3 Vincent Romagny Art de l’aire de jeux et aires de jeux de l’art 25 Rosemarie

3 Vincent Romagny Art de l’aire de jeux et aires de jeux de l’art 25 Rosemarie Trockel Sans titre (Playgrounds) 33 Roy Kozlovsky Les terrains d’aventure et la reconstruction d’après-guerre 67 Pierre Székely Sculptures-jeux 75 Enzo Mari The Big Stone Game 81 Simon Nicholson La théorie des éléments indéterminés. Un principe déterminant de la méthodologie du design 97 Aldo van Eyck Sur le design des installations de jeu et l’aménagement des aires de jeux. Aires de jeux — Amsterdam 115 Barbara Formis L’art en jeu 127 Jochen Gerner Martine parc 135 Karina Bisch Tatlina 145 Charlotte Nordmann Liberté surveillée 153 Palle Nielsen Le Modèle — Un modèle pour une société qualitative 169 Lars Bang Larsen La subjectivation politique dans « Le Modèle — Un modèle pour une société qualitative » de Palle Nielsen 185 Paul Hogan Playgrounds for free (extraits) 195 Marie Goupy Les deux directions des « Espaces autres » de Michel Foucault 207 Corin Sworn Evenings and Weekends 215 Seth Price Modern Suite 219 Cyril Jarton Partout comme aire de jeux Cette anthologie n’est pas un catalogue mais une boîte à outils qui accompagne deux expositions. Ces trois formes sont le fruit d’un travail collectif mené par deux centres d’art et un commis- saire indépendant sur la question des aires de jeux afin de tester, vérifier voire infirmer l’hypothèse du rapprochement de ces espaces urbains spécifiquement destinés aux enfants et des préoccupations d’artistes qui, loin de s’enfermer dans l’autonomie de leur art, pensent et travaillent les conditions du « vivre ensemble ». Les expositions sont les suivantes: Aires de jeux, contre-emplacements, au Micro Onde, centre d’art contemporain de L’Onde, Vélizy-Villacoublay, du 10 avril au 4 juillet 2010 (Karina Bisch, Florence Doléac, Jochen Gerner, Carsten Höller, Anita Molinero, Simon Nicaise, Seth Price, Pierre Székely, Corin Sworn et Adrien Vescovi — commissariat Sophie Auger et Vincent Romagny). Aires de jeux, la police ou les corsaires au centre d’art contemporain Le Quartier à Quimper du 2 juillet au 24 octobre 2010 (Liam Gillick, Allan Kaprow, Mike Kelley, Enzo Mari, Robert Morris, Gintaros Makarevicius, Palle Nieslen, Eamon O’Kane, Corin Sworn, Pierre Székely et Virginie Yassef — Commissariat Keren Detton et Vincent Romagny). Les sous-titres Contre-emplacements et La Police ou les corsaires reprennent les termes de Michel Foucault dans son texte « Des Espaces autres », dans lequel il définit un type d’espace non-utopique, mais précisément réel et transitoire, combinant des qualités paradoxales. On peut considérer que les expositions et la publication sont autant d’efforts pour voir à quelles conditions une aire de jeux peut être un « contre-emplacement », et éviter qu’à l’instar « des civilisations sans bateaux les rêves se tarissent, l’espionnage y remplace l’aventure, et la police, les corsaires » (Dits et Écrits II, Paris, Quarto-Gallimard, 2001, pp.1571 et suiv.). L’exposition présentée au centre d’art de L’Onde aborde la ques- tion des différentes formes d’existence de l’aire de jeux: avant d’être un lieu d’expérimentation pour les enfants, elle est proto- type, maquette, dessin, projet. À l’autre extrémité du spectre de ses formes d’existence, elle peut être souvenir, ruine, danger. Le déplacement de l’objet « aire de jeux » vers l’espace d’exposi- tion participe du changement de localisation auquel le sous-titre de l’exposition fait référence: les œuvres sont présentées dans Sophie Auger Keren Detton Vincent Romagny Préambule Vincent Romagny est commissaire d’expositions et éditeur indépendant. Cet essai est inédit. Art de l’aire de jeux et aires de jeux de l’art Vincent Romagny le centre d’art ainsi qu’au théâtre de L’Onde et dans les espaces de la ville. Toutes ces occurrences d’un objet difficilement défi- nissable, bien que très facilement reconnais-sable, sont autant d’occasions d’en cerner les ambiguïtés et les dimensions troubles. L’exposition au centre d’art Le Quartier à Quimper explore le tiraillement des aires de jeux entre un idéal de réalisation optimale des enfants et une forme de discipline. L’aire de jeux — à l’image de toute structure éducative, sociale ou de vie en commun — est effet d’une idéologie, autant qu’elle en devient le vecteur. L’exposition met en avant les destinataires de ces équipements, les enfants, mais engage aussi l’idée d’enfance. Partant des idéaux les plus élevés, les aires de jeux ne laissent pas facilement percevoir leurs écueils: la qualité de leurs inten- tions voilerait-elle leurs effets? Cette publication est animée par un même souci de réunir des éléments de réponse au doute que soulèvent les deux expositions: l’aire de jeux est-elle un espace de liberté ou de contrôle? Des contributions de nature et de forme hétérogènes recoupent partiellement les pro- positions présentées dans les expositions: