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Page 1 sur 23 Université Paris-Dauphine Master 213 Droit Notarial Droit des biens Arnaud Raynouard Arnaud.raynouard@dauphine.fr Xavier Amar Promo 2010/2011 Page 2 sur 23 Droit des biens Arnaud RAYNOUARD Introduction Le droit romain avait une vision de la propriété qui correspond parfaitement à l’analyse qui est faite aujourd’hui de la propriété. D’une certaine manière, on revient aujourd’hui à cette vision plus économique. Ainsi, le Code civil a prévu des règles applicables qui répondent précisément aux difficultés que soulève l’analyse économique. Si on donne du pouvoir sur un bien à quelqu’un, comme un usufruit, il y a toujours des effets pervers (non voulus) : c’est le résultat d’un texte qui crée une situation qui n’a pas été voulue par le législateur, et qui se révèle positive ou négative. Le Code civil de 1804 avait déjà anticipé de nombreux problèmes que l’on retrouve aujourd’hui. C’est dans cette optique qu’il est intéressant de poser quelques éléments d’analyse économique de la propriété. L’analyse économique du droit est l’application à des concepts juridiques de la démarche et des outils de sciences économiques, et notamment le passage de mécanismes d’économétrie, soit l’utilisation d’études empiriques pour vérifier certains postulats. Dans le cadre de l’analyse économique, la propriété est le fait d’attribuer à une seule personne ou à un groupe de personnes le pouvoir de décision sur la façon d’utiliser une ressource, ainsi que les gains ou les pertes qui résulteraient d’une ressource. C’est le pouvoir de décision. Or, dans une société, le pouvoir de décision appartient au gérant, alors que le propriétaire est l’associé. Le coût d’agence, c’est le fait que les intérêts des dirigeants au quotidien vont différer de ceux des actionnaires. Il faut donc des mécanismes pour que les actionnaires puissent contrôler l’action des dirigeants. Pour les économistes, le propriétaire d’une société est le dirigeant, et l’actionnaire est finalement simplement un créancier de la société d’une certaine matière. La propriété pour les économistes, c’est le pouvoir de décision. La propriété finalement, c’est le fait que la ressource est retirée de la libre accessibilité. Si on retire le bien de la libre accessibilité, on ne peut le faire qu’en donnant le pouvoir à une personne. Le tuteur a bien un pouvoir de décision sur les biens de l’incapable, et il va pouvoir faire des actes comme un propriétaire. Ainsi, la chose va être réservée au propriétaire : c’est la notion d’exclusivité. Dès lors, trois questions se posent : • Pourquoi cette appropriation exclusive rend-elle le bien d’avantage disponible pour l’ensemble de la communauté ? le fait de faire naître un marché crée une mobilité des biens beaucoup plus grande. • Pourquoi est ce que la propriété continue-t-elle aujourd’hui à être un pilier de l’organisation sociale ? Elle existe depuis les sociétés primitives, mais elle est préférée aujourd’hui à d’autres modes de gestion (libre accès à tous, attribution par une autorité, lotterie…). Au regard de ces trois modes d’attribution de ressources rares, la propriété demeure un des meilleurs moyens, mais pas nécessairement, et pas toujours ! • Comment en est-on arrivés à créer de nouvelles formes de propriété ? Ce sont surtout des nouveaux biens, et non pas une nouvelle propriété ? Finalement, comment est-ce qu’on en arrive à étendre la propriété ? Traditionnellement, on est propriétaire de son bien immobilier. Progressivement, la terre, l’immobilier va devenir objet de l’appropriation, ceci avec des systèmes comme celui anglais, à savoir le fait que la couronne, l’Eglise conserve une bonne partie de la propriété immobilière du pays de Gales par exemple. Les propriétaires ont en fait un simple droit de jouissance. Il y a même eu une extension de la propriété à d’autres formes de biens, comme l’image, etc… Ce sont clairement des biens objets de propriété aujourd’hui. Le rôle essentiel de la propriété est aujourd’hui indiscutable, mais aujourd’hui, un certain nombre de ressources ne peuvent pas ou ne doivent pas faire l’objet d’une appropriation (voies publiques, voies navigables, espace aérien…). Page 3 sur 23 Les creative commons, c’est une forme de copyright, créé en réaction au copyright américain : ils sont nés notamment par rapport aux droits de propriété sur internet (téléchargement, etc…). C’est simplement la recréation d’une forme d’appropriation dite créative, c'est-à-dire qu’on met sur le réseau une œuvre de l’esprit, mais au lieu de la mettre sous un copyright, je la mets sous un creative commons, et je dis exactement quels sont les droits que j’accorde aux utilisateurs. Les patent pools, c’est mettre des brevets dans une « piscine », et permettre l’accès à tous ceux qui ont mis dans