Henri Gargat Bijou contemporain - Espace Solidor / Cagnes-sur-Mer Henri Gargat
Henri Gargat Bijou contemporain - Espace Solidor / Cagnes-sur-Mer Henri Gargat mimant une bague Ephémère, 2010. Bagues Ephémère, aluminium anodisé, plexiglas, mercure, 1970. Photographie : Édouard Rousseau. C'est en 1997 que la Ville de Cagnes-sur-Mer, aidée dans cette tâche par quelques artistes dont l'orfèvre Claude Pelletier, investissait et réaménageait ce qui allait devenir l'actuel Espace Solidor ; ce lieu entièrement dédié au bijou contemporain. Le 11 mai 1999, la première exposition de bijou contemporain, marque la renaissance de ce lieu après des années de " gestation ". Pour faire aboutir ce projet, ce sont quatre grands créateurs qui sont choisis parmi lesquels Henri Gargat l'aîné, Françoise et Claude Chavent et Frédéric Braham, le benjamin pour exposer dans ce nouvel espace. Henri Gargat considérait à cette époque, cette première exposition comme : " un lieu d'échanges, un pas nécessaire mais risqué vers l'autre ". Il présentait alors des pièces emblématiques de son travail et de ses recherches effectués entre les années 1966 et 1993. Déjà discrètement en retrait mais avec une soif d'échanges et une démarche entièrement intellectuelle, tournée vers le bijou contemporain dont il souhaitait la reconnaissance ; il disait en substance en 1999 : "que cette exposition fasse naître "ces échanges" témoignages de la compréhension de leur travail et par là même du bijou, à qui l'on reconnaîtra peut-être alors sa véritable fonction, qui implique autant ses rôles, historique, culturel, social et affectif, que sa stricte fonction d'usage esthétique". Aujourd'hui la Ville de Cagnes-sur-Mer s'honore de consacrer une rétrospective à Henri Gargat, intitulée " l'Empreinte ". Cette grande exposition a pour ambition de nous révéler la démarche créative sur les recherches et la création de cet immense artiste et permettre au public de découvrir la richesse et la diversité de ses œuvres, pour certaines jamais exposées auparavant. C'est aussi le témoignage de l'engagement de la commune pour l'expression artistique, dans toute sa richesse et sa diversité. Du 23 octobre 2010 au 13 février 2011, l'Espace Solidor sera donc, comme Henri Gargat en avait émis le souhait un lieu d'échanges, d'abord avec ses amis présents autour de lui, avec une exposition dans l'exposition intitulée " Pour toi Henri " mais aussi et surtout avec le public qui va enfin aller pleinement à la rencontre de l'artiste et de l'homme. Louis NEGRE Maire de Cagnes-sur-Mer Sénateur des Alpes-Maritimes Roland CONSTANT Adjoint au Maire Délégué à la Culture et aux Musées & Pour toi, Henri avec la complicité de Virginie Campion, Otto Künzli, Florence Lehmann, Franck Massé, Claude Pelletier, Agathe Saint Girons. Henri Gargat, l’empreinte par Michèle Heuzé-Joanno, historienne du bijou, commissaire d’exposition. Tout commence peut-être là 1944, sa vie ne tient plus qu'à un fil, une salve de mitraillette a atteint les jambes, la tête. Éclaireur dans le maquis de L'Oisans, près de Grenoble, Henri n'a que quinze ans. Allongé à même le sol l'enfant guette les Allemands, seul. L'attente dure plus de quatre heures, dont chaque seconde sont les gouttes lourdes, pesantes d'une pluie invisible. Le temps devient une composante particulière d'Henri, la solitude aussi. Dire le temps est sa première création revendiquée. Prendre le temps, le renier fut son défi, quitte à s'oublier lui-même et singulièrement ses proches. Ces quelques heures semblent avoir été si prégnantes, la peur comme compagne, "une sacrée trouille " qui le taraude. Seule sa main tient son salut, l'arme, objet sauveur qui deviendra un jour objet d'expression. Le temps, la douleur ont-il transformé la grenade en partie intégrante de lui-même ? Le corps se souviendra-t-il de cette présence contre l'angoisse ? Toute sa recherche formelle y semble liée, matérialisant cette excroissance, inventant de nouveaux volumes, des objets de main qu'il nommera bijoux. La bague Tatou en aura la couleur et les géométries, un mimétisme resté inconscient, car c'est au crépuscule de sa vie que la logique est apparue. Du traumatisme est née une force, une volonté de créer, un exutoire, un lien vital comme un cri de liberté. À la tombée de la nuit, son frère le retrouve. Des éclats, une longue cicatrice sur la jambe, resteront à demeure, malgré un an et demi d'hospitalisation. Son œuvre exprimera la face intérieure de ces blessures. Elles n'émergeront qu'à la fin de sa quarantaine, expulsant en pleine maturité, ce que le corps ne dit pas avec les mots. Henri est un homme si discret, d'une humilité excessive. Le bijou de création est sa quête salvatrice, son souffle. Et toujours, ce besoin le