interventions d’artistes, textes de chercheurs en sciences humaines et d’auteurs d’horizons différents, documentation et fac-similés sont considérés comme ayant le même poids de vérité. Des œuvres d’artistes de générations dif- férentes sont mises en regard les unes aux autres, reproduites ou pensées spécifiquement pour ce livre, comme autant de tentatives pour aborder la délicate question de l’éducation et de l’émancipa- tion, au risque de la coercition. Cette publication réunit ainsi textes inédits (Barbara Formis, Marie Goupy, Cyril Jarton, Charlotte Nordmann, Vincent Romagny), traductions (Aldo van Eyck, Roy Kozlovsky, Simon Nicholson), inserts (Karina Bisch, Jochen Gerner, Seth Price, Corin Sworn), fac-similés (Playgrounds for free) et documents historiques (Aldo van Eyck, Enzo Mari, Pierre Székely) — en quoi il s’agit bien d’une anthologie, forcément lacunaire, mais non pas impartiale. Elle a été pensée pour ne surtout pas apporter de réponses closes et définitives à des questions qui nous excèdent — mais qu’on ne saurait pour autant ne pas aborder. 4 | 5 _ _ ces aires de jeux forgent-elles si leurs utilisateurs ne peuvent en être, même de façon symbolique, les auteurs? [voir Playgrounds for free p.185]. Pourront-ils les sub- vertir longtemps, à l'image de cette fillette qui lançait du haut d’un toboggan sa poupée assise sur sa poussette? La question devient alors de savoir comment lui permettre de réitérer un tel geste provocateur, libérateur en ce qu’il redéfinit à lui seul les règles d’usage d’un objet pourtant normé et qui devrait ne permettre qu’une seule expérience, celle de la cinétique de son corps dans des limites très définies? Est-il possible de distordre les aires de jeux de la façon dont Jochen Gerner nous propose de les saisir à nouveaux frais, en recouvrant les pages d’un ancien exem- plaire de livre pour enfants stéréotypé [voir p.127]? Objets habituels dans les paysages de nos villes, les aires de jeux se situent à un nœud complexe. Ce nœud est d'abord politique — l'objet urbain « aire de jeux » relèverait-il du biopouvoir compris comme ce qui s'applique à la fois aux corps propres et aux populations dans leur ensemble, sans en passer par la médiation de l'appareil législatif ou judiciaire? Il faudra revenir sur la possibilité de la lecture foucaldienne de ce type d'arsenal urbain. Ensuite, ces aires de jeux relèvent de la question esthétique au sens propre, du sentir tel qu’il peut servir à forger un jugement, et de la question esthé- tique au sens plus moderne, relevant de la théorie, qui se propose d’en unifier les deux sens précédents: se poser la question de l’impact des formes, de leurs conséquences et aussi des conditions auxquelles elles pourraient ou devraient répondre. De son côté, l’art contemporain n’est peut-être rapproché de la question des aires de jeux que par des raisonnements simplistes. Le thème revient de façon péjorative dans les avis du grand public: les œuvres d'art de notre époque seraient uniquement ludiques (alors qu'elles sont participa- tives), les expositions seraient des terrains de jeux (alors qu'elles sont des territoires d'expérimentation), les bien- nales seraient des parcs d'attraction (alors qu'elles permettent la réalisation de pièces de format exceptionnel), les spectateurs des grands enfants (alors que leurs repères conceptuels et perceptifs sont bouleversés). Quant aux artistes… Or, ce lien a des racines lointaines dans [1] Vito Acconci, « La Fabrique du public: écriture et lecture de l'espace public », in Hétérotopies/Heterotopias, Lionel Bovier et Mai-Thu Perret (éds.), Genève, JRP éditions, 2000, p.125. [2] Marie-José Chombart de Lauwe, Philippe Bonnin, Marie Mayeur, Martine Perrot… [et al.], Les Pratiques des enfants durant leur temps libre en fonction des types d'environnement et des idéologies, Centre d'ethnologie sociale et de psychosociologie, Paris, éditions du Centre National de la Recherche Scientifique, 1976. Art de l’aire de jeux et aires de jeux de l’art Rapprocher aire de jeux et art contemporain? L’idée pour- rait paraître saugrenue: nous serions face à deux univers incommensurables. D’une part, l’objet « aire de jeux » est complexe: il relève à la fois de l’urbanisme et du design, du collectif et de l’intime, du social et du politique. Désigne-t-il un espace dans la ville? Les objets que l’on y rassemble? Qui les conçoit? Quelles intentions président à leur construction? Reconnaissant le rôle précisément idéolo- gique de l’espace public, Vito Acconci écrivait en 1993: « l’espace fonctionne d’abord comme sa propre réclame: il attire à lui le public, au moyen d’un signe visible, ou d’une rumeur répandue parmi le public, ou d’un souvenir inscrit dans le cerveau d’individus successifs (…). À uploads/s3/ anthologie-aires-de-jeux-d-x27-artistes-vincent-romagny-eds-conception-graphique-marie-proyart-pdf.pdf

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