DU 4 AU 23 JUILLET 2019 Si l’on me demandait aujourd’hui en quoi le théâtre est
DU 4 AU 23 JUILLET 2019 Si l’on me demandait aujourd’hui en quoi le théâtre est irremplaçable, je dirais qu’il est le plus court chemin de l’esthétique à l’éthique. Et aussitôt il conviendrait d’ajouter qu’il est le plus court chemin de l’éthique à l’esthétique, ce qui n’est pas le même parcours. Pour faire acte de conscience poli- tique, le théâtre n’a qu’à ouvrir ses portes. Même le plus apolitique des théâtres reste encore plus politique que la plupart des déclarations du monde consumériste. Qui n’a pas vu que l’individualisme est devenu une valeur marchande et que le capitalisme n’en finit pas, non seulement de le susciter, mais aussi de le proposer comme voix unique de l’intelligence et de l’accomplissement de soi ? Et quelle aventure humaine dans ce grand supermarché technologique nous apprend encore la joie d’être ensemble ? Être ensemble ce n’est pas faire foule ou vibrer d’affects refoulés, c’est accepter une inquiétude commune et espérer le retour de mythes fondateurs. L’esthétique et l’éthique sont si proches lors d’une représentation de théâtre qu’on peine parfois à les distinguer, notre émerveillement croise notre soif de société meilleure, notre conscience collective est renforcée par la célébration de la scène. Le consommateur consomme seul et se console lui-même dans une luxuriante misère, il achète du bruit pour s’éloigner un peu plus de ce qui pourrait le sauver. Or ce qui nous sauve, c’est d’appartenir à l’Histoire, c’est la sensation d’avoir participé à l’histoire, même la plus humble réunion d’espérances peut suffire à faire naître ce sentiment. Le spectateur du théâtre d’art n’apporte jamais que son incompréhension du monde et son désespoir d’être isolé, c’est ce que nous pourrions appeler le silence de la salle. Ce spectateur vient pour faire silence, étrange pratique, si anachronique au regard des polémiques braillardes et du sloganisme irruptif des réseaux sociaux. On commence au théâtre par faire silence et cela ne veut pas dire se taire, au contraire. On ironisera tant qu’on le voudra sur la puissance du théâtre à changer la société. Et depuis que la société est monde, on peut douter de lui, et depuis que le monde lui-même est à sauver, on peut craindre que le théâtre ne soit plus qu’un artifice d’inclus perdus dans les héri- tages patrimoniaux. Pour comprendre qu’il n’a rien perdu de sa puissance thaumaturgique, il suffit de changer d’échelle, de le contempler à la hauteur d’une existence, celle d’un adolescent sans entrée dans la vie de l’esprit, d’un détenu accablé de déterminismes sociaux, d’un enseignant qui n’a peur ni de l’obscurité ni de l’éblouissement, d’un artiste qui a renoncé à la gloire par amour de son artisanat, d’un passant qui mystérieusement dévie de sa route tracée par les puissances commerciales, d’un amoureux qui cherche un point de cristallisation, d’un mourant qui a besoin de contempler la vérité ultime de sa fin. À la hauteur de ces existences, le théâtre peut quelque chose et le terme de possible est baigné d’aube. Mais le théâtre, qui promet moins qu’il ne donne, ne se contente