LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN DE 1789 LA DÉCLARATION DES D

LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN DE 1789 LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN DE 1789 2 L a Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, rédigée au début de la Révolution française, consacre la fin de l’Ancien Régime et pose les fondements d’un nouvel ordre juridique, poli- tique et social. Moins de quatre mois séparent l’ouver- ture des États généraux à Versailles (5 mai 1789) de l’adoption par les députés de l’Assemblée nationale du dix-septième et dernier article de la Déclaration (26 août 1789). Des États généraux à l’Assemblée constituante : la fin de la monarchie absolue Les États généraux ont été ouverts le 5 mai 1789 par le roi Louis XVI. Si le tiers état a obtenu le doublement de sa représen- tation (qui est donc désormais égale à celle du clergé et de la noblesse réunis), le pouvoir royal entend maintenir la séparation des ordres lors des délibérations. Le roi refuse le vote par tête, ce qui réduit le poids politique de ceux qui représentent pourtant plus de 95 % de ses sujets. La question financière, qui a justifié la convocation des États généraux, est seule au centre des discussions. Il apparaît bien vite que la réforme de l’État et la Consti- tution, souhaitées par une partie des députés, ne sont pas à l’ordre du jour. En se constituant en Assemblée natio- nale, le 17 juin 1789, les députés du tiers état, rejoints par des membres du clergé et de la noblesse, s’affirment alors face au roi comme les repré- sentants de la Nation, repre- nant en cela l’idée défendue par l’abbé Sieyès dans Qu’est- ce que le tiers état ? La souveraineté réside dès lors dans les repré- sentants de la Nation et non plus dans la personne du roi. Le 20 juin, ces députés jurent de ne pas se séparer « jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides » (c’est le célèbre Serment du Jeu de paume). Le 27 juin, le roi cède et invite les trois ordres à se réunir au sein d’une assemblée unique qui, le 9 juillet, se proclame constituante. C’est la fin de la monarchie absolue. L’abolition des privilèges La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, marque l’entrée en scène du « peuple » de Paris dans la révolution. Elle est suivie en province de la Grande Peur, qui débouche sur une révolte paysanne et antiseigneuriale. La nuit du 4 août, espérant mettre fin à ces troubles, les députés abolissent tous les privilèges. L’Ancien Régime juridique et social – fondé sur les droits féodaux et seigneuriaux, les distinctions et les libertés particulières réservées à des corps, des ordres ou des villes –, disparaît. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée le 26 août, symbolise solennellement les rup- tures qui se sont opérées depuis le mois de juin. Une déclaration des droits de l’homme et du citoyen préalable à l’élaboration de la Constitution Le projet de déclaration est inséparable de l’idée de constitution. Le 9 juillet, jour où l’assemblée se déclare constituante, le député modéré Mounier appelle à la rédaction d’une déclaration courte et simple, en préam- bule à la Constitution. Du 1er au 3 août, les députés débattent de l’opportunité d’une telle déclaration et de son intégration ou non à la Constitution. Finale- ment, celle-ci précède chronologiquement l’examen de la Constitution. Les articles sont rédigés, discutés et adoptés successivement par les députés entre le 20 et le 26 août. La Déclaration restera inachevée, les députés ayant suspendu l’examen des droits après l’article 17 pour se consacrer à la rédaction de la Constitution. N DES ÉTATS GÉNÉRAUX À LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN : LA DESTRUCTION DE L’ANCIEN RÉGIME Emmanuel Joseph Sieyès, dit l’abbé Sieyès (1748-1836), homme d’État et homme d’Église français, gravure d’Allais. 3 AUX SOURCES PHILOSOPHIQUES DE LA DÉCLARATION La pensée politique des rédacteurs de la Déclaration est très imprégnée par la philosophie du « droit naturel », notamment celle de l’Anglais John Locke, mais aussi par l’humanisme et l’individualisme des Lumières françaises fondés sur l’universalisme de la raison et l’idée d’égalité des hommes. L’affirmation de la liberté des individus et la place accordée à la loi, expression de la « volonté générale » au sein d’un « contrat social », témoignent de l’influence de Rousseau. On y trouve également les idées de Voltaire en faveur de la liberté de conscience et la nécessité d’un régime fondé sur la séparation des pouvoirs garantissant contre l’arbitraire exprimée par Montesquieu. Le rationalisme irrigue, grâce à l’Encyclopédie notamment, la pensée des élites de 1789. L’influence de l’Italien Beccaria (fondateur du droit pénal) est