COMMENTAIRE sur le Code Civil de la République de Moldova Claus SPRICK Conseill
COMMENTAIRE sur le Code Civil de la République de Moldova Claus SPRICK Conseiller à la Cour Fédérale d'Allemagne A. Remarques préliminaires Ce commentaire s'appuie sur une traduction française du Code Civil de la République de Moldova. Pourtant, en cas de doute, le texte original rédigé en langue moldave (Codul Civil, N° 1107-XV din 06.06.2002, Monitorul Oficial al R. Moldova N° 82-86 din 22.06.2002) m’a permis parfois d’éliminer des difficultés de compréhension, ainsi que le texte de l’ancien Codul Civil du 26 décembre 1964 d’apprécier l'évolution du droit moldave. Quant à la Constitution de la République de Moldova du 29 juillet 1994, une traduction anglaise m’a permis de la prendre en considération. Par contre, ignorant la législation déjà existante ou envisagée à laquelle le Code Civil se réfère à maintes reprises, je ne saurai apprécier le mécanisme d'interaction de ce code avec les autres lois de la République de Moldova. Si mes informations sont correctes, plusieurs projets de loi élaborés par des commissions bien différentes furent soumis au parlement moldave en 2001 et 2002, et il paraît que ses délibérations se sont plus ou moins bornés à la question lequel des projets alternatifs méritait d’être adopté. En ce qui concerne les efforts des experts étrangers auxquels les autorités moldaves ont fait appel séparément ou successivement, je me demande s’il n’y a pas à déplorer un manque de coordination entre eux. Quoi qu’il en soit, je m’abstiendrai de tout commentaire sur ce point, notamment sur le rôle de l’USAID dans ce domaine, de telles considérations dépassant le champ de l’expertise que l’on m’a demandée et dont le seul sujet sera le texte actuel. Et je ne me fais aucune illusion quant à l'utilité de mes propos visant à suggérer des modifications éventuelles de dernière minute puisque l’ entrée en vigueur du texte déjà promulgué est envisagée pour le 1er janvier 2003. J'espère pourtant que les remarques auxquels m'inspire le texte soumis à l’examen puissent servir aussi bien le Conseil de l'Europe à mieux apprécier le progrès achevé par le législateur moldave, que la partie moldave à voir son propre projet sous l'angle de vue critique d'un juriste étranger. Je suis sûr d’avoir assez souvent mécompris le texte, mais ceci pourrait quand-même servir parfois comme indice que la clarté de la disposition mécomprise laisse à désirer. 1 Je tiens à souligner que c'est loin de ma pensée de déprécier le mérite des auteurs du Code Civil ou le résultat impressionnant de leur travail énorme. Si jamais mes commentaires paraîtraient un peu condescendants ou rudes, j’affirme que ce n'était point mon intention; il faudrait me tenir compte du fait que j'ai rédigé ce commentaire dans une langue qui n'est pas ma langue maternelle, et que le désir d'être bref a peut-être lui aussi contribué à un manque de courtoisie éventuel. B. Remarques générales 1. Respect des Droits de l'Homme En ce qui concerne la compatibilité du projet de code avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme, je me limite à observer qu'aucune des dispositions ne suscite des objections substantielles. Les droits de l'homme sont évoqués et garantis dans l’article 4-1 de la Constitution, et même si l’article 2-3 du Code Civil semble admettre que l’exercice des droits et libertés fondamentaux puisse être restreint par des dispositions de ce Code et des autres lois, les articles 1-3 et 3-1 soulignent clairement que de telles restrictions doivent être conformes à la Constitution et, par conséquent, à la garantie des droits de l’homme qu’elle comprend. Bien sûr, tout dépendra de l'interprétation et de l'application du code par les instances judiciaires dans le sens du respect des droits fondamentaux expressément invoqués par le législateur moldave. 2. Structure et étendue du Code Il paraît évident que les notions fondamentales et la structure du Code Civil moldave ont été largement inspirées par la conception générale du Code Civil Français qui semble, en partie, lui avoir servi de modèle. Mais on y retrouve également des notions du droit civil allemand ainsi que des dispositions inspirées par celles du Code Civil de la Fédération Russe et du Code Civil modèle de la Communauté d’États Indépendants. a) L'on est frappé, pourtant, par l'étendue du Code qui comprend, outre des dispositions aussi spéciales que par exemple celles qui règlent le transport des biens (artt. 993 - 1029), le droit des sociétés commerciales (artt. 106 ss.) et des organisations non commerciales (artt. 180 ss.). Certes, si le Code Civil moldave s'est