1 LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY. RICHARD CONTE 2 LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY. RIC

1 LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY. RICHARD CONTE 2 LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY. RICHARD CONTE RICHARD CONTE Richard Conte : Agrégé et Docteur habilité en arts plastiques et sciences de l’art, Richard Conte est Professeur à l’Université Paris1 Panthéon-Sorbonne et Directeur de l’Institut ACTE (UMR 8218 du CNRS) Il est membre du Conseil Scientifique de Paris1 et du Comité éditorial des Publications de la Sorbonne. Il a dirigé De 1995 à 2000, la rédaction de la revue Recherches Poïétiques (9 numéros parus) et a fondé en 2002, la revue [plastik] (7 numéros parus) Outre huit catalogues d’expositions personnelles et une soixantaine d’articles publiés dans des revues à comité de lecture, il est l’auteur de En attendant que ça sèche, Éditions des Musées du Berry / Galerie P. Weider, Paris, 1994, de L’usine dans l’espace francilien (avec Yann Toma et Martine Tabeaud) et de Pommes libertines, Ed Actes Sud, 2007, (avec Emmanuel Pierrat) et inimages (avec René Passeron et jean Lancri, Ed. Klincksieck, 2010. Il a dirigé ou co-dirigé huit ouvrages collectifs et a créé la collection « Arts et monde contemporain » aux Publications de la Sorbonne. Ses activités associent l’organisation d’expositions autour de problématiques actuelles (le clonage reproductif humain, le sport et la performance, l’animal vivant dans la création, l’art et le droit, l’art domestique, le dessin hors papier, etc.), des colloques et forums croisant création et recherche ; ces manifestations donnent lieu à la publication d’ouvrages mêlant artistes et théoriciens. En tant que chercheur, il porte son intérêt sur la Poïétique (inspirée de Valéry et Passeron) comme anthropologie de la création. Artiste plasticien, il alterne et enchaîne peintures, actions, vidéos et photographies. Par exemple, après avoir « joué » deux coupes du monde de football « en peinture » (1998 et 2002), il a exposé ses 64 tableaux-matches au Musée de Busan (Corée); Sa performance Bille en tête avec les joueurs de boules au Festival Chalon dans la rue, en 2004 a donné lieu à une exposition au Musée Niepce de Chalon-sur Saône. De 2005 à 2008, il a élaboré des fruits et légumes marqués, avec les jardiniers du potager du roi à Versailles. (http:// bioart.richardconte.fr) Depuis 2011, Il crée avec des équipes de cinéastes des bandes- annonces pour des films qui n’existeront jamais. (http://trailers.richardconte.fr) Sur le plan international, il entretient des relations professionnelles suivies et a effectué de nombreux séjours en Tunisie, au Québec, en Corée du Sud, en Belgique, en Espagne, en Slovénie, aux USA, en Russie, etc. LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY 3 LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY. RICHARD CONTE En 1937, lorsqu’il prononce son Discours au Collège de France, Paul Valéry (1871- 1945) se démarque d’une poétique prescriptive en reforgeant le mot poïétique à partir du poïein grec. Ce Ï fondateur met l’accent sur la production en la démarquant de l’action (prattein) mais aussi de la phusis. Ce qui en fait traverse de part en part l’ensemble des écrits de Valéry, c’est le point de vue du créateur dans toutes ses dimensions anthropologiques. Dans les 28000 pages de ses Cahiers, de 1894 à sa mort, il en tisse patiemment chaque jour le programme. Contre l’Esthétique philosophique, il définit l’Esthésique, distinguant la création de la réception sensible ; il montre l’exemple vivant d’une autopoïèse littéraire ; il met en évidence l’importance de l’acte qui nous libère de l’indétermination de la pensée ; et sans jamais construire un système totalisant, il montre le rôle des corps et du langage dans le faire créateur.L’art semble ici exemplifier la création humaine en général et par la richesse de ses possibles, l’œuvre aurait la capacité de susciter le désir d’être indéfiniment vue et revue. MOTS-CLÉS : PAUL VALÉRY, POÏÉTIQUE, ART, FAIRE, ŒUVRE, ACTE, IMPLEXE, AUTOPOÏÉTIQUE, ESTHÉSIQUE, CORPS, POÉTIQUE, GENÈSE, INFINI ESTHÉTIQUE, INSTAURATION. La lecture de Valéry aide à créer. Tout en questionnant quelques convictions, elle irrigue « le sol nerveux » de la pratique. Saisissant au plus près l’état mental des moments où l’inventif s’épuise dans le laborieux, où l’éclat de la trouvaille se laisse entrevoir dans le limon du faire banal, les réflexions de Valéry « oxygènent » l’acte créateur. C’est que cette langue si claire dépose des mots justes sur nos intuitions troubles et nos idées brouillonnes. La pertinence de ces mots recèle une force mobilisatrice car, nous le verrons, Valéry ne prescrit pas, il stimule la volonté de rigueur. Sa pensée ne