tenaille, comme une libération inachevée. Offrez, aujourd'hui, à Henri, la santé, l'argent, faites-lui faire un vœu, quel doux rêve caresserait-il ? Ni voyage, ni rencontre, rien de matériel, sans hésitation il répond : faire des bijoux… Henri Gargat portant le bijou de main Tatou, index main gauche, ébène, or, 1987. Enfance, cahin-caha Henri Gargat naît en octobre 1928 à Villieu, près de Grenoble, dans un milieu humble, ses parents travaillent dans la restauration. Au début des années 30, sa mère divorce. Lasse d'un homme volage, elle emporte courageusement ses quatre enfants. Il vivra donc peu avec son père. Vers ses cinq ou six ans, Henri entre dans une pension d'état. Encore trop jeune, il se souvient combien il aimait se cacher dans les jupes des cuisinières ou des infirmières. L'ambiance chez lui était stricte, sérieuse. Un milieu peu rassurant qui ne répondait pas à ses angoisses existentielles. En 1937, lors de l'épidémie de diphtérie, il est placé en observation à l'hôpital Edouard Herriot à Lyon. Tous les matins un infirmier emporte les enfants décédés dans la nuit. Terrorisé par cet homme énorme, effrayé du sort qui l'attend, le petit Henri s'empêche de dormir. L'angoisse de la mort, de la vie après la mort, est restée. À ce moment, un enfant lui parle de Dieu. Une évidence qui guidera toute sa vie. Il n'en dira rien à ses parents, son père est anticlérical, ni plus tard à ses amis, et se fera baptiser à vingt-cinq ans. La communication est un art peu pratiqué dans sa famille. Son instituteur, Monsieur Bocquet, l'encourage par sa présence, son enseignement et sa confiance. Il lui apporte la gaîté et le stimule quand il passe avec ses camarades son certificat d'étude : "si vous réussissez tous, je vous emmène à bicyclette à la Grande Chartreuse ! " Une semaine merveilleuse, ils sont tous partis. Il y a trente ans, l'élève et l'instituteur se sont retrouvés, passant chaque année deux jours ensemble, une pure félicité. En louant, pendant la guerre, une maison à la campagne, sa grand-mère lui offre une autre moisson de bonheur. De belles années, de 1940 à 43, quant il rejoint cette femme "adorable, chaleureuse" avant son accident. La Résistance étant une affaire de famille, son beau-frère, Michel Manguera, bien plus âgé, et son frère Robert, de quatre ans son aîné, l'y avaient conduit. Après cette aventure, il n'a plus le goût de l'école, cherche du travail et entre, comme apprenti bijoutier, à Lyon chez Sanne. Bijou de main, annulaire main gauche, or, diamant, 1985. Sacré " patte de lièvre " Henri est un travailleur insatiable, devient vite ouvrier : " je me suis tellement accroché, il fallait que je gagne ma vie et j'ai été sacré patte de lièvre1 en six mois". Durant ces quatre années à Lyon, il apprend à construire un bijou à partir d'une plaque de métal, mais "pour la joaillerie, Paris est en tête". Maîtriser les difficultés techniques devient une obsession, connaître son métier à fond, sans esprit de compétition, mais dans une quête de savoir-faire. À 21 ans, il part pour la capitale, travaille dans une douzaine d'ateliers dont Sasportas, Fontana, Rapp. Les métiers de la bijouterie offraient des débouchés sans fin. Dorénavant, il prend en compte les pierres dans le calcul du volume, peaufine ses maquettes, toutes en métal car la cire pour les modèles n'existait pas. La façon en était plus difficile. Dans les ateliers règnent une ambiance laborieuse et gaie. Henri aimait chanter et même faire le clown. Comme il y a travaillé dur et bien ri aussi ! "À chaque fois, partir était un arrachement". Connaissant parfaitement son métier, il gravit ainsi peu à peu les marches, devient chef d'atelier chez Buzelin. Joaillier était le métier manuel le mieux payé, mais ce confort ne lui suffit pas. En 1957, il décide d'installer son propre atelier sur l'île Saint Louis. Fontana reste un client "pour assurer son gagne-pain". L'aventure personnelle va commencer. En chemin, il s'est marié, a déjà deux de ses quatre enfants. Même s'il a paradoxalement peu confiance en lui, l'homme croit en sa bonne étoile, conscient de sa plus grande nécessité, son besoin de liberté. 1 L’expression semble n'avoir été employée qu'à Lyon, signifiant le passage d'apprenti stagiaire au statut d'ouvrier payé. La patte de lièvre ou de lapin servait à nettoyer la limaille sur l'établi. La formule a disparu tout comme la patte remplacée par une brosse. 2 Exceptionnellement, l'idée du serpent fait son chemin : il le gravera se mordant la queue, en cercle, sur un anneau plat ondulant pour simuler le mouvement. 3 uploads/s3/ catalogue-gargat-basse-def.pdf
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- Publié le Jui 21, 2022
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