la piscine. C’est le même mécanisme que les sites de téléchargement qui permettent de downloader à hauteur de ce qu’on peut uploader. Pour Douglass North, économiste américain, prix Nobel d’économie de 1993, a beaucoup travaillé sur des questions de droit et de développement. Ce seraient des arrangements institutionnels. Il considère que le développement de l’occident est lié précisément à avoir créé des institutions politiques qui permettent précisément d’un coté de protéger la propriété, et de l’autre d’en limiter les éventuels gâchis ou spoliations. Ainsi, si jamais ses effets ne sont pas atteints, la propriété ne serait pas absolue, au point d’en avoir des effets négatifs. L’exclusivité caractérise le plus la propriété. L’exclusivité est importante, car si un bien était en libre accès, il risquerait d’y avoir surconsommation, à moins que le bien existe en abondance. Si la ressource est abondante, personne n’a d’intérêt à s’en priver, ni d’aménager l’accès à cette ressource. C’est la question des freeriders, en français des passagers clandestins, pour savoir qui profite d’un bien alors que ce sont les autres qui payent. Pour qu’un bien fasse l’objet d’une exclusivité, il faut que l’objet auquel on va appliquer la propriété supporte une forme d’exclusivité. Elle n’a pas besoin d’être parfaite, mais elle doit être suffisante. Or, cela induit un contrôle, une sanction et une mise en application de la sanction. Le titulaire de la propriété va exercer trois prérogatives : pour les économistes, les trois prérogatives connus par les juristes (usus, fructus, abusus) sont liés à la propriété, mais le titulaire de ces prérogatives sera un propriétaire, alors même qu’en droit, on considèrera que ce n’est pas un propriétaire. L’avantage de ces prérogatives se trouve sur le terrain des incitations. En conférant une propriété privée (fructus et abusus), on donne un intérêt direct pour le propriétaire. Ainsi, ceci va l’inciter à gérer au mieux, et de manière innovante, ces objets de propriété. C’est un effet incitatif, qui ne passe pas forcément par la propriété de l’article 544 C. Civ. Par exemple, l’usufruitier est titulaire de prérogatives, mais il n’est pas propriétaire. Pour préserver la propriété, il va falloir trouver des mécanismes qui vont assurer la conservation des biens : l’usufruitier qui n’est pas propriétaire, et qui se fiche du bien, va être obligé de le restituer, afin d’assurer la bonne gestion et utilisation du bien. Si on a accès égal au bien, on va utiliser la ressource de manière à maximiser sa situation individuelle. Or, en cas d’égal accès, on constate une maximisation individuelle, sans égard pour la préservation collective du bien. Progressivement, on va vers une ruine collective, parce que la ressource sera dilapidée. L’exemple typique, ce sont les quotas de pêche. Ceci soulève un problème moral, qui appelle donc une régulation : c’est là qu’on trouve tout le débat entre le non interventionnisme, et l’intervention de la personne publique. Si on compare le mécanisme de la propriété à un mécanisme dans lequel on serait en position d’utiliser un bien par la violence ou par la force, et que c’est le plus fort qui va pouvoir utiliser la chose, comme il sait qu’il va pouvoir se faire déposséder, il va maximiser le plus possible, même au détriment du capital. Enfin, si on a des mécanismes d’appropriation qui reposent sur le favoritisme, le problème qui se pose peut ruiner une société : on trouve un problème de redistribution, et donc d’incitation à entreprendre. L’abusus est la possibilité de pouvoir détruire ou aliéner un bien : cette capacité attachée à la propriété de transférer le droit permet la création d’un marché. Ce mécanisme permet également la formation d’un prix. Cela permet une incitation à une bonne gestion et à une responsabilisation des acteurs. Du coup, l’avantage comparatif de la propriété repose sur trois éléments : Ø Grâce à la propriété, il y a une réduction des coûts du fonctionnement de l’échange. On n’a pas besoin d’une structure administrative complexe, on réduit la violence, etc… Page 4 sur 23 Ø Cela joue un rôle d’information : c’est parce qu’il y a une propriété individualisée qu’on sait qu’un bien est disponible sur un marché. Ø Cela permet d’accorder des prérogatives (incitations fortes). Ce mécanisme d’allocation des ressources rares, tel que les économistes le voient et l’utilisent, a vocation à évoluer car la rareté et les ressources évoluent. Le mécanisme qui est apte à gérer la rareté va évoluer. Pour les juristes, il y a une nécessité, qui est de voir si la forme de l’appropriation est uploads/S4/ droit-biens.pdf

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  • Publié le Aoû 11, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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