également lisible dans la Déclaration. Enfin, cette dernière s’inspire de grands modèles tels que l’Habeas Corpus de 1649 et la Déclaration des droits de 1689 pour l’Angleterre et de la Constitution américaine de 1787. Quelques œuvres de référence – John Locke (1632-1704), Traité sur le gouvernement civil (1690). – Montesquieu (1689-1755), De l’Esprit des lois (1748). – Cesare Beccaria (1738-1794), Traité des délits et des peines (1764). – Voltaire (1694-1778), Traité sur la tolérance (1763) et Dictionnaire philosophique (1764). – Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Du Contrat Social (1762). – Encyclopédie (ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers), dirigé par Denis Diderot (1713-1784) de 1751 à 1772. ÉNONCER LES DROITS DE L’HOMME Quelle est la signification du préambule ? Les « représentants du peuple français », par une décla- ration solennelle, énoncent les « principes simples et incontestables » qui seront les fondements de l’organi- sation juridique et politique née de la Révolution. Dans la partition entre « droits de l’homme » et « droits du citoyen », ce sont les premiers qui sont au cœur du préambule. Ces droits sont « naturels » (donnés par la nature, ils préexistent logiquement à toute société organisée), « inaliénables » (on ne peut pas les perdre) et « sacrés » (inviolables). La connotation religieuse du dernier mot pouvait rassurer ceux qui considéraient ces droits comme octroyés par Dieu. La référence discrète aux « devoirs » rappelle que certains constituants avaient demandé, en vain, l’adjonction à la déclaration des droits, d’une déclaration des devoirs. La Déclaration ne proclame pas des principes nou- veaux : elle rappelle des droits dont il faut empêcher « l’ignorance, l’oubli ou le mépris ». Ce texte est ainsi conforme à l’optimisme rationaliste des Lumières : chaque homme peut trouver en lui ces vérités car il est doué de raison. L’invocation déiste de « l’Être suprême », présenté comme simple spectateur et non comme source de la Déclaration, est la marque du compromis passé entre libres penseurs et députés atta- chés à la référence religieuse. La Déclaration définit les principes directeurs et les limites de l’action des pouvoirs institués : leurs actes pourront « être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique » qui est le respect et la garantie des droits, condition de réalisation du « bonheur de tous 1 ». Ainsi affleure l’idée d’un contrôle des pouvoirs législatif et exécutif. 1. Cette référence rappelle la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 faisant de « la recherche du bonheur » un droit naturel. 8 4 Comment définir les « droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme » ? Les dix-sept articles de la Déclaration posent les fonde- ments d’une société formée d’individus libres et égaux soumis à la loi qui s’impose à tous dans son universalité. Ils remettent ainsi en cause une société d’ordres organisée en une série de corps intermédiaires s’intercalant entre l’individu et l’État. En affirmant que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », l’article 1 donne d’emblée une portée universelle au texte (conformément aux vœux des constituants, il s’applique non seulement aux Français mais à l’humanité tout entière). La liberté précède l’égalité qui, contrairement à elle, ne figure pas au nombre des « droits naturels et imprescriptibles » énoncés dans l’article 2 (« imprescriptibles » signifiant ici « qui ne peuvent être supprimés »). Égalité L’égalité « en droits » exclut définitivement l’existence des privilèges abolis le 4 août 1789. En affirmant que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », l’article 6 donne une définition indivi- dualiste et universaliste de l’égalité : la loi ne reconnaît que des individus, elle ne prend en compte ni l’apparte- nance à des groupements ni l’inégalité des conditions (il s’agit de ce qu’on appelle aujourd’hui l’égalité civile). Le même article satisfait une des revendications majeures du tiers état : l’égalité d’accès aux emplois publics, le mérite devant désormais l’emporter sur la naissance. L’égalité devant l’impôt qui supprime les exemptions fiscales des privilégiés est formulée à l’article 13 : la charge fiscale « doit être également répartie entre tous les citoyens ». Tous les individus doivent donc contribuer mais les « facultés » (capacités) contributives de chaque contribuable doivent être prises en compte. La liberté et les libertés uploads/S4/ declaration-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-livret-pedagogique.pdf

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  • Publié le Mai 25, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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