pas d’ouvrir des possibles, il est action. Le danger partout s’est accru de vivre dans un monde désenchanté, un monde où nous serions seuls face à la culpabilité et à l’impuissance. Pour nous aider à traverser la sévérité du temps, le théâtre propose tout simplement de nous réunir devant la représen- tation éternelle de l’humanité aux prises avec cette impuissance. Le silence alors devient un moyen de percevoir l’imaginaire partagé, le lien profond et indicible, le messianisme du collectif. Ne dit-on pas de la salle qu’elle a eu une écoute cristalline, qu’elle a respiré d’un même souffle ? Et que dire après ce silence de la déflagration des applaudissements qui le brise et célèbre non pas la fin de la représentation mais la présence du Présent ? Le théâtre politique dit que la repré- sentation est l’essence du politique, il a besoin d’images et de récits pour éviter d’être vide et de ne représenter que la violence du pouvoir. L’ambition immense du Festival d’Avignon n’est pas moins que cela. Notre impatience d’une société plus juste, d’un rapport au monde plus sain, d’une parole mieux partagée, est le plus haut désir politique. Et pour cela, il faut désarmer les solitudes. Il n’y a dans cette aventure aucune hiérarchie, chacun y est absolument responsable de lui-même et de sa part de conscience. Merci à chacun et à tous de faire du théâtre un art de l’avenir. DÉSARMER LES SOLITUDES OLIVIER PY 2 3 Festival d’Avignon, Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, 84000 Avignon - tél. + 33 (0)4 90 27 66 50 - festival-avignon.com Direction de la publication Olivier Py et Paul Rondin / Coordination Virginie de Crozé, Camille Gillet et Dounia Jurisic, avec la participation de Pascale Bessadi, Camille Court, Hélène Lopes, Diane Martin, Véronique Matignon, Mélanie Prévost / Rédaction Malika Baaziz (pp. 7, 10, 15, 30, 31, 40, 42, 46, 48), Marc Blanchet (pp. 4, 6, 11, 22, 23, 35, 41, 43, 49, 52, 53), Francis Cossu (pp. 5, 8, 14, 17, 21, 39, 50), Moïra Dalant (pp. 9, 16, 20, 38, 47, 51), Marion Guilloux (pp. 33, 34), Aurélie Noailly (p. 32) Relecture Malika Baaziz, Studio 2022 / Traduction Gaël Schmidt-Cléach / Couverture © Miryam Haddad, Agonia , 2019 Crédits photographiques Silence, 2018, Miryam Haddad / Photographie Fabrice Gousset, Courtesy de l’artiste & Art : Concept Paris (p. 4), Marcel Breuer Papers, Special Collections Research Center, Syracuse University Libraries (p. 5), Natura, Zahara Gómez (p. 6), Gorka Bravo (p. 7), Guillaume Malichier (p. 8), Paul Camacho (p. 9), Tom Verbruggen (p. 10), DR (p. 11), Christophe Raynaud de Lage (pp. 12-13, 18-19, 36-37, 44-45, 54-55), Il viaggio dei Magi, 1435, « Sassetta » Stefano di Giovanni, Maitland F. Griggs Collection, Bequest of Maitland F. Griggs, 1943 (p. 14), Darian Dragoi (p. 15), Venkat Damara (p. 16), Weeping Meadow, film de Theo Angelopoulos (p. 17), Scribe (p. 20), Jean-Louis Fernandez (pp. 21, 32, 46), Sebastiaan Stam / L’Archipel (p. 22), Laurent Philippe (p. 23), Mirabel White (pp. 24-26), DR (p. 28), Meng Theatre Studio (p. 30), Loan Nguyen (p. 31), Ateliers des artistes en exil (p. 33), Fred Kihn (p. 34), Kosuke Arakawa (p. 35), Macha Makeïeff (pp. 38, 61), Elie Barthès (p. 39), Kirill Serebrennikov (p. 40), Mammar Benranou (p. 41), Archa Theatre / Jakub Hrab (p. 42), Florent Pey / akg-images (p. 43), Tommy Milliot (p. 47), Andrej Uspenski (p. 48), Ballet National du Congo (p. 49), Dorothea Tuch (p. 50), Baptiste Muzard (p. 51), Sonia Wieder-Atherton (p. 52), Valerian (p. 53), Latcho Drom / KG production (p.59), DR (p. 62), Asbestos, 1981-1982, Jean-Michel Basquiat (p. 63) / Graphisme mine de rien avec l'aide de Julien Gaillardot / Impression Groupe Maury Imprimeur - Malesherbes. © Festival d’Avignon, avril 2019 – Tous droits réservés – Programme sous réserve de modifications / Licences Festival d’Avignon : 2-1069628 / 3-1069629 SOMMAIRE SOMMAIRE P.04 Exposition LE SOMMEIL N’EST PAS UN LIEU SÛR Miryam Haddad P.05 Théâtre ARCHITECTURE Pascal Rambert P.06 Théâtre DÉVOTION DERNIÈRE OFFRANDE AUX DIEUX MORTS Clément Bondu P.07 Danse OSKARA Kukai Dantza P.08 Théâtre PELLÉAS ET MÉLISANDE de Maurice Maeterlinck Julie Duclos P.09 Théâtre – Cinéma LE PRÉSENT QUI DÉBORDE NOTRE ODYSSÉE II O AGORA QUE DEMORA d’après Homère Christiane Jatahy P.10 Théâtre £¥¤$ Ontroerend Goed P.11 Théâtre musical – Jeune public L’AMOUR VAINQUEUR Olivier Py P.14 Théâtre AMITIÉ de Eduardo De Filippo et Pier Paolo Pasolini Irène Bonnaud P.15 Théâtre POINTS DE NON-RETOUR [QUAIS DE SEINE] Alexandra Badea P.16 Théâtre – Jeune public BLANCHE-NEIGE, HISTOIRE D’UN PRINCE de Marie Dilasser Michel Raskine P.17 Feuilleton théâtral L’ODYSSÉE de Homère Blandine Savetier P.18 Indiscipline VIVE LE SUJET ! Séries 1 et 2 P.20 Danse A LEAF Célia Gondol et Nina Santes P.21 Théâtre SOUS D’AUTRES CIEUX de Kevin Keiss d’après Virgile Maëlle Poésy P.22 Théâtre – Musique NOUS, L’EUROPE, BANQUET DES PEUPLES de Laurent Gaudé Roland Auzet P.23 Danse MULTIPLE-S DE VOUS À MOI DE BEAUCOUP DE VOUS ET VOUS SEREZ LÀ Salia Sanou P.24 LES ATELIERS DE LA PENSÉE P.30 Théâtre LA MAISON DE THÉ de Lao She Meng Jinghui P.31 Théâtre PHÈDRE ! d’après Jean Racine François Gremaud P.32 Théâtre L’ORESTIE de Eschyle Jean-Pierre Vincent P.33 Conte musical – Jeune public LE JEUNE YACOU Yacouba Konaté P.34 Théâtre MAHMOUD & NINI Henri Jules Julien P.35 Musique MILAGRE DOS PEIXES Tiganá Santana P.38 Théâtre musical LEWIS VERSUS ALICE d’après Lewis Carroll Macha Makeïeff P.39 Théâtre – Jeune Public LA RÉPUBLIQUE DES ABEILLES d’après Maurice Maeterlinck Céline Schaeffer P.40 Théâtre OUTSIDE Kirill Serebrennikov P.41 Théâtre LE RESTE VOUS LE CONNAISSEZ PAR LE CINÉMA de Martin Crimp Daniel Jeanneteau P.42 Indiscipline ORDINARY PEOPLE OBYCEJNÍ LIDÉ Jana Svobodová et Wen Hui P.43 Théâtre MACBETH PHILOSOPHE d’après William Shakespeare Centre Pénitentiaire Avignon-Le Pontet Olivier Py et Enzo Verdet P.44 Indiscipline VIVE LE SUJET ! Séries 3 et 4 P.46 Danse OUTWITTING THE DEVIL Akram Khan P.47 Théâtre LA BRÈCHE de Naomi Wallace Tommy Milliot P.48 Danse AUTOBIOGRAPHY Wayne McGregor P.49 Indiscipline HISTOIRE(S) DU THÉÂTRE II Faustin Linyekula P.50 Théâtre GRANMA. uploads/s3/ programmation-du-festival-in.pdf
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- Publié le Mar 17, 2022
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