proposé, dans son article 2-1, à déterminer le statut juridique de tous les participants au circuit civil et et à régir leurs rapports civils, rien ne s’oppose, à première vue, à l'effort de réglementer la totalité de ces rapports dans un seul code compréhensif. En ce qui concerne l’abolition de la séparation classique entre le droit civil et le droit commercial, il faut avouer que c’est l’exemple des Pays-Bas et de leur codification toute récente qui semble avoir tenté d’abord la Russie, puis la Fédération Russe, et l’on sait bien qu’elles eurent recours à des experts néerlandais pour la rédaction de leurs Codes Civils. Rien d’étonnant, par 2 conséquent, si la Moldavie suit cet exemple. Mais la situation juridique en France et en Allemagne m'amène quand-même à avoir des doutes quant à l'utilité d'un tel effort. Ce n'est pas sans raison que le droit des sociétés commerciales a été réglementé séparément par la loi 66 en France, et que l'Allemagne connaît des lois distinctes pour les sociétés par actions (Aktiengesetz), la SARL (GmbH-Gesetz), la société coopérative (Genossenschaftsgesetz), la société en nom collectif et la société en commandite (artt. 105 ss., 161 ss. du Code de Commerce allemand) ainsi que pour la transformation de ces sociétés (Umwandlungsgesetz). Car c'est surtout dans le domaine du commerce, ne fût-ce qu’en face des exigences de la globalisation, que le développement de structures nouvelles amène le législateur à modifier plus ou moins régulièrement les lois existantes ou à adopter des règles tout à fait nouvelles. Comme exemple, je ne citerai que la nouvelle loi française du 12 juillet 1999 sur la Société par actions simplifiée (SAS), ainsi que sur le plan communautaire, le Groupement Européen d'Intérêt Économique (cf. règlement 2137/85 relatif à l'institution d'un GEIE, JOCE L 199 du 31/07/85) et la Société Européenne (cf. règlement 2157/01 portant établissement d'un statut de SE, JOCE L 294 du 10/11/01). Insérer de tels changements à fur et à mesure dans un code existant -surtout dans un des codes les plus universels et classiques- me semble inconvénient et peu pratique. Il ne faut pas oublier non plus les inconvénients que l'inclusion du droit des sociétés dans le Code Civil risque de présenter pour les praticiens du droit - juges et avocats - non spécialisés dans ce domaine. Les codes annotés et les commentaires sur le code civil seront d'autant plus encombrant et chers! Or, avant l'introduction du Code Civil Allemand (BGB) en 1900, la codification prussienne (Allgemeines Preußisches Landrecht, ALR), qui avait prétendu à régler l'ensemble du droit civil en un seul code, avait été critiquée pour être tout sauf maniable. L’exemple de la Russie me semble confirmer mes doutes. Les articles 87 à 94 et 96 à 104 du Code Civil Russe qui contiennent des dispositions générales quant à la SARL et la SA furent complétées par des lois spéciales, notamment par la loi sur les SARL entrée en vigueur le 1 mars 1998 et par la loi du 24. Novembre 1995 sur les SA entrée en vigueur le 1 janvier 1996. Je crains que la Moldavie se verra bientôt contrainte ou bien à compléter les dispositions des articles 136 et ss. (société en commandite), les articles 145 et ss. (SARL) ainsi que les articles 156 et ss. (SA) de son Code Civil, ce qui risque de le rendre illisible, ou bien de promulguer des lois spécifiques complétant ces dispositions, ce qui entraînerait la conséquence peu souhaitable que l’on devrait se référer à deux codes différents relatifs à une seule et même forme de société commerciale. Déjà, le Code Civil se réfère à maintes reprises à d'autres lois quant aux détails (art. 106-3, art. 113-3 et 113-4, art. 115-1 e); et, quant à la SA, art. 158-1, art. 161-8, art. 163-7 et art. 169. b) De l'autre côté, l'on s'attendrait à ce qu'un Code Civil comprenne l'ensemble des normes qui sont d'une importance fondamentale pour les 3 relations entre les justiciables dans leur vie quotidienne. Ainsi, le droit de la famille constitue une partie essentielle et naturelle du Code Civil dans beaucoup de pays, y compris la France et l'Allemagne, d'autant plus qu'il existe une relation étroite entre le droit de la famille et le droit de succession. Par contre, le droit de la famille avait été réservé à une loi distincte dans l'ancienne R.D.A., mais apparemment parce qu'on y tenait beaucoup à la minceur du Code Civil qui ne comptait que 480 articles. Il me semble évident que le droit de la famille touche infiniment plus aux intérêts du particulier que, par exemple, les questions soulevées par la fusion, uploads/S4/ comentarii-ii-la-codul-civil-al-republicii-moldova-l-fran.pdf