artistique. L’art- thérapie inscrit le patient dans une œuvre. La danse, par exemple, est le média qui lui permet d’aller mieux. La psychothérapie à média tion artistique utilise l’art pour faire un travail psychologique. Or, un art-thérapeute n’interprétera jamais les œuvres de ses patients. « La finalité, pour aller vers une guérison, restera la notion de plaisir dans la création », affirme Helyett Wardavoir. Cette discipline se pra tique dans tous les arts. Elle révèle les « non-dits » : les douleurs que l’on ne peut exprimer par la parole. Ses effets principaux : retrouver une confiance en soi, l’aptitude à dépasser les jugements d’autrui et la maîtrise de ses émotions. La fragilité de l’art-thérapie Dans le courant de l’art-thérapie, il y a la spécialisation en « danse- thérapie ». Une branche encore moins représentée en Belgique. En cause : un rapport au corps qui est de plus en plus difficile dans notre société. Pourtant, les bénéfi ciaires ne doivent pas être danseurs professionnels. Benoît Lesage, médecin et docteur en sciences humaines a théorisé la danse-thé rapie dans son ouvrage « La danse dans le processus thérapeutique ». Il confie avoir travaillé avec des enfants autistes : « Leur corps est disloqué, ils ne parviennent pas à le coordonner. La danse leur permet de se sentir dans l’espace, de s’appuyer sur terre alors que, spontanément, ils sont sur la pointe des pieds. » Il dénonce la fragilité de l’art-thé rapie. « Beaucoup d’art-thérapeutes utilisent la danse comme moyen intuitif. C’est dangereux. Pour les anorexiques par exemple, il faut faire attention à ne pas leur demander de se mettre par terre, on peut faire des catastrophes. » La plupart des art-thérapeutes mettent effective ment en garde contre les dérives de cette nouvelle discipline : l’art peut faire du bien comme du mal. ■ PAULINE OVERNEY Le Soir mai 2014 1 reportage 5 Atelier de danse-thérapie animé par Ketty Ramos-Grusovin. Thème : « Expression primitive », ARTEC Montpellier, 2011 © Susanne Klein/flickr L’art-thérapie : entre alternative et fragilité L’avis de l’expert, Philippe Wulleman Psychiatre phénoménologue et art-théra peute, Professeur invité à l’HELB L’art-thérapie s’inscrit-elle dans un processus psychiatrique ? Normalement non. Dans les ateliers de danse-thérapie, c’est le pro cessus de création qui compte et non la psychologie du patient. La danse-thérapie est une discipline qui s’intéresse au corps : pas en tant qu’objet mais en tant que corps habité. Les danse-thérapeutes se positionnent d’ailleurs en observateurs du travail accompli et non en interprètes. Un psychiatre peut participer à un atelier de danse-thé rapie pour soutenir le thérapeute avec des pathologies plus lourdes, mais il n’intervient jamais. La danse-thérapie, ça « fonctionne » vraiment ? Je ne peux pas certifier que ça guérit. Je pense que cela peut fonc tionner avec des patients qui sont réceptifs à la démarche. C’est un peu comme l’hypnose : si vous n’y croyez pas, impossible de vous endormir. Ces ateliers s’adressent à toutes personnes inscrites dans un processus thérapeutique et qui souhaitent compléter leur chemi nement par une approche plus corporelle. Les patients doivent-ils suivre les ateliers toute leur vie ? Les patients se rendent vite compte si ça les aide ou non. Beaucoup de bénéficiaires continuent d’avoir un suivi psychiatrique en complé ment. Mais ce n’est pas le genre d’atelier que l’on suit toute sa vie. Une fois que l’on a repris confiance en soi, en son corps, on peut stopper le processus. Et reprendre à tout moment en cas de rechute. C’est une bonne alternative à la médecine traditionnelle. ■ Le docteur Philippe Wulleman, professeur invité à l'HELB. © Ph. Wulleman SANTÉ Utiliser les arts pour guérir ses maux Danser pour oublier la souffrance U n vendredi soir, vers 19h30 à la Hulpe. Quelques fidèles se retrouvent à la Maison de la Création, Place Favresse 26. Au premier étage, Valérie André, danse-thérapeute, attend les bénéficiaires pour commencer l’atelier. Dans le studio, l’atmosphère est paisible. La lumière orangée est tamisée, le diffuseur d’huiles essentielles parfume la pièce. La salle fait penser à un petit théâtre, niché sous des combles. Le rideau rouge de velours est séparé en deux pour laisser entrer les participants dans l’atelier. Comme des acteurs qui entrent en scène. Ce soir-là, quatre femmes, plus ou moins jeunes, rejoignent le cours de danse- thérapie. Le psychiatre Phlippe Wulleman arrive à son tour. Il sera présent pour épauler Valérie André. Les ateliers coûtent 150 à 300 euros pour une dizaine de séances, souvent non remboursés par la sécurité sociale. L’échauffement commence : « Il faut éveiller chaque parcelle de notre corps avant de danser, pour ressentir les émotions du lobes des oreilles jusqu’aux petits orteils », explique la danse-thérapeute. Une musique indienne envahit la pièce. Les participantes laissent leur corps s’exprimer timidement. « L’improvisation est l’élément essentiel lors des séances », précise Valérie André. « Il ne faut pas contraindre le bénéficiaire mais l’amener là où il veut aller. » Danser sur « Happy » Les exercices se suivent mais ne se ressemblent pas. La danse- thérapeute alterne musiques actuelles et musiques anciennes, rythmées ou lentes. Les bénéficiaires ont alors l’occasion de danser sur « Happy » de Pharrel Williams, en duo. « J’apprécie ces exercices à deux car on retrouve confiance en soi mais aussi en l’autre. Le duo, c’est de la sincérité, c’est du partage », confie Marie*, une participante. Après une heure et demie de danse, les quatre femmes ont l’air épuisé. Un exercice de relaxation conclue l’atelier. Avant de partir, Valérie André tient à recueillir le ressenti de ses « élèves ». Louise, souffre de douleurs chroniques. Elle est très émue : « Pendant l’atelier, je me sentais bien, j’ai oublié la souffrance. Mais elle revient très vite. » Claire, de son côté, n’est « pas satisfaite de son travail ». La jeune fille souffre d’anxiété sociale et n’arrive pas à s’ouvrir. Malgré quelques larmes et un peu de déception, les participantes sont reconnaissantes envers Valérie André. Un autre cours est prévu deux semaines plus tard. Toujours avec ce dessein : se sentir mieux grâce à la danse. ■ * Les prénoms ont été changés PAULINE OVERNEY f Deux fois par mois, Valérie André anime un atelier de danse-thérapie. f Depuis deux ans, elle aide des personnes malades à atténuer leurs dou leurs. Ou à diminuer leur anxiété. f Objectif : trouver un « mieux-être » à travers la danse. Le Soir mai 2014 reportage 2 Vocation : art-thérapeute L a formation en « art et thérapie » à la Haute école libre de Bruxelles (HELB) est unique en son genre. Seul ce diplôme est reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Depuis 2008, une vingtaine d’étu diants se succèdent chaque année pour devenir des art-thérapeutes. Helyett Wardavoir, directrice de la formation explique que « le recrutement est très sélectif ». Les candidats doivent avoir un bachelier et doivent répondre d’une expérience artistique. « Si les postulants n’ont pas de casquette artistique, ils ne peuvent pas suivre la forma tion car on ne leur apprend pas à être artistes mais uploads/s3/ b1-overney-pauline.pdf
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- Publié le Oct 03, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
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