se laisse pas aisément enfermer dans une conception totalisante de l’art : c’est une pensée ouverte, contradictoire, élastique et pourtant exacte en l’espèce, comme s’il pouvait exister une science du particulier. Loin de tourner le dos au créateur, elle semble regarder l’artiste par dessus l’épaule. Ainsi Valéry est l’un de ceux qui donnent à penser que la poïétique constitue le champ possible d’une connaissance communicable de l’art en train de se faire. De plus, Valéry a su baliser une piste qui semble insuffisamment explorée par la recherche, celle d’une pensée formalisée, endogène à la création, qu’il a déblayée méthodiquement par une sorte d’autopoïèse de l’esprit. Il y a là d’ailleurs une leçon à retenir pour les arts plastiques aux sujets desquels il a conservé pourtant une conception très classique, marquée toutefois par Degas et son époque. C’est paradoxalement quand il écrit sur la poésie ou sur le fonctionnement de son propre esprit, que Valéry nous en dit le plus sur le processus créateur. Par une transposition du faire poétique au faire pictural, on découvre l’existence possible d’une pensée à partager entre les différents acteurs de l’art. Mais ces correspondances pour devenir opératoires passent par l’étude des textes multiples et polymorphes du poète. Il y a là un vaste corpus pour qui veut rechercher les fondements d’une philosophie des conduites créatrices. 4 LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY. RICHARD CONTE LE PROGRAMME DE VALÉRY Il existe un nombre d’ouvrages considérable sur la pensée de Paul Valéry. Chercheurs, critiques, et essayistes ont commenté et analysé son œuvre. Pourquoi dans ce cas y revenir ? Tout simplement parce que, sur le plan poïétique, dont l’enseignement de Valéry constitue l’une des sources les plus précieuses, on ne trouve que livres et articles concernant la seule création poétique et littéraire. Mais Valéry ne s’en tient pas à une poïétique littéraire. Certes, les fragments de textes auxquels il est fait habituellement référence, comportent des ambiguïtés sur la nature de ce qu’il appelle avec Léonard, les « œuvres de l’esprit ». Mais reprenons la définition du Discours au Collège de France : « Le faire, le poïein, dont je veux m’occuper, est celui qui s’achève en quelque œuvre et que je viendrai à restreindre bientôt à ce genre d’œuvres qu’on est convenu d’appeler œuvres de l’esprit. Ce sont celles que l’esprit veut se faire pour son propre usage, en employant à cette fin tous les moyens physiques qui lui peuvent servir » (Valéry, 1957, p. 1342). Valéry en tant que poète et penseur, se devait d’articuler son cours autour d’une poïétique littéraire, noyau de sa propre pratique. Mais pour comprendre l’étendue de son ambition, relisons plutôt le Discours aux esthéticiens dans lequel il définit la poïétique en la complétant par l’ « Esthésique » : « Un autre tas assemblerait tout ce qui concerne la production des œuvres ; et une idée générale de l’action humaine complète, depuis ses racines psychiques et physiologiques, jusqu’à ses entreprises sur la matière ou sur les individus, permettrait de subdiviser ce second groupe, que je nommerais Poétique, ou plutôt Poïétique. D’une part, l’étude de l’invention et de la composition, le rôle du hasard, celui de la réflexion, celui de l’imitation ; celui de la culture et du milieu ; d’autre part, l’examen et l’analyse des techniques, procédés, instruments, matériaux, moyens et suppôts d’action (...) » (Valéry, 1957, p. 1311). Il est clair que le dessein de Valéry ne se réduit pas « à la création d’ouvrages dont le langage est à la fois la substance et le moyen » comme l’entendait Jean Pommier dans son Discours de succession à Valéry au Collège de France (7 mai 1946). Valéry ne se limite donc pas aux arts du langage et il suffit de lire Eupalinos, Degas Danse Dessin, ou Mon buste, pour s’en convaincre. Quand il écrit par exemple dans Mon buste « Chaque instant du sculpteur est menacé par une infinité d’infinités d’éventualités. Il risque à chaque instant de perdre sur un point qu’il ne voit pas, ce qu’il gagne sur le point qu’il voit, » et plus loin « Regardez-le agir : ce ne sont que révolutions de l’artiste et rotations du modèle. Le modèle et la masse (d’argile ou de plâtre) font vaguement songer aux deux foyers d’une ellipse : le sculpteur autour d’eux est toujours en action. La séance tient du mouvement des planètes et de la danse » (Valéry, 1960a, p. 1361). POÉTIQUE ET POÏÉTIQUE On pourrait multiplier les citations montrant que Valéry adopte une posture poïétique dans tous les domaines où l’homme est producteur d’œuvres. Enfin, cette démarche se 5 LA POÏÉTIQUE DE PAUL VALÉRY. RICHARD CONTE trouve au cœur de uploads/s3/ poietique-paul-valery.pdf

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