Commentaire d’arrêt En vertu de l’article 1103 du Code civil « Les contrats lég
Commentaire d’arrêt En vertu de l’article 1103 du Code civil « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». En principe, cet article peut être traduit par l’adage duquel il s’inspire « pacta sunt servanda », affirmant ainsi la nécessité pour chaque partie au contrat de respecter sa parole donnée. Nonobstant, son pendant négatif est quant à lui, illustré par l’adage « omnis convention intellegitur rebus sic stantibus », signifiant qu’une convention ne peut rester valable que si les motifs pour lesquels il a été conclu restent en l’état. Ainsi, de sa prévision par le code civil à sa réception par ce dernier la théorie de l’imprévision pose désormais de nombreuses controverses doctrinales en droit des contrats. L’arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 16 mars 2004 traite de la rupture unilatérale d’une convention tripartite motivée par un bouleversement de l’équilibre économique de celle-ci au détriment de l’une des parties contractantes. En l’espèce, en 1974 une commune concède à une association l’exploitation d’un restaurant à caractère social et d’entreprise. Le 15 octobre 1984 le contrat prend la forme d'une convention tripartite formée pour une durée de dix ans entre la commune, l’association et une société restauratrice pour laquelle l’association en qualité de concessionnaire avec l’accord de la commune sous-concède l’exploitation. La société obtient de ses cocontractantes d’importants travaux d’investissement, en contrepartie elle s’engage à payer un loyer annuel à l’association et une redevance à la commune. Cependant, le 31 mars 1989 la société résilie unilatéralement cette convention par une lettre au motif qu’« elle se trouvait dans l'impossibilité économique de poursuivre l'exploitation ». Le 25 avril 1989 l’association ainsi que la commune obtiennent par une ordonnance de référé la condamnation de la société à poursuivre son exploitation. Mais la société cesse tout de même son activité le 31 juillet 1989. La société cessionnaire, demanderesse, saisi le tribunal administratif de Grenoble afin d’obtenir la résiliation de la convention tripartite en dommages et intérêts. En parallèle, l’association cédante et la commune cédée, demanderesses assignent le cessionnaire saisissant le tribunal de grande instance de Bonneville afin d’obtenir des dommages-intérêts pour les dégradations causées aux installations. Les juges du fond font droit à la demande des concédantes au titre des loyers et redevances dues, de l’indemnité de résiliation pour l’association et des travaux de remise en état des installations et celle de redevance restant dues pour la commune. Un appel est alors interjeté. La cour d’appel approuve la décision des juges du fond au motif que la société cessionnaire a résilié unilatéralement le contrat et a causé des dégradations. Un pourvoi est alors formé. La Cour de cassation affirme la décision de la Cour d’appel. L’argumentation de la juridiction de droit commun du second degré repose d’une part sur le fait que le cessionnaire ne peut résilier unilatéralement et brutalement la convention à laquelle elle s’est engagée et demander la renégociation de celle-ci en raison d’un déséquilibre structurel du contrat qui était présent dès l’exécution de celui-ci mais en réalité négligé par elle. D’autre part, la société est selon la cour d’appel solidairement tenue jusqu’à complet remboursement du prêt aux parties concédantes. Ainsi, l’obligation de loyauté et l’exécution de bonne foi imposent-t-elles une renégociation des termes du contrat lorsqu’il porte sur un déséquilibre financier au détriment de son cocontractant bien que celui-ci existant dès la conclusion du contrat ? La Cour de cassation répond par la négative, en approuvant la décision de la cour d’appel de Chambéry d’avoir refusé de sanctionner les concédantes s’étant tenu au contrat sans accepter de le renégocier, au motif que le concessionnaire « mettait en cause le déséquilibre financier existant dès la conclusion du contrat, et non le refus injustifié du concédant de prendre en compte une modification imprévue de circonstances économiques et ainsi de renégocier les modalités du contrat au mépris de leur obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi ». La Haute Juridiction retrace les contours de la possibilité de résiliation d’un contrat au regard d’une stricte négation de cette possibilité dans le passé, (I) dans des circonstances portant sur une prétendue imprévision qui exalte des conditions nouvelles de sa reconnaissance (II). I/ Une politique contractuelle diversifiée en matière d’imprévision Alors que la jurisprudence est inscrite dans un mouvement refusant et déniant au juge la possibilité de modifier la convention conclue entre les parties, un assouplissement se distingue dans la lignée. Toutefois, les principes à préserver sont nombreux et se « battent en duel » (A). La Cour de cassation, elle, dans cet arrêt poursuit la décision de la juridiction de second degré qui remodèle les bases d’une notion complexe : « l’imprévision » (B). A/ L’actualisation d’une jurisprudence antédiluvienne Il est bien rare que le déroulement du contrat corresponde exactement à la représentation que s’en sont faites les parties au moment de leur engagement. Effectivement, l’avenir réserve le plus souvent des imprévisions. De ce fait, en droit des contrats français la notion semble ancrée en jurisprudence depuis un important arrêt; Canal de Craponne. « Il aura suffi d’une ride sur les eaux tranquilles du Canal de Craponne, pour convoquer à nouveau l’imprévision sur le devant de la scène. ». Cette affirmation est véridique puisque l’arrêt du Canal de Craponne a été rendu le 6 mars 1876, il remonte alors à plus d’un siècle. Toutefois, bien que les faits de la décision ne soient plus réellement d’actualité sa portée au contraire l'est considérablement en matière contractuelle. En effet, c’est par cet arrêt que la Cour de cassation consacre la théorie de l’imprévision. La Cour de cassation marque le droit des contrats par sa solution stricte rejetant fermement la possibilité pour les juges de réviser un contrat qui serait devenu déséquilibré en raison d’un changement de circonstances imprévisibles. Cette décision de 1876 est en principe dans sa solution finale reprise par la Cour de cassation dans cet arrêt de 2004. Effectivement, la question de droit se pose similairement à celle l’arrêt de Craponne de savoir si le juge peut porter atteinte à la force obligatoire du contrat lorsque des circonstances économiques ont pu créer un déséquilibre dans les droits et obligations de chacune des parties. La Cour de cassation répond par la négative rejetant alors toute possibilité de révision pour imprévision. Toutefois, une distinction importante doit être faite. Effectivement, dans l’arrêt de Craponne le déséquilibre n’existait pas lors de la conclusion du contrat mais est reconnu suite à des événements postérieurs qui en altèrent l’équilibre originaire tandis que dans l’arrêt Les Repas Parisiens le déséquilibre était présent dès la conclusion du contrat. Ainsi, dans un sens différent, l’arrêt de 2004 est ambigu, la Cour ne semble en effet pas « hostile » à une obligation de renégociation, mais n’en fait qu’une possible interprétation reprenant par sa solution celle de la Cour d’appel. Toutefois, cet arrêt n’est pas le premier arrêt en matière d’imprévision depuis celui du Canal de Craponne, d’autres arrêts ont été rendus en la matière. En l’occurrence, un arrêt Huard de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 3 novembre 1992 montre un léger fléchissement du concept de « pacta sunt servanda ». Les juges ont considéré dans cet arrêt que « pouvait être engagée la responsabilité d’une société refusant abusivement la révision d’un contrat, et ont donné naissance à une obligation de renégociation fondée sur le principe de bonne foi ». Ainsi, c’est par une progressive modernisation que l’arrêt de 2004 s’éloigne légèrement de cette obligation de bonne foi et par sa solution épaule l’approche de la réforme de 2016. Ainsi, la révision d’un contrat est désormais rendue possible, les parties sont bien entendu tenues de respecter leur accord donné lors de l’exécution du contrat mais peuvent s’en détacher si les circonstances y conduisent. Toutefois, des conditions sont nécessaires, afin que la rupture du contrat soit « prudente ». B/ L’impossibilité de résiliation unilatérale du contrat portant sur un déséquilibre structurel de ce dernier L’arrêt société Les Repas Parisiens du 16 novembre 2004 pose le principe selon lequel un déséquilibre structurel présent dès la formation du contrat ne saurait conférer le droit pour une partie de résilier le contrat unilatéralement. En effet, l’admission par la Cour de cassation de la résiliation par la société concessionnaire aurait reconnu la lésion, qui suppose un déséquilibre des prestations existant au moment de la formation du contrat. Or, les contraintes économiques qui pesaient sur la société concessionnaire au moment de la formation de l’acte n’étaient pas de nature à l’empêcher d’exécuter sa prestation. C’est alors en vain que la société demande de lui faire droit puisque la survenance d’un déséquilibre en cours d’exécution du contrat doit être visée et non le déséquilibre structurel en principe détectable dès sa conclusion. Ainsi, il est possible de constater qu’il ne s’agit pas dans cet arrêt d’une situation d’imprévision à proprement parler mais une « négligence » et une « imprudence » de de la société, ayant mal évalué son intérêt financier dès l’origine de l’exécution uploads/S4/ commentaire-d-x27-arret-quot-l-x27-imprevision-quot.pdf
Documents similaires










-
53
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 16, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
- Taille du fichier 0.0830MB